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Analyses critiques

Épidémies guinéennes : des politiques infectieuses aux ontologies virales

Fanny Attas

Doctorante en anthropologie, République de Guinée
ENS de Lyon (Triangle), Institut de recherche pour le développement (TransVIHMI) Centre de recherche et de formation en infectiologie de Guinée (CERFIG) 

fanny.attas@ens-lyon.fr

numéro :

L’Afrique et le monde à l’heure virale

Africa and the World in Viral Time

Afrika na ulimwengu katika nyakati za virusi

افريقيا و العالم في عهد الفيروسات

GAJ numéro 02 première.jpg.jpg

Publié le :

14 décembre 2022

ISSN : 

3020-0458

02.2022

Cet article analyse l’application des modèles de ripostes épidémiques sur le territoire guinéen lors de la survenue de l’épidémie de Covid-19 et interroge les décalages souvent visibles entre ces modèles et les pratiques réelles de prise en charge et de gestion épidémique observées. Il analyse dans une première partie la manière dont les mesures barrières se heurtent aux « normes pratiques » (Olivier de Sardan 2010) des soignants dans les centres de santé. Il vise à sortir de la compréhension classique des systèmes de santé guinéens – et plus largement africains – comme « dysfonctionnels » (Jaffré & Olivier de Sardan 2003) et de l’interprétation du non-respect des mesures de protection par les soignants et les populations comme relevant de « résistances » ou « réticences » (Somparé 2020). Pour ce faire, il propose dans une seconde partie d’explorer le potentiel de l’approche ontologique pour comprendre les processus de traduction, d’adaptation et d’appropriation à l’œuvre dans l’application des modèles de gestion par les soignants et les populations. Il examine dans une troisième partie comment les patients gèrent le risque épidémique au sein du Centre de traitement épidémique (CT-Epi) par la mobilisation de tactiques et de répertoires ontologiques divers permettant de négocier avec l’invisible viral. L’enjeu est ainsi de mobiliser l’approche ontologique afin de revisiter les théories issues de l’anthropologie africaniste et de proposer de nouveaux axes d’analyse des contextes africains, notamment celui de la Covid-19 en Guinée.


Mots-clés

Guinée, Covid-19, anthropologie, ontologie, virus


Plan de l'article

  • Introduction


  • Au-delà de l’Afrique « faillie » : Repenser les dysfonctionnements, défaillances et réticences

  • Systèmes de santé défaillants, normes pratiques et non-respect des mesures barrières.

  • À la croisée des mondes : de l’Afrique « faillie » aux innovations ontologiques


  • De l’intérêt d’une approche ontologique en Afrique.

  • Tournant ontologique : entre épistémologies coloniales et traditions anthropologiques

  • Ontologies infectieuses et épistémologies médicales en Afrique


  • Revisiter la crise épidémique de la Covid-19 à l’aune de l’approche ontologique

  • Négocier avec l’invisible : la Covid-19 en Guinée

  • Gérer le risque épidémique : syncrétisme médical, répertoires et chorégraphies ontologiques


