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Dialogue avec

Le CERFIG, une recherche africaine en santé d’excellence

Abdoulaye Touré

Directeur général de l'Institut National de Santé Publique (INSP) de la République de Guinée 

Professeur agrégé en santé publique à l'Université Gamal Abdel Nasser de Conakry (UGANC) 

Directeur du Centre de recherche et de formation en infectiologie de Guinée (Cerfig)

abdoulaye.toure@cerfig.org


Interrogé par


Mame-Penda Ba

Professeure de sciences politiques, Université Gaston Berger, Sénégal 

Directrice du LASPAD et rédactrice en chef de Global Africa 

mame-penda.ba@ugb.edu.sn


Noémi Tousignant

Anthropologue et historienne des sciences et de la santé publique

DEST, Faculté des mathématiques et des sciences physiques, London’s Global University, Royaume-Uni

n.tousignant@ucl.ac.uk

numéro :

L’Afrique et le monde à l’heure virale

Africa and the World in Viral Time

Afrika na ulimwengu katika nyakati za virusi

افريقيا و العالم في عهد الفيروسات

GAJ numéro 02 première.jpg.jpg

Publié le :

16 décembre 2022

ISSN : 

3020-0458

02.2022

Le CERFIG est né de l’épidémie Ébola de 2014-2016, la plus importante de l’histoire de la Guinée. Le monde entier était au chevet du pays. L’un des éléments les plus frappants était qu’il n’y avait pas d’infrastructures pour héberger les projets de recherche sur l’épidémie. Ceux-ci ont donc été développés dans des équipements mobiles et des locaux loués pour la circonstance. Ce constat nous a conduit à penser qu’il fallait créer un cadre institutionnel pour que les infrastructures restent au service de la recherche après l’épidémie. Avec le professeur Éric Delaporte accompagné d’Alice Desclaux, Bernard Taverne, Jean-François Etard, Philippe Msellati et d’autres, nous avons bénéficié de l’appui financier de la Task Force France contre Ébola et finalement le centre a été rapidement construit et équipé dans une période d’urgence. C’est aujourd’hui l’un des centres qui compte dans le domaine de l’infectiologie, comme en attestent le nombre et la qualité de ses publications, sa participation au diagnostic des maladies à potentiel épidémique (Ébola, Covid...).


Mots-clés

Santé, épidémie, CERFIG


Plan de l'article

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Tousignant & Ba : Pr Touré, merci vivement d'avoir accepté cet échange. Pour commencer, peut-être pourriez-vous vous présenter brièvement aux lecteurs de Global Africa, puis expliquer ce qui fait la spécificité de votre parcours en tant que chercheur en santé publique ?

Abdoulaye Touré : Je suis pharmacien de formation et professeur agrégé de santé publique à l'université Gamal Abdel Nasser de Conakry (UGANC). Je dirige actuellement le Centre de recherche et de formation en infectiologie de Guinée (CERFIG) et j'ai été pendant quatre ans directeur général de l'Institut national de santé publique de Guinée. Je fais de la recherche, mais parallèlement aussi de l'action de santé publique. Cela veut dire que je vise à ce que les résultats de la recherche contribuent à des prises de décisions plus éclairées, ce qui n'est pas du tout évident.
Après avoir soutenu ma thèse de pharmacie à l'UGANC, j'ai travaillé près de deux ans dans les cliniques privées, puis je suis parti faire ma spécialisation en santé publique (master et thèse) à l'université de Lyon. À mon retour en Guinée en 2013, j'ai travaillé sur le VIH en montant les premiers laboratoires de biologie moléculaire pour faciliter l'accès à la charge virale avec l'organisation non gouvernementale (ONG) Solthis, agissant en appui au ministère de la Santé. Ensuite, l'épidémie Ébola est arrivée et j'ai participé à la lutte par le biais de la recherche. Mon équipe a travaillé sur le suivi de survivants à Ébola, nous avons décrit de façon précise les séquelles cliniques à long terme qui n'étaient pas connues, démontré la persistance du virus. Jusqu'à nos travaux, on considérait que les hommes devaient mettre le préservatif trois mois après leur guérison. On a démontré qu'après plus d'un an, le virus Ébola était encore présent dans les fluides corporels. Ce sont les résultats de nos productions scientifiques qui ont orienté tout le monde, y compris l'Organisation mondiale de la santé (OMS), qui nous a invité à participer à des groupes thématiques. L'Organisation ouest africaine de la santé (OOAS) ou l'Africa Center for Disease Control (Afrique CDC) nous sollicitent également, ainsi que d'autres chercheurs qui contribuent à l'élaboration des documents ou participent à des groupes techniques de réflexion. Donc, c'était une très belle aventure parce qu'à travers ce projet, on a bousculé les limites des connaissances médicales sur Ébola. Ce sont jusqu'à présent des références incontournables pour la connaissance du virus.

