Analyses critiques
Décrypter la singularité démocratique du Somaliland dans la Corne de l’Afrique
Kalewongel Minale
Université de Baher Dar, Ethiopian Civil Society Organizations Council (ECSOC), Éthiopie
Dans une région souvent caractérisée par des régimes autoritaires et peu démocratiques, le Somaliland, république autoproclamée située au nord-ouest de la Somalie, se distingue comme une anomalie démocratique. La récente élection présidentielle de novembre 2024, saluée pour son déroulement libre et équitable ainsi que pour le transfert pacifique du pouvoir entre le président sortant et l’opposition, a été considérée comme un événement remarquable. Cette étude examine les conditions ayant favorisé cette expérience démocratique naissante au Somaliland et explore les enseignements potentiels pour d’autres pays de la région. La recherche s’appuie sur une analyse de la littérature primaire et secondaire, ainsi que sur une étude approfondie du paysage politique de la région et du Somaliland.
Mots-clés
Somaliland, démocratie électorale, rareté, Corne de l’Afrique, élections démocratiques
Plan de l'article
Introduction
Cadre théorique
Le Somaliland : État et politique
Le contexte de la Corne de l’Afrique et la singularité du Somaliland
Élections successives et réussies
Alternance au pouvoir et transition politique en douceur
Comprendre la démocratie émergente au Somaliland
Adaptation locale et contextualisation
Le contexte non électoral : politique de reconnaissance/non-reconnaissance
Un engagement fort en faveur de la démocratie
Des leçons pour les autres pays de la région ?
Introduction
Dans une région largement marquée par les conflits et une pratique généralisée de l’autoritarisme, le Somaliland représente une exception notable. Bien qu’il ne soit pas officiellement reconnu par la communauté internationale, il s’est imposé comme une entité politique pacifique, stable et démocratique. Des observateurs chevronnés, fascinés par son histoire à succès, ont décrit cette petite entité politique en termes élogieux, la qualifiant notamment de « rare réussite » (Bryden, 2005), de « pays qui a réussi » (Shinn, 2002), de « merveille africaine méconnue » (Aboa-Bradwell, 2011), de « secret le mieux gardé d’Afrique » (Jhazbhay, 2003), de « chef-d’œuvre des élections africaines » (Medhane, 2010), etc. Cependant, ces caractérisations ne doivent pas conduire à des attentes trop optimistes concernant le Somaliland car elles occultent non seulement les défis et les limites importants inhérents aux processus démocratiques du pays, mais contribuent également à une perception exagérée des progrès politiques du pays.
Le Somaliland reste un État fragile et sous-financé, doté d’infrastructures rudimentaires et de ressources limitées. Bien qu’il jouisse d’une paix et d’une stabilité généralisées, celles-ci restent insuffisamment développées. La transition démocratique, bien que prometteuse, demeure partielle et chaotique (Walls, 2014). Le gouvernement est faible et limité tant dans ses pouvoirs despotiques que dans ses infrastructures. L’économie repose essentiellement sur le secteur privé, qui exerce une influence considérable sur le gouvernement. Sa quête de reconnaissance politique reste difficile à atteindre, ce qui entrave la croissance économique et la prospérité en limitant l’accès à l’aide au développement et aux prêts internationaux.
Malgré ces défis, le Somaliland a accompli des progrès notables. Contrairement à son voisin méridional et à de nombreux autres pays de la région, il a réalisé des avancées substantielles en matière de consolidation de la paix, de renforcement de l’État et de démocratisation. Il s’est remis avec succès des crises sécuritaires du début des années 1990, mettant en place un gouvernement fonctionnel et un environnement pacifique propice à la relance économique. Au cours des quinze dernières années, le Somaliland a montré son engagement en faveur de la démocratisation en organisant une série d’élections réussies et en formant un gouvernement démocratique, un exploit que peu d’autres pays d’Afrique et du Moyen-Orient ont réussi à accomplir (Hansen & Bradbury, 2007, p. 461).