  • Conclusion

Introduction

Associées à une longue histoire épidémique (Le Marcis 2021) et à un système de santé fragile, les récentes émergences et réémergences[1] en Guinée ont contribué à faire du pays une priorité pour les institutions de santé globale et les politiques de surveillance épidémique. Les épidémies d'Ebola en 2013-2016 et en 2021, ainsi que la pandémie de Covid-19 depuis 2020, ont été l'occasion d'instaurer sur le territoire des modèles formalisés de riposte (Gomez-Temesio et Le Marcis, 2017) et de surveillance épidémique, portés par des institutions internationales[2] et nationales[3]. Ces derniers ont largement contribué à diffuser des pratiques et discours provenant du champ de la santé globale. S'ils semblent à première vue constituer des modèles neutres et apolitiques (Bardosh, 2016), ils sont en réalité chargés de conceptions particulières provenant de la biomédecine moderne sur la maladie, le corps, le soin et surtout les virus (Bonnet, 2003). Appliqués sur l'ensemble du territoire lors des résurgences épidémiques et des périodes de surveillance, ces modèles viennent s'inscrire dans la société guinéenne et importent des discours ontologiquement situés, malgré leur apparente globalité. Ils entrent alors en négociation avec les acteurs locaux et leurs répertoires ontologiques propres (Fairhead, 2016).
Provenant de la philosophie avant d'être utilisée et réinterprétée par l'anthropologie à la fin du xxe siècle (Nef et Schmitt 2017), l'ontologie (du grec ancien ontos, « être », et logos, « discours, traité ») traite de l'être. Descola (2005, p. 176) définit ainsi les ontologies comme des « systèmes de propriétés des existants [qui] servent de points d'ancrage à des formes contrastées de cosmologies, de modèles du lien social et de théories de l'identité et de l'altérité ». En anthropologie, la majorité des auteurs mobilise le concept d'ontologie pour rendre compte de la multiplicité des mondes et des êtres. Si certains partent du postulat que le monde est intrinsèquement multiple (Descola, 2005), d'autres proposent de saisir l'altérité radicale de ces mondes (Chandler et Reid ,2018) via une conceptualisation fluide et contextuelle (Fairhead, 2016) des ontologies comme performances (Mol, 2002). Enfin, cette approche constitue un outil méthodologique pour poser des questions ontologiques (Holbraad et Pedersen, 2017).
Cet article analyse l'application des modèles de ripostes épidémiques sur le territoire guinéen lors de l'épidémie de Covid-19 et interroge les décalages souvent visibles entre ces modèles et les pratiques réelles de prise en charge et de gestion épidémique observées sur le terrain. Il vise à sortir de la compréhension classique des systèmes de santé guinéens - et plus largement africains - comme « dysfonctionnels » (Jaffré et Olivier de Sardan, 2003) et de l'interprétation du non-respect des mesures de protection par les soignants et les populations comme relevant de « résistances » ou « réticences » (Somparé, 2020). Dans un premier temps, l'article analyse comment les mesures de gestion épidémique de la Covid-19, censées être appliquées par les soignants en « première ligne », se trouvent en décalage avec la réalité des normes pratiques (Olivier de Sardan, 2010) de ces derniers.
Il propose d'examiner ces fréquents décalages non pas en termes de défaillances, mais de processus de traduction, d'appropriation, de transformation et de rejet à l'œuvre lorsque diverses conceptions du monde portées par les discours biomédicaux et locaux se rencontrent sur le terrain. Dans un second temps, il traite de l'intérêt d'une approche ontologique en Afrique, peu développée à l'heure actuelle, qui permettrait pourtant d'examiner d'un regard neuf les problématiques et contextes africains. Il s'agit de questionner les discours produits sur l'Afrique qui continuent d'inscrire le continent dans un rapport de pouvoir et de hiérarchie avec un référentiel épistémique autre - autrefois « européen », désormais « occidental ». Enfin, dans un troisième temps, l'article revisite la crise épidémique de la Covid-19 en Guinée à l'aune de l'approche ontologique. Il examine comment la gestion des maladies et du risque viral en Guinée se traduit, au sein du centre de traitement épidémique, par la négociation constante des humains avec le virus, via des tactiques d'évitement et de purge qui donnent corps à l'invisible viral et en font un non-humain actant, poussant les patients à mobiliser une multitude de répertoires ontologiques parfois contradictoires pour se soigner et pour faire sens autour de la maladie.
Cet article se base sur une étude ethnographique menée en Guinée de décembre 2020 à décembre 2021 dans le cadre du projet de recherche ARIACOV[4]. Mobilisant observation participante et entretiens formels et informels, cette étude s'est déroulée dans deux structures sanitaires : un centre de santé amélioré (CSA) disposant d'une unité de chirurgie simple dans la région de Forécariah, et le CT-Epi de Gbessia prenant en charge les patients atteints de Covid-19 dans la capitale Conakry. L'ethnographie menée au CSA sur une durée cumulée de deux mois (décembre 2020, juillet 2021, décembre 2021) s'est concentrée sur les acteurs de santé et sur leurs rapports aux différents virus et aux mesures barrières en période épidémique. L'enquête au CT-Epi de Gbessia, réalisée à l'occasion d'une hospitalisation en tant que patiente positive à la Covid-19 en février 2021, s'est attachée à examiner les pratiques quotidiennes de gestion du risque viral par les patients.

Au-delà de l'Afrique « faillie » : repenser les dysfonctionnements, défaillances et réticences

Systèmes de santé défaillants, normes pratiques et non-respect des mesures barrières.