T&B : Quels sont, pour vous, à partir de cette expérience d'Ébola et de la Covid, les défis de la santé publique en Afrique, en particulier ceux qui ne sont pas pris en compte dans les politiques publiques ?

Pr Touré : Pour moi, ce qui est prioritaire, c’est le financement de la recherche en santé. Et c’est un défi énorme en Afrique, parce qu’il n’y a pas de mécanisme endogène de financement dans nos pays quel que soit le domaine, qu’il s’agisse d’agriculture, d’élevage, d’environnement ou de sciences sociales. Pour les recherches qui se font en Afrique, très souvent le financement vient d’ailleurs, parfois avec un agenda prédéfini, parce qu’orienté sur des priorités ou des objectifs qui ne coïncident pas toujours avec les enjeux locaux. Donc pour moi, le premier défi consiste à financer la recherche.
Le deuxième défi est celui des infrastructures et des ressources humaines pour faire de la recherche. Globalement, elles font défaut sur le continent. La preuve est que, même pendant la Covid, qui a secoué le monde entier, il n’y a quasiment pas eu de production d’intrants en Afrique. Or, certains pays auraient pu très rapidement produire des tests et des vaccins s’il y avait eu des ressources humaines de qualité, des infrastructures de recherche, et cela aurait atténué l’impact de la pandémie sur le continent.
Un troisième problème réside dans l’absence de mécanisme de communication entre le monde politique et les chercheurs. En général, le milieu politique n’écoute les scientifiques que lorsqu’il y a le feu ; c’est donc souvent quand il y a des épidémies que les politiques essaient de se rapprocher un peu des chercheurs. Le défi majeur consiste donc à savoir comment, au quotidien, prendre des décisions sur la base des évidences. Cette collaboration a été amorcée durant la pandémie. Dans de nombreux pays en Afrique, des conseils scientifiques ont été créés. Peut-être l’un des défis actuels serait-il de vraiment faire vivre ces conseils scientifiques, les élargir à d’autres domaines pour que ces instances aient comme interlocuteurs – comme ça a été le cas pendant la première année de lutte contre la Covid– les autorités au plus haut niveau. J’ai eu la chance d’être dans le conseil scientifique en Guinée, et je sais qu’en étant à l’intérieur d’une telle structure, on peut faire en sorte que les décisions soient basées sur les évidences et c’est ce qui a été fait. À présent que l’épidémie s’estompe, on entend déjà moins parler de ces conseils alors qu’ils ont été la seule véritable intersection entre les hommes politiques et les chercheurs en Afrique pendant les moments difficiles de la lutte contre la Covid. Enfin, il faut aussi envisager de donner aux chercheurs certaines positions de décision ; je le constate par exemple en Côte d’Ivoire, où très souvent les coordonnateurs des programmes verticaux sont des professeurs, cela permet d’intégrer la science à l’action en santé publique. D’un côté, les chercheurs doivent comprendre que c’est en étant à l’intérieur de ces instances qu’on peut transformer le système et, de l’autre, le politique doit savoir que le chercheur est un conseiller irremplaçable à certains postes.

T&B : Vous précisez bien que nos États n'ont pas d'instruments financiers pour booster la recherche, mais alors qui finance ces projets de recherches que vous menez, dont les résultats ont été publiés dans les plus grandes revues, Lancet, Nature, Science ?

Pr Touré : On ne va pas tourner en rond, c’est la France. Nos projets de recherche sont en grande partie financés par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), par l’Agence nationale de la recherche sur le sida (ANRS) – qui est devenue l’ANRS-MIE (Maladies infectieuses émergentes) – par l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et par Montpellier Université d’Excellence (MUSE). Ces quatre institutions françaises restent notre principale source de financement. Ce financement passe par la collaboration avec des chercheurs de ces institutions, avec qui nous co- écrivons des projets. Les collaborations se diversifient néanmoins : actuellement, nous avons un projet avec l’université d’Ottawa – financé par le Centre de recherche pour le développement international (CRDI) du Canada –, avec l’université de Genève et avec des équipes allemandes. Dans tous les cas, quel que soit le partenaire, nous discutons sérieusement en amont pour nous accorder sur ce qu’il faut faire avec une vision claire et avancer si cela convient à tout le monde.