Si les progrès en matière de construction de l’État et de consolidation de la paix sont significatifs, cette étude se concentre sur ses avancées en matière de démocratie. Elle examine comment le Somaliland est devenu une entité politique démocratique et explore les enseignements potentiels pour d’autres pays de la région.
L’étude est structurée en cinq sections. La première section présente une analyse conceptuelle et théorique des régimes démocratiques, jetant les bases pour considérer le Somaliland comme une démocratie électorale. La deuxième section offre un aperçu du contexte politique et de la situation du Somaliland. La troisième section examine la démocratisation dans la Corne de l’Afrique et explique en quoi le Somaliland se distingue. La quatrième section analyse les facteurs qui favorisent la consolidation de la démocratie au Somaliland. Enfin, la dernière section examine les enseignements qui peuvent être tirés et questionne la transférabilité de l’expérience du Somaliland à d’autres contextes régionaux.
Cadre théorique
Les critères utilisés pour distinguer les démocraties des autocraties oscillent entre des approches minimalistes, maximalistes et hybrides. L’approche minimaliste, influencée par la théorie démocratique du célèbre économiste autrichien Joseph Schumpeter (1883-1950), conçoit les régimes démocratiques comme des démocraties électorales. Schumpeter définissait la démocratie comme « le système institutionnel permettant de prendre des décisions politiques dans lequel les individus acquièrent le pouvoir de décider au moyen d’une lutte concurrentielle pour obtenir les suffrages du peuple » (Schumpeter, 2003, p. 269). Dans cette perspective, les démocraties sont des régimes dans lesquels les postes clés du gouvernement sont pourvus par le biais d’élections multipartites, concurrentielles, libres et équitables. Dans les démocraties électorales, les élections sont véritablement disputées et les titulaires cèdent pacifiquement le pouvoir lorsqu’ils sont battus (Bidner et al., 2014, p. 2). Selon Diamond (1996, p. 21 ; 2002, pp. 21-22), les démocraties électorales contemporaines garantissent également un minimum de libertés civiles et politiques, notamment la liberté d’organisation, d’expression et de réunion, qui sont nécessaires à la tenue d’élections significatives, au débat politique et à la campagne électorale. Cependant, ces libertés ne sont que partielles. Les démocraties électorales prêtent généralement peu d’attention aux droits fondamentaux des individus et des minorités (Diamond, 1996, p. 21 ; Morlino, 2008, p. 9 ; Mukand & Rodrik, 2015, p. 1).
L’approche maximaliste, en revanche, repose sur une conception beaucoup plus large et étendue de la démocratie. Elle critique l’approche minimaliste, jugée trop restrictive car centrée sur les élections (Merkel, 2004). La démocratie est plutôt largement comprise comme comprenant des élections compétitives et d’autres institutions essentielles à la sauvegarde des droits civils et politiques des citoyens et des groupes minoritaires. Selon cette approche, les démocraties se distinguent par les élections multipartites compétitives qu’elles organisent et par la garantie qu’elles offrent des droits civils et politiques plus substantiels dans le cadre d’un état de droit fort (Diamond, 2002, p. 25). Ces formes de régimes démocratiques sont généralement qualifiées de démocraties libérales (Mukand & Rodrik, 2015, p. 1) et correspondent à plusieurs pays occidentaux classés comme libres par Freedom House.