« Ici, on n'aime pas trop les bavettes. Il vaut mieux ne pas porter. Il y a eu des manifestations contre ça et depuis, ça n'est pas bien vu d'avoir ça. »
Mme Camara, la sage-femme, me jette un regard lourd de sens tandis que je range mon masque chirurgical dans mon sac. Nous sommes le 9 décembre 2020, en pleine vague de Covid-19 et, alors que les mesures barrières sont censées être renforcées dans tout le pays par décret présidentiel, personne, au CSA dans lequel je mène mon ethnographie, ne porte de masque ou ne respecte les mesures de distanciation. Cela fait plusieurs jours que je suis présente dans le service de la maternité avec les sages-femmes, les médecins, les agents techniques de santé (ATS) et les hygiénistes. En pleine épidémie, nous partageons les mêmes plats, mangeant avec la main droite dans la même assiette, et dormons ensemble dans la salle de garde.
J'ai de la chance : je partage avec la sage-femme titulaire un matelas qui a été posé sur le sol de la salle de garde, tandis que les stagiaires partagent un second lit, la natte, ou bien se couchent sur les paillasses et les tables d'examen. Personne ne respecte la distanciation physique ou le port du masque. Si nous le faisions, il serait impossible de manger ou dormir au CSA, vu la configuration des lieux et l'organisation pratique des
soignants : le manque de place n'autorise la distanciation ni pour le personnel de santé, ni pour les patients et, dans un système de santé où une majorité des soignants sont considérés comme « stagiaires », et donc non rémunérés, ce sont les titulaires qui fournissent le plus souvent le repas de la garde pour leurs équipes. Commensalité et promiscuité sont ainsi des invariants des centres de santé en Guinée, de même que l'insuffisance de matériel médical. Le médecin gynécologue entre dans la salle d'accouchement :
« Vous, là, vous n'avez pas le matériel ! Vous n'avez même pas de masque, alors qu'on est en période épidémique. Vous ne portez même pas la blouse entière : il faut le pantalon aussi, le pagne, là, ça n'est pas possible ! » Il me dit : « Bon, ici, personne ne respecte les mesures. Pas même les médecins. Les gens se disent que Corona, c'est pour les Blancs, pour les riches. Qu'eux, dans leur champ, il ne peut rien leur arriver ! Donc ils n'en portent pas. »
Dans le CSA, il existe une différence majeure entre les normes édictées par les institutions sanitaires nationales et internationales et les pratiques réelles observées sur le terrain. Ces décalages concernent autant les procédures de soin que le respect de la PCI (prévention et contrôle des infections), les normes d'hygiène ou les mesures de riposte épidémiques. Ces dysfonctionnements particuliers, qui pourraient être interprétés comme des mauvaises pratiques de la part des soignants, sont la manifestation d'une plus grande déstabilisation du système de santé en Guinée. Ce dernier est le plus souvent caractérisé par des ruptures de matériel médical et des rapports clientélistes entre les patients et les soignants. Une grande majorité du personnel de santé n'est pas officiellement employée par l'État et exerce sous le statut de stagiaire non rémunéré - parfois durant dix ou quinze ans - qui ne reflète pas son réel travail au sein des structures sanitaires. Dans ce contexte, les soignants monnayent des soins censés être pris en charge par l'État guinéen (césariennes, vaccinations) et vendent des médicaments et traitements de manière informelle, en parallèle de la pharmacie officielle de la structure de santé. Tandis que ces pratiques - communes à d'autres structures de santé en Afrique de l'Ouest (Jaffré, 2003 ; Tantchou, 2021) - peuvent s'apparenter à de la corruption (Olivier de Sardan, 2010), il s'agit moins, pour les soignants, d'extorquer de l'argent aux patients que de garantir l'exercice de leurs fonctions et les soins mêmes, dans un contexte marqué par le manque de moyens matériels et financiers et la non-reconnaissance de leur statut par l'État.
Ces « normes pratiques », en décalage avec les normes officielles édictées par les institutions, ont été analysées par Olivier de Sardan (2010) comme étant le produit d'une culture professionnelle locale (2001), de traductions et d'appropriations des normes officielles qui entrent en contact - et parfois en confrontation - avec la réalité du terrain et les contextes locaux (2010). Ces décalages et incompatibilités entre contextes locaux et normes institutionnelles donnent souvent lieu à une « revanche des contextes » (Olivier de Sardan, 2021) qui se traduit parfois par l'échec de l'application des normes officielles - comme c'est le cas pour les mesures de riposte épidémique Covid-19 dans ce CSA.