T&B : Est-ce que vous pouvez revenir sur le projet du CERFIG ? Quelles étaient les ambitions au départ et cela faisait-il partie de vos objectifs de créer un cadre institutionnel dans lequel vous pourriez diriger et avoir plus de poids sur la conception des projets et des partenariats de recherche ?

Pr Touré : Le CERFIG est né de l’épidémie Ébola de 2014-2016, la plus importante de l’histoire de la Guinée. Le monde entier était au chevet du pays. L’un des éléments les plus frappants était qu’il n’y avait pas d’infrastructures pour héberger les projets de recherche sur l’épidémie. Ceux-ci ont donc été développés dans des équipements mobiles et des locaux loués pour la circonstance. Ce constat nous a conduit à penser qu’il fallait créer un cadre institutionnel pour que les infrastructures restent au service de la recherche après l’épidémie. Avec le professeur Éric Delaporte accompagné d’Alice Desclaux, Bernard Taverne, Jean-François Etard, Philippe Msellati et d’autres, nous avons bénéficié de l’appui financier de la Task Force France contre Ébola et finalement le centre a été rapidement construit et équipé dans une période d’urgence. C’est aujourd’hui l’un des centres qui compte dans le domaine de l’infectiologie, comme en attestent le nombre et la qualité de ses publications, sa participation au diagnostic des maladies à potentiel épidémique (Ébola, Covid...). Nous avons également pour vocation la formation. Beaucoup de diplômes ont été créés, des masters, des thèses, ainsi que l’accueil de chercheurs étrangers en mobilité.

T&B : Dans ce cas-ci, était-ce le contexte d'urgence qui vous a permis d'avoir un peu plus d'autonomie pour diriger les recherches vers des questions particulièrement pertinentes ou y a-t-il un contexte institutionnel émergent qui vous permet de peser beaucoup plus dans l'étape de la formulation des projets ?

Pr Touré : Nous avons la chance que le noyau du CERFIG soit constitué de jeunes chercheurs qui ont fait une partie de leur formation dans les mêmes universités en Europe. Donc, issus du Nord ou du Sud, nous sommes tous moulés de la même façon, ce qui facilite les échanges avec nos collaborateurs, la co-construction et la co-écriture des projets.
J’ai vu changer la nature des collaborations, parce qu’une masse critique de jeunes chercheurs est en train de se former ici : il s’agit de personnes pour lesquelles la recherche est plus ou moins démystifiée, car les mêmes outils et la même expertise du Nord sont en train d’être développés en Afrique. Cela change fondamentalement les relations. Je pense qu’il y a un changement générationnel et ce changement a un impact sur la nature même de la collaboration entre les équipes Nord-Sud ou Sud-Sud. On est encore très loin de relations équilibrées du fait d’un retard du Sud quasiment à tous les niveaux, mais on observe néanmoins une génération qui arrive, qui est plus exigeante, qui demande plus à collaborer qu’à recevoir. Prenons l’exemple de la biologie moléculaire, aujourd’hui elle s’est complètement démocratisée. Il y a moins de 10 ans, cette spécialité était l’affaire de savants évoluant dans les laboratoires de pointe. Ce changement, à la fois générationnel, dans l’accès aux connaissances et dans la nature des collaborations, n’est peut-être pas très perceptible, mais il advient progressivement.

T&B : Vous avez cité beaucoup de partenaires et parlé de diversification de ceux-ci, qu'en est-il des partenaires du Sud ?

Pr Touré : Notre centre de recherche est jeune mais collabore déjà avec des équipes du Sud. Cette collaboration se fait d’abord à travers le réseau des centres collaborateurs de l’Unité TransVIHMI de Montpellier. Ce cadre nous permet de proposer des projets en consortium avec l’INRB de la RDC, le Centre de recherche sur les maladies émergentes et ré-émergences (CREMER) de Yaoundé, le Centre régional de recherche et de formation (CRCF) de Dakar. La création de la Plateforme de recherche internationale en santé mondiale (PRISME) renforce et étend cette collaboration avec de nombreuses équipes africaines membres du réseau des institutions collaboratrices de chacune des deux instituts (INSERM, IRD) et l’ANRS-MIE. Par ailleurs, nous sommes des chercheurs membres de l’espace CAMES. À ce titre, nous travaillons et échangeons régulièrement avec nos collègues de nombreux pays sur les activités de recherche, de formation, d’encadrement d’étudiants en master ou en thèse et de participation à des jurys.

T&B : Comment abordez-vous la problématique de la diffusion et de la valorisation des productions scientifiques africaines ? N'avons-nous pas besoin d'un The Lancet ou Nature made in Africa ?