Une troisième approche, largement connue sous le nom d’approche hybride, s’est récemment imposée comme une perspective très utile pour comprendre les régimes politiquement ambigus qui ne sont ni démocratiques (libéraux ou électoraux) ni totalement autocratiques. La littérature sur les régimes hybrides propose toute une série de conceptions de ces régimes, et les sous-types identifiés sont nombreux (voir Collier & Levitsky, 1997 ; Levitsky & Way, 2002, p. 51). Cependant, ces régimes sont largement identifiés en fonction de leurs caractéristiques mixtes, combinant certaines règles, procédures et institutions démocratiques à des degrés variables de gouvernance autoritaire (Levitsky & Way, 2002, p. 51). Les régimes hybrides ont été considérés comme des formes de démocraties transitionnelles, mais ils sont également de plus en plus considérés comme des variantes de l’autoritarisme (Levitsky & Way, 2010, p. 4).
Dans la plupart des régimes hybrides, les élections multipartites sont courantes. Cependant, ces élections sont organisées dans le but principal de légitimer le pouvoir en place et de masquer la réalité de la domination autoritaire (Ekman, 2009, p. 9 ; Diamond, 2002, p. 24). Les partis d’opposition et leurs partisans sont soumis à de fortes pressions, et lorsque les résultats des élections menacent le pouvoir en place, alors le processus est manipulé.
Si ces travaux ont permis de mieux distinguer les démocraties des régimes non démocratiques, ils ont été largement critiqués en raison de leur orientation principalement occidentalo-centrée. En réponse, un nombre croissant de travaux universitaires menés à travers le continent africain plaident en faveur de l’intégration des normes et pratiques africaines indigènes et traditionnelles comme éléments fondamentaux de la gouvernance. L’une de ces perspectives souligne la valeur des systèmes décisionnels traditionnels africains, en particulier ceux fondés sur le consensus, comme alternative viable aux modèles démocratiques libéraux dominants en Occident.
Parmi les penseurs de la question, il y a notamment le philosophe Kwasi Wiredu (1995) qui remet en question la légitimité des partis politiques formels et du système multipartite, arguant qu’il s’agit là d’impositions occidentales inadaptées au contexte sociopolitique africain. Il propose un « système consensuel sans partis » comme modèle de gouvernance plus conforme à la culture locale. Contrairement aux principes majoritaires de la démocratie libérale, Wiredu affirme que le consensus est la marque distinctive de la vie politique africaine traditionnelle. Il déclare : « La prise de décision dans la vie et la gouvernance traditionnelles africaines repose généralement sur le consensus. » S’appuyant sur les pratiques de diverses communautés africaines, notamment les Ashanti du Ghana, Wiredu reconnaît les limites des systèmes traditionnels pour faire face à la complexité de la gouvernance moderne. Néanmoins, il soutient qu’un système consensuel non partisan mérite d’être « pris au sérieux » en Afrique (Wiredu, 1995).
La proposition de Wiredu a suscité un débat important sur le rôle des systèmes et des acteurs traditionnels africains dans les processus démocratiques contemporains. De nombreux chercheurs ont salué ses efforts pour ancrer la gouvernance dans les structures indigènes, considérant son travail comme une contribution significative à la recherche de modèles démocratiques durables, ancrés localement et enracinés dans la culture (Fayemi, 2010, p. 218 ; Olanipekun, 2020, pp. 6-8). Cependant, des critiques ont émis des réserves quant à l’adéquation des structures traditionnelles pour relever les défis contemporains en matière de gouvernance. Certains ont remis en question les hypothèses fondamentales de la démocratie consensuelle, en particulier l’existence présumée d’un intérêt commun et les cadres normatifs qui facilitent le consensus (Fayemi, 2010, pp. 218-2019 ; Eze, 1997).
Si l’analyse de Wiredu se concentre sur les Ashanti, des caractéristiques similaires peuvent être observées dans le système de gouvernance du Somaliland. Son système démocratique est en effet profondément imprégné de structures traditionnelles, en particulier le système Xeer, qui joue un rôle central dans la résolution des conflits. La chambre haute du parlement du Somaliland, le Guurti, est composée d’anciens issus des clans, illustrant l’intégration de l’autorité coutumière dans la gouvernance formelle. Par ailleurs, bien que le Somaliland fonctionne comme une démocratie électorale avec des partis politiques, la concurrence entre les partis est limitée à trois entités politiques afin de favoriser le consensus entre les clans. Ce dispositif hybride, combinant institutions traditionnelles et pratiques de gouvernance modernes a contribué à maintenir la stabilité et à renforcer l’ancrage des pratiques démocratiques dans cette république non reconnue.