À la croisée des mondes : de l'Afrique « faillie » aux innovations ontologiques

Ces décalages entre normes pratiques sur le terrain et normes officielles sont très souvent perçus en termes d'échec, de dysfonctionnement, ou dans le cadre d'une conception de l'État « failli » en Afrique (Gaulme, 2011) - qui s'apparente à un évolutionnisme non plus social, mais politique. En Guinée, le « dysfonctionnement » du système de santé est très largement rapporté, voire considéré comme un fait (Somparé, 2017). Il paraît alors essentiel de questionner cette évidence de l'échec des systèmes de santé - voire plus largement des États et de l'Afrique dans son ensemble - qui instaure et fait perdurer des rapports de pouvoirs déséquilibrés entre les différentes puissances et leurs mondes réciproques. Au-delà d'une démonstration de la non-conformité des normes pratiques et de l'échec du système de santé issu d'un modèle préétabli par les institutions, il convient d'analyser réellement les contextes dans lesquels ces normes sont pratiquées et pertinentes - pour, à la fois, rendre compte des mondes locaux et les rétablir dans leur légitimité épistémique. Dès lors, loin d'être le résultat de défaillances systémiques - conception qui renforce l'idée d'un référentiel unique et de contextes africains qui ne « marchent pas » -, ces décalages peuvent être analysés comme le produit direct de rencontres entre les normes institutionnelles globales et des façons locales d'être au monde. Ils témoignent des processus d'appropriation, de transformation et de rejet à l'œuvre lorsque diverses conceptions du monde se rencontrent pour définir une réalité commune.
Ainsi, les normes pratiques sont les pratiques et discours qui permettent à ces rencontres des mondes de fonctionner « en pratique », de créer un nouveau monde hybride - une « innovation ontologique » (Thompson, 2005) - dans lequel naviguent les acteurs et qui « fonctionne » malgré ses contradictions internes. En Guinée, ces normes pratiques des soignants ne témoignent pas d'un système de santé dysfonctionnel, mais plutôt du fonctionnement interne d'un système de soins en perpétuelles négociations entre les modèles globaux et le contexte local - caractérisé notamment par une crise de confiance importante entre la population et les agents de l'État en général (Attas et al., 2021).
Ainsi, afin de sortir d'une conception biaisée et négative d'une Afrique faillie - politiquement, économiquement ou dans ses systèmes de santé -, je propose de recourir à l'approche ontologique dans le but d'explorer d'un œil neuf les modalités pratiques de gestion du risque épidémique par les populations locales et les soignants. Marquant un changement de paradigme avec les approches théoriques précédentes, l'approche ontologique vise à revaloriser les « cultures » et les êtres qui les accompagnent (humains et non-humains) en « mondes » valides et co-existants :
il ne s'agit plus d'interprétations particulières d'une seule et même réalité (Henare et al., 2006), mais de réalités alternatives qui coexistent comme des mondes en soi.
Cependant, cette approche et le changement de perspective qu'elle inclut - bousculant et questionnant la hiérarchie des systèmes de savoir et la domination d'une réalité moderne occidentale devenue globale - ont peu essaimé sur le continent africain. En effet, le tournant ontologique est le produit spécifique d'une anthropologie qui s'est largement développée en Amérique latine du fait d'une histoire politique et épistémique particulière que ne partage pas l'Afrique. Les deux zones ont donné naissance à des traditions et courants anthropologiques différents, souvent traversés par des thématiques propres, qui reflètent à la fois leur histoire politique, culturelle et économique, mais également la façon dont ils ont été conceptualisés par les puissances coloniales et les penseurs occidentaux.

De l'intérêt d'une approche ontologique en Afrique

Tournant ontologique : entre épistémologies coloniales et traditions anthropologiques

L'anthropologie se développe au XIXe siècle comme science et discipline dans un contexte colonial[5] de découverte de l'altérité et des « peuples primitifs » (Deliège 2006). Elle se fonde notamment sur la théorie de l'évolutionnisme social (Tylor, 1871) qui place sur une échelle hiérarchique les différentes sociétés humaines. Les premiers travaux sur l'Afrique s'attachent alors à étudier des thématiques spécifiques dans des sociétés vues comme primitives et hors du temps, figées dans un passé originel (Grinker et al., 2019) : sorcellerie, parenté, religion, maladie et soin, économie, art. Dans le même temps, l'anthropologie américaniste s'intéresse aux populations indigènes, aux études des antiquités provenant d'anciennes civilisations ayant des sources manuscrites et imprimées - via l'archéologie et l'histoire notamment -, aux mythes fondateurs et aux guerres (Gruzinski et Bernand, 1992). Tandis que les territoires américains prennent leur indépendance dans la première moitié du XIXe siècle et se constituent en États souverains, l'Afrique fait encore partie des colonies européennes jusque dans les années 1960. Au début du XXe siècle, des chercheurs européens comme Mauss et Durkheim (1903), Malinowski (1935), Evans-Pritchard (1937) viennent remettre en question la hiérarchie des systèmes de savoir et des sociétés induite par l'évolutionnisme social. D'autres auteurs, notamment le mouvement surréaliste de l'anthropologie française, vont définitivement rejeter toute approche socio-évolutionniste : des anthropologues et ethnographes tels que Rouch (1947), Griaule (1934) et Bataille (1929) vont ainsi déconstruire et remettre en question les concepts de normalité, de réalité et de vérité dans le monde occidental. Des auteurs, européens comme africains, se dressent contre l'approche a-historique de l'Afrique et affirment l'inscription de cette dernière dans la modernité globale (notamment Balandier, 1951, 1952). L'anthropologie africaniste devient alors historique (Person, 1971) et est marquée par le dynamisme, soit l'étude des changements et ajustements sociaux (Grinker et al., 2019). Dans le même temps, le marxisme connaît un écho important sur le continent africain, avec de nombreux auteurs qui s'en réclament, se l'approprient et s'en inspirent - Senghor, Nkrumah, Cabral, Nyerere, Diop, Traoré, Nda, Rauche (Bidima, 1995). Dans son sillage, l'anthropologie marxiste prend un essor majeur dans les années 1960 et 1970, portée par Meillassoux en Afrique (1975), et s'attache particulièrement à l'étude des modes de production, de l'économie, du traitement des femmes et de l'esclavage. À la même période, l'anthropologie américaniste se concentre sur l'étude des processus politiques et de construction étatique, les régimes militaires et les processus de démocratisation, l'urbanisation et les classes paysannes, les changements environnementaux (Gruzinski et Bernand, 1992), en lien avec son histoire politique et économique contemporaine.
Dès les années 1960 et les débuts des décolonisations, l'anthropologie se voit largement remise en cause comme science coloniale. De nombreux auteurs produisent une critique de la modernité et de son système de savoir (par exemple, Latour et Woolgar, 1979). Les terrains africains voient apparaître de nouveaux thèmes de recherche, notamment la mobilité et les déplacements, l'urbanisme, la violence politique, les conflits armés et les nouvelles formes d'appartenance (Grinker et al., 2019). De son côté, l'anthropologie américaniste s'intéresse à nouveau aux communautés autochtones et à leurs modes de vie et pratiques rituelles. À partir des années 1980, la politisation des communautés autochtones américaines prend de l'ampleur sur les scènes nationales et internationales (Langdon, 2016 ; Blaser, 2014). Leurs réalités et systèmes de savoir concordent avec des thèmes écologiques globaux (Jackson et Warren, 2005 ; Deléage, 1991). Ce faisant, ils deviennent de plus en plus valides et légitimes et sont revalorisés comme des modèles de solutions viables face à la crise environnementale (Redford, 1990 ; Chandler et Reid, 2018). C'est sur ces terrains perçus d'un nouvel œil que se développe le perspectivisme (Eduardo Viveiros de Castro, 2007, 2009), puis, à sa suite, le tournant ontologique. En effet, inspirés par le courant postmoderniste de l'anthropologie et par la prééminence de la question de l'environnement et de la nature dans le monde globalisé de la fin du XXe siècle, de nombreux anthropologues - entre autres Latour (1991), Ingold (1996, 2006), Viveiros de Castro (2007, 2009), Descola (2005) - développent une approche ontologique dans les années 1990-2000. Cette approche critique la distinction entre nature et culture du monde naturaliste moderne et fait apparaître la possibilité de réalités alternatives, valides, et co-existantes au sein des sociétés humaines.