Pr Touré : Sur cette question, il y a, pour moi, deux aspects à prendre en compte. Le premier est la nécessaire création d’une revue africaine de santé publique en Afrique francophone. Les discussions avec les principaux acteurs de la recherche et de l’enseignement supérieur étaient avancées sur cette question, mais l’agenda a été bouleversé par la survenue de la Covid, et donc ce projet pourrait reprendre rapidement.
Le second point c’est qu’il faudrait aussi qu’il y ait beaucoup de chercheurs de renom en Afrique capables d’être des évaluateurs, éditeurs, et membres des comités scientifiques de ces revues prestigieuses. Quand on voit la qualité et l’ancienneté de certaines revues internationales comme Nature ou The Lancet, on comprend pourquoi elles sont actuellement ce niveau. Lorsque nous-mêmes soumettons nos articles, nous sommes bien conscients de la pertinence des remarques que nous recevons avant que ces textes ne soient acceptés.Pour moi, il nous faut à la fois avoir des revues africaines exigeantes qui permettront aux auteurs de progresser, d’avancer et d’exceller, et il faut aussi que les chercheurs qui marquent leur domaine soient dans les instances de ces autres revues internationales.

T&B : Si vous étiez dans le comité scientifique de The Lancet par exemple, comment changeriez-vous la vision de ce qui est pertinent, de ce qu'est un résultat de recherche qui vaut la peine d'être publié ?

Pr Touré : Il y a eu un article publié il y a quelques mois et qui a fait beaucoup de bruit. Pour résumer, on y disait qu’on ne devrait plus accepter dans les revues des résultats de recherche venant du Sud sans aucun co-auteur du pays, parce que ce n’est pas concevable, c’est de la prédation de données. Partager ce principe comme une forme de code éthique et l’exiger pour toutes les revues, contribuerait indirectement à développer des ressources humaines en Afrique. En effet, produire des résultats publiables nécessite une recherche rigoureuse et, si elle est menée avec des équipes locales, elle aboutira à un transfert de compétences. Les chercheurs locaux vont d’abord savoir reproduire ce qui a été fait avec eux, puis ils vont l’adapter, développer d’autres initiatives et in fine s’améliorer.
Il faut aussi renforcer les comités d’éthique de nos pays, qui peuvent aussi être des garde-fous, s’assurer que la recherche est une véritable collaboration qui permet, outre la protection de l’individu, le développement des compétences locales. Ce sont véritablement ces exigences qui permettront que les recherches se développent et que le transfert de compétences se fasse.

T&B : Est-ce qu'il existe un réseau ou un espace ouest-africain, voire francophone plus largement, dans lequel les épidémiologistes, les virologues et les infectiologues se retrouveraient ? Nous avons plutôt l'impression qu'il y a une connexion entre la France - ou disons l'Europe de l'Ouest d'une manière générale - et des pays spécifiques (Sénégal, Guinée, Côte d'Ivoire, Cameroun), mais pas vraiment une forte connexion intra-africaine.

Pr Touré : Je partage entièrement votre impression. Pour 2023, mon rêve est de créer un réseau des épidémiologistes ou un réseau de spécialistes pour échanger régulièrement et produire des réflexions sur les maladies émergentes dans la sous-région : l’Afrique francophone d’abord, puis les pays lusophones et anglophones. Je pense que c’est un vrai besoin. Après trois ans de Covid, nous devons nous poser la question d’un réseau de chercheurs en Afrique, car nous savons maintenant qu’au final chaque menace locale est une menace globale. Je pense que nous avons effectivement besoin d’échanger sur des enjeux de santé publique au sein de notre espace et partager nos expériences. Pour les anthropologues par exemple, il existe le RAEE (Réseau ouest africain anthropologie des épidémies émergentes) ; de même, pour les épidémiologistes, il faut créer un cadre de discussion régulière sur les priorités du moment en santé publique. Cette collaboration n’est pas très intense alors qu’elle devrait l’être.

T&B : Puisqu'on parle de Covid, cette pandémie a aussi révélé le désastre de l'industrie pharmaceutique africaine et notre immense dépendance. Comment, peut-on décoloniser la santé mondiale si on dépend, pour se soigner, des médicaments, mais aussi des vaccins des autres ?