Dans cette étude, le Somaliland est considéré comme un exemple de démocratie électorale émergente. Ce petit État non reconnu est en effet le seul pays de la région classé comme partiellement libre dans le rapport 2016 de Freedom House. Au cours des quinze dernières années, il a organisé une série d’élections, largement considérées comme compétitives, libres et équitables (Abokor et al., 2006, p. 8 ; Hansen & Bradbury, 2007, p. 465). Contrairement à de nombreux autres pays de la région, le processus électoral y a permis une alternance du pouvoir et une transition pacifique. Néanmoins, plusieurs lacunes persistent : la faible participation des femmes et des groupes marginalisés, la persistance de pratiques autoritaires, une gouvernance patrimoniale et de fréquentes violations constitutionnelles, autant de facteurs qui fragilisent l’intégrité de ses institutions démocratiques.
Ces lacunes font que le Somaliland ne peut être considéré comme une démocratie libérale. Cependant, il est également loin d’être un régime hybride, principalement parce que, contrairement à de nombreux régimes de ce type, l’élite politique du Somaliland a fait preuve d’un engagement remarquable en faveur de la gouvernance démocratique. En outre, les élections au Somaliland se sont distinguées par une concurrence intense et significative, une alternance du pouvoir et une transition postélectorale sans heurts.
Le Somaliland : État et politique
Le récit de l’émergence de l’État moderne a été articulé à travers divers prismes théoriques et historiques. Ceux-ci vont des théories hypothétiques du contrat social à des récits plus fondés sur l’histoire, tels que la conception de la guerre comme moyen de construction de l’État. Charles Tilly, dans son célèbre dicton « la construction de l’État comme moyen de faire la guerre », propose une explication historiquement nuancée de la formation de l’État, soulignant le rôle central de la guerre dans le développement des États modernes.
Selon Tilly, l’expérience de la guerre a joué un rôle déterminant dans la consolidation du pouvoir étatique. Les sociétés européennes, confrontées à des luttes incessantes pour leur survie dans un contexte darwinien où les plus faibles étaient inévitablement marginalisés, ont été contraintes de développer des structures étatiques efficaces pour se défendre contre les menaces extérieures. Ces dernières ont poussé à la création d’États tout aussi robustes par les sociétés rivales (Clapham, 2001, p. 1). Dans ce processus, la conduite de la guerre a facilité la centralisation de l’autorité, réduisant l’autonomie des vassaux quasi indépendants et imposant la nécessité d’un système d’encadrement efficace, grâce auquel les ressources sociales pouvaient être mobilisées et organisées (Clapham, 2001, p. 2).
Cette nécessité impérative de mobiliser des ressources, principalement à des fins militaires, a catalysé l’émergence de bureaucraties nationales capables d’extraire des ressources, en particulier de la main-d’œuvre par la conscription et des actifs financiers par la fiscalité. Ces bureaucraties ont permis le déploiement d’armées citoyennes, qui ont joué un rôle central dans la formation de l’État-nation européen moderne entre 1792 et 1945. Ce processus a surtout contribué à la formation de ce qu’on appelle la « communauté imaginée », laquelle a conféré à l’appareil coercitif de l’État une légitimité morale, favorisant ainsi la participation volontaire et, dans de nombreux cas, le sacrifice de soi parmi les citoyens (Clapham, 2001, p. 1). Cette communauté imaginée a ensuite sous-tendu le développement de la participation publique, de la responsabilité gouvernementale et de la fourniture de services sociaux par l’État (Clapham, 2001).