Ontologies infectieuses et épistémologies médicales en Afrique

Bien que l'ontologie soit présente dans les travaux des philosophes africains, notamment Wiredu et Oruka (Bidima, 1995), son utilisation par les anthropologues africanistes a été rare, à quelques exceptions près (telles que Fairhead, 2016 ; Wilkinson et Fairhead, 2017 ; Laplante, 2014 ; Archambault, 2020 ; Adji, 2009 ; Thomas, 1968 ; Mbiziantouari, 2021). Contrairement à l'Amérique latine, l'anthropologie africaniste s'est tournée dans les années 1980 vers la science politique (Copans, 2007). Elle se concentre par la suite sur l'étude des modes d'organisation et de fonctionnement du développement (Olivier de Sardan, 1995, 2001), de la santé (Jaffré et Olivier de Sardan, 2003) et de la société civile (Comaroff et Comaroff, 1999), mais n'aborde pas ou peu les réalités ontologiques locales avec un regard nouveau. L'enjeu d'une approche ontologique africaniste est d'examiner de nouveau des terrains déjà connus et de déconstruire les dominations, relations de pouvoir et hiérarchies entre différents mondes et systèmes de connaissances, et plus particulièrement entre les contextes africains et le reste du monde. Il ne s'agit pas ici d'exporter l'approche ontologique telle que conceptualisée par les anthropologues américanistes, mais bien d'interroger de manière ontologique les réalités africaines locales. L'objectif, dans un contexte de crises épidémiques et de frictions ontologiques entre les divers tenants de mondes distincts, est d'interroger comment les contextes structurels contribuent à fabriquer les ontologies locales autant que ces dernières les façonnent. Pour ce faire, il convient de revisiter l'histoire des épistémologies médicales en Afrique afin de situer les pratiques de gestion épidémique actuelles dans un contexte historique, géographique, politique et ontologique. Comme le souligne Bonnet (2003), les conceptions du corps, de la santé et du mal - maladie comme malheur de façon plus large - sont le fruit d'une histoire longue et variée en Afrique, influencée par plusieurs courants de pensée qui se sont diffusés sur le continent (islam, théories pasteuriennes, biomédecine). De manière similaire, la santé et la maladie en tant que conceptions occidentales sont le produit d'une longue histoire européenne puis occidentale. Ces conceptions sont devenues globales avec la colonisation et la mondialisation et se sont largement exportées dans d'autres contextes. Packard (2016) explique que les interventions de santé globale se sont développées dans la continuité de la médecine coloniale et en dehors des pays pourvoyeurs, renforçant une hiérarchie globale de la santé avec les pays du Nord fournissant les moyens (matériels, financiers, technologiques) médicaux aux pays du Sud. Le discours biomédical moderne est loin de constituer une avancée technologique dénuée de tout sens symbolique ou libre de tout bagage idéologique (Bonnet, 2003). Il s'agit au contraire d'une théorie sociale particulière des contacts et de l'existant - comme le sont les discours locaux sur le soin et la maladie (Le Marcis, 2003) - se concentrant sur les bactéries, microbes, virus, parasites, etc. Cette épistémologie ontologique - dans le sens où elle définit l'existant, le monde et les êtres qui l'habitent - vient à la rencontre de mondes locaux déjà existants et s'y confronte, dans un phénomène au sein duquel les acteurs négocient au quotidien pour faire sens du monde, du mal et des moyens de s'en protéger.