Pr Touré : En tant que pharmacien et en tant que spécialiste de santé publique, nous sommes interpellés de plusieurs manières. Je vous disais que nos pays manquent d’infrastructures capables de développer des outils de diagnostic, mais ce qui est valable pour les outils de diagnostic l’est aussi pour les médicaments. On a vu beaucoup d’anarchie avec l’arrivée des tests rapides qui sont donnés par des multinationales pour échapper à la fiscalité et, lorsque vous les examinez en détail, vous comprenez que certains tests n’ont été évalués que sur une petite dizaine d’échantillons. C’est à la limite insultant. Le même constat peut être fait pour les médicaments. Je pense qu’il y a des initiatives de l’Union africaine qui devraient être collectivement soutenues et renforcées. Tout le monde devrait porter ce message de Michel Sidibé, l’ambassadeur auprès de l’Union africaine pour la création de l’Agence des médicaments pour l’Afrique (AMA). Celle-ci pourra développer des centrales d’achat ou la production locale. Je pense que nous devons aller dans cette direction et cela devrait passer par une mutualisation des moyens. Tous les pays ne peuvent pas développer des infrastructures capables de produire des médicaments de qualité pour faire face à des épidémies. De la même façon que l’Union africaine a créé Africa CDC avec des bureaux régionaux, on devrait réfléchir à développer et produire dans un premier temps des vaccins ou certains médicaments dans le pays le plus à même de le faire aujourd’hui, puis étendre la production à d’autres pays lorsque les infrastructures adéquates y auront été développées. Si nous ne le faisons pas, nous serons toujours en retard et, lorsque ces vaccins ou ces médicaments nous viennent d’ailleurs, nous continuons à subir d’autres formes de pression avec des impacts négatifs. Si vous prenez l’exemple des vaccins – je ne reviens même pas sur toutes les conditions d’acquisition, sur lesquelles nous pourrions passer des heures –, les organismes ou pays donateurs ont fait pression pour que nous les utilisions parce que la date de péremption était proche ou parce qu’il fallait montrer que c’était ce vaccin qui était utilisé dans tel pays parce que ça faisait l’affaire de quelqu’un, en sorte que toutes nos autres activités ou nos autres stratégies de santé publique sont passées au second plan. On a vu dans certains pays qu’on est allé jusqu’à repousser des campagnes de vaccination des enfants parce que la priorité était devenue d’« écouler les stocks de vaccins Covid qui sont arrivés et qu’il ne faut pas laisser périmer ». Cela n’est pas acceptable parce que, quand un gouvernement fait cela, sa population reçoit le message que des stratégies essentielles pour la santé maternelle, infantile, le VIH, le paludisme, la rougeole et d’autres maladies prioritaires sont secondaires. La Covid est devenue la priorité uniquement à cause de la nécessité d’écoulement des vaccins. Je pense donc que, maintenant que la situation s’est un peu calmée, nous avons besoin de réfléchir sur tous ces sujets.

T&B : Sur la problématique du genre : où en sont les femmes dans la santé publique en Guinée ? Est-ce qu'il y a une grosse disparité entre chercheurs ?

Pr Touré : Il est regrettable de constater qu’elles ne sont pas aussi visibles qu’elles le devraient pour l’instant. Au CERFIG, parmi les gens que nous formons depuis 2018, il y a beaucoup de jeunes femmes qui sont en master, en thèse et post-doc aussi bien en biologie moléculaire qu’en anthropologie. Le chemin est certes long, mais avec les possibilités de formation qui existent actuellement à la faculté des sciences et techniques de la santé de l’Université Gamal Abdel Nasser de Conakry, nous aurons bientôt de nombreuses chercheures dans les différentes spécialités de la santé publique.

T&B : En tant que directeur du CERFIG, comment faites-vous cohabiter sciences biomédicales et science socio-anthropologique ? Quelle est votre expérience de l'interdisciplinarité ?

Pr Touré : Le mode de fonctionnement du CERFIG est fortement inspiré de l’expérience de l’Unité TansVIMI. Nos équipes comprennent des spécialistes d’épidémiologie, de clinique, de biologie et de sciences humaines et sociales. Le trépied biologie, épidémiologie et anthropologie est le socle de tous nos projets de recherche ; cette collaboration avec les sciences humaines et sociales s’avère selon moi fondamentale.

Notes

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Bibliographie

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Pour citer l'article :

APA

Touré A. (2022). Le CERFIG, une recherche africaine en santé d’excellence. Global Africa, 2, p. 138-142. 

https://doi.org/10.57832/jhq5-d054


MLA

Touré Abdoulaye. « Le CERFIG, une recherche africaine en santé d’excellence ». Global Africa, no. 2, 2022, pp. 138-142. 

https://doi.org/10.57832/jhq5-d054


DOI

https://doi.org/10.57832/jhq5-d054


© 2022 by author(s). This work is openly licensed via CC BY-NC 4.0

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