Si cette trajectoire caractérise l’émergence de l’État moderne en Europe, la genèse de la plupart des États africains — à l’exception de l’Éthiopie et du Libéria — peut être attribuée à l’imposition coloniale. Ces États n’ont pas connu de processus de formation étatique par la guerre ; ils sont plutôt le produit de conquêtes extérieures menées par des puissances impériales dont les capacités militaires surpassaient largement celles des sociétés africaines indigènes (Clapham, 2001). La Corne de l’Afrique constitue toutefois une exception notable. Clapham soutient que cette région présente une relation plus intense et plus prolongée entre la guerre et la formation de l’État que toute autre partie du continent, offrant ainsi un contexte unique dans lequel cette relation peut être examinée plus efficacement (Clapham, 2001, p. 2).
Néanmoins, l’impact des conflits armés dans la Corne de l’Afrique est complexe et multiforme, et la corrélation entre les conflits et la formation des États est loin d’être déterministe (Clapham, 2001, p. 9). Des États, tels que Djibouti, la Somalie, le Somaliland et le Soudan, à l’instar de leurs homologues ailleurs en Afrique, ont été initialement façonnés par l’héritage colonial (Bereketeab, 2007, pp. 39-40). Cependant, l’expérience de la guerre fournit une explication rudimentaire sur l’émergence d’États tels que l’Éthiopie et les entités sécessionnistes de l’après-guerre froide que sont l’Érythrée, le Somaliland et le Soudan du Sud (Dias, 2013 ; Clapham, 2001).
De plus, les trajectoires divergentes des États de la Corne de l’Afrique illustrent que la guerre a produit des résultats variés : la formation réussie d’un État (par exemple, l’Érythrée, le Soudan du Sud, le Somaliland), la désintégration d’un État (la Somalie), ou encore l’affaiblissement d’un État (comme l’Éthiopie et l’Érythrée après le conflit de 1998-2000) (Dias, 2013, p. 5).
L’émergence de nouveaux États dans la Corne de l’Afrique pendant la période post-guerre froide est étroitement liée à la récurrence des conflits violents dans la région (Clapham, 2001 ; Jacquin-Berdal, 2002, cité dans Dias, 2013, p. 5). Des guerres prolongées, parfois sur plusieurs décennies, ont joué un rôle déterminant dans la création de nouveaux États. L’Érythrée et le Soudan du Sud, par exemple, ont vu le jour à la suite de deux des conflits les plus longs et les plus dévastateurs d’Afrique (Dias, 2013, p. 5). De même, la formation du Somaliland a été précipitée par une guerre qui a conduit à la désintégration et à l’effondrement de la Somalie, entraînant l’émergence d’entités autonomes autoproclamées.
Bien qu’elle ait brièvement existé en tant qu’État souverain en 1960, la République du Somaliland a été créée en mai 1991. L’indépendance a été proclamée lors d’une grande conférence nationale des peuples du Nord à laquelle ont participé des représentants des clans du Somaliland et du Mouvement national somalien (MNS), mouvement nordiste qui a pris le contrôle de la majeure partie du nord-ouest après la chute du régime de Siad Barre. La conférence a abrogé l’acte d’union qui unissait le Somaliland au territoire sous tutelle italienne dans le sud et a proclamé la (re)naissance de la République du Somaliland. Depuis lors, le Somaliland est devenu l’un des États les plus pacifiques et les plus stables de la région. Cependant, la reconnaissance politique de la république reste difficile à obtenir, plus d’un quart de siècle après la déclaration d’indépendance du pays en 1991.