Revisiter la crise épidémique de la Covid-19 à l'aune de l'approche ontologique

Négocier avec l'invisible : la Covid-19 en Guinée

Mme Diallo pose la serpillère contre le mur et s'essuie le front avant de rajuster son masque chirurgical sur sa bouche et son nez. Nous sommes le 22 février 2021, cela fait cinq jours que nous sommes hospitalisées au CT-Epi de Gbessia, testées positives à la Covid-19 mais asymptomatiques. Hors des murs, les gens sont inquiets, car le gouvernement a annoncé la résurgence de l'épidémie d'Ebola en Guinée forestière depuis le 14 février. Depuis que je suis arrivée, tous les jours, Mme Diallo refuse qu'un hygiéniste vienne nettoyer la chambre : elle se charge elle-même de passer la serpillère et la Javel.
« Moi, je ne veux pas qu'ils nettoient : ils vont dans les chambres avec des patients très malades et puis ils viennent nettoyer ici avec la même eau. Ils viennent nous re-contaminer et c'est comme ça qu'il y a des gens qui durent ici », explique-t-elle.
Depuis que je suis arrivée, elle partage conseils et tactiques pour être négative et sortir au plus vite du CT-Epi. Selon elle, et selon la plupart des patients à l'étage des asymptomatiques, il faut absolument faire baisser la charge virale et éviter de se « contaminer plus » afin de pouvoir sortir. Mme Diallo refuse d'étendre son linge à l'extérieur et l'envoie le faire laver chez elle :
« Dehors, le linge peut prendre d'autres microbes et après tu te contamines avec. » Elle se lave les mains lorsqu'elle revient de l'extérieur et prie Dieu pour guérir plus vite. D'autres se lavent le nez avec des décoctions d'herbes ou du dentifrice avant le test PCR afin « que le virus ne reste pas dans le nez ». Mme Diallo se plaint : « Bon, toi tu es presque guérie et on te rajoute un nouveau qui vient avec la maladie. Est-ce que ça, ça ne te re-contamine pas ou ne te fait pas durer plus longtemps avec le virus ? »
Tous les patients du CT-Epi portent un masque chirurgical vingt-quatre heures sur vingt-quatre, afin de ne pas augmenter leur charge virale avec les nouveaux venus, mais également afin d'éviter d'autres pathologies comme la tuberculose. Certains prennent le traitement prescrit, d'autres préfèrent se faire livrer des médicaments « traditionnels » pour guérir. Au CT-Epi de Gbessia, l'interaction entre les patients et la Covid-19 s'apparente à une cohabitation constante avec le virus, dont il faut gérer les effets potentiellement néfastes. Dans ce contexte, la « charge virale » apparaît pour les patients comme une empreinte résiduelle néfaste qui augmente après contact avec une entité dangereuse - ici, le virus de la Covid-19. L'objectif principal des patients dans le CT-Epi est ainsi de tout faire pour diminuer et faire disparaître cette charge virale afin de pouvoir sortir. Cela passe notamment par l'évitement des potentiels contaminants : microbes, autres patients, eau de ménage, air extérieur, etc. L'enjeu est d'autant plus important que ces non-humains viraux habitent directement les humains, et qu'il faut donc inclure ces derniers dans les stratégies d'évitement. La gestion du risque viral passe donc par une gestion minutieuse des interactions entre humains et non-humains - spécifiquement les virus, au CT-Epi -, développant des stratégies, pratiques, récits, discours, comportements qui donnent vie et corps aux entités virales via la performance incorporée. Cela se traduit notamment par la désignation linguistique des maladies et virus, qui apparaissent comme des sujets : « La maladie m'a pris », « Ça va te prendre », « Corona est venu », « Corona n'a pas marché ici, alors ils ont rappelé son grand frère Ébola » [propos recueillis au sein du CT-Epi de Gbessia]. Ces derniers ne sont pas forcément personnifiés, mais acquièrent un caractère d'actants non humains ayant un pouvoir potentiellement néfaste pour les individus. Comme d'autres actants de ce type - animaux, génies, divinités -, certaines maladies sont renommées avec des noms elliptiques ou paraphrases dans les différentes langues locales : Diankaro Noni ou « sale maladie » pour la Covid-19 en maninkakan, gnon gnonwo ou « mauvaise maladie » pour Ébola en kpélè. Cette conceptualisation des virus et germes comme actants non humains est également due au monde (bio)médical (Jaffré, 2003) qui a construit l'hygiène hospitalière selon un modèle de pathocénose (Grmek, 1969) - une « communauté des maladies » ou un écosystème des maladies - qui décrit « les paysages hospitaliers, pour ainsi dire, du point de vue des germes » (Jaffré, 2003, p. 343). Les germes - et notamment les virus - constituent une partie du monde invisible occidental exporté au niveau global, à la fois physiquement par les contaminations et ontologiquement par les discours et politiques de santé biomédicaux. Il s'agit d'êtres dont les interactions doivent être gérées avec précaution et prévention afin de se protéger du danger qu'ils représentent. L'intégration des virus issus du monde biomédical européen puis occidental dans la société guinéenne a donc contribué à créer un écosystème de répertoires ontologiques (Fairhead, 2016) que mobilisent conjointement les acteurs pour faire sens du monde et s'en protéger. Plus encore, ils se sont largement intégrés dans un système du soin et de la maladie qui a pour habitude de négocier avec l'invisible, les virus et germes étant désormais aussi porteurs de maux en Guinée qu'entre autres les génies, sorciers, animaux et esprits divers.

Gérer le risque épidémique : syncrétisme médical, répertoires et chorégraphies ontologiques

La gestion du virus de la Covid-19 par les patients du CT-Epi se fonde sur la prise de médicament, la purification par le lavage (nez, gorge) ou l'aération, la prière, l'élimination du virus dans la chambre et l'évitement de tout contaminant. Ces pratiques s'apparentent plus à une protection contre le mal dans son sens large - incluant le malheur et la maladie - qu'à une prévention ciblée contre la maladie. Ainsi, le concept de « contamination » issu de la biomédecine ne recouvre pas la diversité des conceptions locales de la maladie dans un pays où cette dernière ne se transmet pas seulement par un contact avec un individu malade, mais aussi par un contact mortifère ou impur (Bonnet, 2003), comme c'est le cas dans d'autres pays africains (Diallo, 2003 ; Caprara, 2000). Si la biomédecine est largement utilisée pour soigner les maladies, les origines de ces dernières sont souvent attribuées à des causes relevant d'un répertoire ontologique différent (Wilkinson et Fairhead, 2017) : fautes sociales, non-respect d'un tabou, colère d'un défunt ou d'un esprit, mauvais sort jeté par un sorcier (Zempléni, 1985). La protection contre le mal, plus large que la prévention des maladies, inclut ainsi des soins préventifs et curatifs issus aussi bien de la médecine traditionnelle (automédication, remèdes, remontants, etc.) que de la biomédecine, en passant par la pratique de l'islam, la propreté du corps et du foyer, le respect des règles sociales et l'évitement de comportements moralement impurs, le recours à Dieu. Comme l'explique Fairhead (2016, p. 12), les Guinéens piochent largement dans les divers répertoires ontologiques à leur portée afin de se soigner au mieux, et ce même si ces derniers apparaissent contradictoires, tant qu'ils peuvent en pratique les combiner « […] des modes de coexistence pratiques ont émergé, dans lesquels les incompatibilités culturelles ou ontologiques ne sont pas pertinentes »[6]. Médecine traditionnelle, médecine religieuse et biomédecine sont des moyens d'action et des ressources utilisées conjointement par les acteurs guinéens dans leur stratégie afin de naviguer au quotidien dans le contexte de la maladie. Cette coexistence simultanée de différents répertoires ontologiques quant aux diverses maladies et soins existants fait apparaître un syncrétisme de systèmes de perception du monde et des êtres selon le risque qu'ils représentent pour l'individu. Cependant, les crises épidémiques et les modèles de riposte qu'elles engendrent constituent des moments de rupture, car elles réduisent les possibilités des acteurs de mobiliser cette multitude de répertoires ontologiques pour se soigner et faire sens de la maladie (Fairhead, 2016). Cela peut entraîner des résistances de la part des populations envers les mesures barrières et de prévention et un durcissement des discours ontologiques, qui se définissent désormais en opposition - « biomédecine » versus « ethnomédecine » - et contribuent à polariser les identités sociales autant que les savoirs (Attas et al., 2021). Dans le cas de l'épidémie d'Ébola en 2014-2016 en Guinée, on a assisté ainsi à la prolifération de rumeurs (Bannister-Tyrrell et al. ,2015), de réticences (Fribault, 2015 ; Somparé, 2020) et de conflits entre les différents tenants de ces répertoires ontologiques. Ces différentes négociations, traductions et articulations des répertoires ontologiques peuvent être analysées en termes de chorégraphies ontologiques, soit « un assemblage savamment équilibré de choses qui sont généralement considérées comme faisant partie de différents ordres ontologiques (une partie de la nature, une partie de soi, une partie de la société) »[7] (Thompson, 2005, p. 8). Le Marcis (2022), en lien avec la santé globale et la préparation aux épidémies futures, explique que :
« La notion de chorégraphie invite à saisir comment différents régimes ontologiques pensent le risque (Descola, 2005), entrent en contact, collaborent et/ou entrent en friction au sein de ces plateformes. […] Analyser les “chorégraphies ontologiques” qui résultent de ces rencontres permet d'interroger les conditions dans lesquelles les collaborations sont possibles entre différents mondes dans le domaine de la santé globale ».
Les outils théoriques ontologiques permettent ainsi d'observer comment, dans le domaine de la santé en Guinée, ces chorégraphies se donnent à voir au travers des appropriations, traductions, transformations et réticences qui affleurent dans les pratiques et discours des acteurs locaux. Cela est particulièrement vrai pour les temps épidémiques, notamment avec Ébola et Covid-19, qui ont fait se rencontrer de multiples discours ontologiques via la mise en place de systèmes de riposte formalisés issus des institutions de santé nationales et globales (Somparé, 2020 ; Mbaye et al., 2017).