D’une superficie comparable à celle de l’Angleterre et du Pays de Galles, la République du Somaliland est bordée à l’ouest par Djibouti, au nord par le golfe d’Aden, à l’est par l’Éthiopie et au sud par le Puntland. Le territoire est divisé en six régions : Woqooy Galbeed, Awdal, Togdheer, Sahil, Sannag et Sool. Bien que le gouvernement du Somaliland revendique la souveraineté sur l’ensemble de ces régions, son autorité sur certaines parties du Sannag et du Sool reste très contestée par l’État autonome du Puntland en Somalie. Ce conflit de juridiction empêche le Somaliland d’étendre les avancées réalisées en matière de paix et de démocratie à l’ensemble du territoire.

Figure 1 : Carte du Somaliland
Source : Otherworldmp.com (2021)
La population du Somaliland est estimée à 3,4 millions d’habitants (Somaliland Government, 2010, p. 63). La grande majorité appartient à cinq clans principaux : les Issaq, les Issa, les Gadabursi (Sommoron), les Dhulbahante et les Warsengli (Bradbury, 2008, p. 52). Les Issaq constituent le groupe le plus nombreux et le plus influent sur les plans politique et économique. Cependant, les Issaq ne constituent pas une entité unifiée. Ils se divisent en six sous-clans principaux : les Habar Yunis et les Idagalle (souvent regroupés sous l’appellation Garhajis), les Habar Ja'lo, les Habar Awal (Issa Mussa et Sa'ad Mussa), les Arabes et les Ayuub.
Pendant plus d’une décennie, le Somaliland a été administré selon un système politique hybride, connu localement sous le nom de « système beel », combinant des éléments du système traditionnel, discursif, consensuel et clanique, avec des structures institutionnelles modernes telles que la présidence exécutive, le cabinet et un parlement bicaméral. Ce système hybride de gouvernance est largement considéré comme le facteur déterminant de la paix et de la stabilité dont jouit aujourd’hui le pays. En outre, les progrès réalisés en matière de gouvernance et de consolidation de la paix ont servi de base au processus de transition démocratique engagé au début des années 2000.
La transition vers un régime démocratique a commencé par la mise en place des cadres juridiques et institutionnels nécessaires. La Constitution, adoptée en 2001 à une majorité écrasante de 97 % des électeurs, prévoit un système multipartite fondé sur trois partis politiques officiels qui seraient déterminés en fonction des résultats des élections locales. Les partis politiques claniques sont interdits. Ils doivent avoir une assise nationale.
Tableau 1 : Partis politiques nationaux du Somaliland
2003-2011 | 2012-2022 |
Parti démocratique populaire uni (Udub) | Parti Kulimye (unité) |
Parti Kulimye (unité) | Parti pour la justice et le développement |
Parti pour la justice et le bien-être (Ucid) | Parti Wadani (national) |
Outre la Constitution, plusieurs autres instruments juridiques ont défini les dispositions légales nécessaires à la bonne tenue des élections. Il s’agit notamment de la loi sur les associations et les partis politiques, de la loi sur les élections présidentielle et municipales (2001), de la loi sur les élections législatives (2005) et de la loi sur l’inscription des électeurs (2007) (Interpeace & APD, 2015, p. 40). Si ces lois électorales ont sans conteste contribué à définir la trajectoire démocratique du Somaliland, elles ont néanmoins été critiquées pour être « faibles, incomplètes et incohérentes » (Interpeace & APD, 2015, p. 12).
Sur le plan institutionnel, la Commission électorale nationale (NEC) constitue l’organe principal chargé d’organiser et de superviser les élections. La NEC a été créée en 2001. Cependant, elle a été largement sous-financée et a manqué de personnel permanent qualifié et formé (Interpeace et APD, 2015, p. 36), ce qui a constitué un défi majeur pour la conduite des élections au Somaliland (Abokor et al., 2006, p. 14 ; Walls & Kibble, 2011, p. 36).
Les Somalilandais ont, dans l’ensemble, manifesté un vif intérêt pour la vie politique et participé largement aux élections nationales. Les femmes et les jeunes, notamment, se sont mobilisés en nombre lors des différentes élections. Néanmoins, en raison de l’absence de recensement et de registre électoral fiable, il a été difficile d’évaluer le taux de participation.