Conclusion

Alors que de nombreux discours prévoyaient l'effondrement sanitaire de l'Afrique avec la pandémie de Covid-19 (Bonnet et al., 2021), la catastrophe annoncée n'a pas eu lieu. Au contraire, la pandémie a contribué à remettre en question l'idée de systèmes de santé défaillants en Afrique au regard des difficultés rencontrées par les pays les plus développés. Elle a également permis au continent de faire valoir ses savoirs spécifiques en termes de compétences épidémiques et de systèmes thérapeutiques. Cet article analyse l'application des modèles de ripostes épidémiques sur le territoire guinéen lors de l'épidémie de Covid-19 et interroge les décalages souvent visibles entre ces modèles et les pratiques réelles de prise en charge et de gestion épidémique observées sur le terrain.
L'axe théorique utilisé ici soutient l'intérêt d'une approche ontologique africaniste, en particulier sur les questions des épidémies, de la maladie et des soins. Dans un contexte guinéen marqué par une multitude de discours ontologiques en constantes frictions, elle met en lumière les normes pratiques et la mobilisation de différents répertoires ontologiques par les acteurs au sein de ces chorégraphies permettent le fonctionnement pratique du monde vécu et autorisent à sortir de l'image de systèmes africains dysfonctionnels et défaillants pour donner à voir les mondes dans lesquels ces normes sont pertinentes. Elle montre également comment les virus, comme d'autres actants non humains, sont construits ontologiquement et, via leur mise en circulation à la fois physique et discursive, subissent des transformations, traductions, appropriations par les contextes locaux.

Remerciements

Je tiens à remercier Frédéric Le Marcis, responsable du volet sciences sociales du Projet de recherche-action en appui à la riposte africaine à l'épidémie de Covid-19 (ARIACOV) en Guinée, sans qui cette recherche n'aurait pas eu lieu, ainsi que toute l'équipe du Centre de recherche et de formation en infectiologie de Guinée (CERFIG). Je souhaite également remercier les évaluateurs anonymes et le comité de rédaction pour leur accompagnement et leurs commentaires, ainsi que Benjamin Frerot pour la lecture de la première version de ce texte. La recherche reposant sur un collectif de pairs et de chercheurs, cet article n'aurait pas pu atteindre sa forme finale sans leurs apports et réflexions.

Notes

  1. Entre autres, Ebola, Covid-19, fièvres de Marburg et de Lassa.

  2. Médecins sans frontières (MSF), Alliance for International Medical Action (ALIMA), Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF), etc.

  3. Agence nationale de sécurité sanitaire, Institut national de santé publique, ministère de la Santé.

  4. Financé par l’AFD dans l’Initiative « Covid-19 – Santé en commun » et mis en place par l’Institut de recherche pour le développement (IRD), le projet ARIACOV (« Appui à la riposte africaine à l’épidémie de Covid-19 ») est porté en Guinée par le Centre de recherche et de formation en infectiologie de Guinée (CERFIG). Son volet sciences sociales, intitulé « L’ombre portée d’Ebola sur l’épidémie de Sars-COV-2. Analyse des politiques publiques, des pratiques des acteurs et des représentations populaires relatives à la Covid-19 pour une meilleure réponse guinéenne à la pandémie », est dirigé par le Pr Frédéric Le Marcis.

  5. Les premiers travaux anthropologiques sont d’ailleurs souvent produits par les administrateurs coloniaux.

  6. Traduction personnelle de la phrase source en anglais : “… modes of practical coexistence have emerged in which any cultural (or ontological) incompatibilities are not relevant” (Fairhead, 2016, p. 12).

  7. Traduction personnelle de la phrase originale en anglais : ontological choreographies are “a deftly balanced coming together of things that are generally considered parts of different ontological orders (part of nature, part of the self, part of society)” (Thompson, 2005, p. 8).

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Pour citer l'article :

APA

Attas, F. (2022). Épidémies guinéennes : des politiques infectieuses aux ontologies virales. Global Africa, 2, pp. 149-160. https://doi.org/10.57832/c6fp-qz51


MLA

Attas, Fanny. « Épidémies guinéennes : des politiques infectieuses aux ontologies virales ». Global Africa, no. 2, 2022, p. 149-160. 

doi.org/10.57832/c6fp-qz51


DOI

https://doi.org/10.57832/c6fp-qz51


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