Tableau 2 : Participation électorale au Somaliland
Élections | Suffrages exprimés |
Le référendum constitutionnel (2001) | 1,19 million |
Les premières élections régionales (2002) | 440 067 |
La première élection présidentielle (2003) | 488 039 |
Les premières élections législatives (2005) | 670 328 |
La deuxième élection présidentielle (2010) | 538 246 |
Les deuxièmes élections régionales (2012) | 810 858 |
L’élection présidentielle (2017) | 555 142 |
Source : Abokor et al. (2006), Interpeace and APD (2015), et Walls et Kibble (2011), Pegg et Walls (2018).
Le contexte de la Corne de l’Afrique et la singularité du Somaliland
La Corne de l’Afrique est considérée comme le berceau de certains des régimes les plus répressifs et antidémocratiques au monde (Irin, 2003). Trois des pays les plus autoritaires — l’Érythrée, la Somalie et le Soudan — s’y trouvent. Bien qu’ils soient considérés comme les pires, les autres États de la région n’affichent guère de meilleurs résultats en matière de démocratie et de droits humains.
L’Érythrée est officiellement un État à parti unique. Aucune élection nationale n’a été organisée depuis l’indépendance. Le parti au pouvoir, le Front populaire pour la démocratie et la justice (PFDJ), réincarnation de l’ancien mouvement de guérilla, le Front populaire de libération de l’Érythrée (EPLF), est désormais au pouvoir depuis plus d’un quart de siècle. Le régime dirigé par le PFDJ a été accusé de violations massives des droits de l’homme, et dernièrement, l’ONU a accusé les responsables érythréens de crimes contre l’humanité et a recommandé à la communauté internationale de recourir à la Cour pénale internationale (CPI) ainsi qu’à d’autres mécanismes disponibles pour faire de la reddition des comptes une réalité en Érythrée.
La Somalie continue d’illustrer les caractéristiques d’un État défaillant, en proie à une instabilité politique persistante, à des conflits civils et à une insécurité généralisée. Dans leur analyse de la transition démocratique en Somalie, Biyo et al. (2023) reconnaissent certains progrès, mais soulignent des lacunes importantes. Parmi celles-ci figurent l’achat de votes, la vulnérabilité de l’électorat face à la manipulation par des démagogues ou des populistes, et le risque d’une « tyrannie de la majorité », où les intérêts des minorités sont systématiquement marginalisés ou ignorés.
Depuis les années 1990, le Soudan et l’Éthiopie sont dominés par des régimes autoritaires qui se maintiennent au pouvoir depuis longtemps. Bien que des élections aient régulièrement lieu, les candidats sortants remportent systématiquement des victoires écrasantes. Les partis d’opposition et les médias indépendants sont victimes d’une répression systématique. L’Éthiopie, en particulier, est considérée comme un régime électoral autoritaire (Aalen & Tronvoll, 2008). Les élections ont été largement orchestrées pour assurer la domination du parti au pouvoir (Aalen & Tronvoll, 2008). La seule élection véritablement disputée en Éthiopie après 1991 a eu lieu en 2005 et a débouché sur des violences postélectorales qui ont coûté la vie à plus de 200 personnes. Le Soudan, quant à lui, est connu pour son terrorisme d’État, ses conflits prolongés et ses violations flagrantes des droits humains. Bien que des élections aient eu lieu, elles ont été largement symboliques et dépourvues de véritable substance démocratique.
En 2018 et 2019, une vague de manifestations antigouvernementales et de mouvements menés par la société civile en Éthiopie et au Soudan a entraîné la chute de régimes bien établis ouvrant une période de réformes politiques et de libéralisation. Cependant, l’optimisme initial s’est rapidement estompé. Les transitions démocratiques attendues dans les deux pays ont pris une autre tournure, laissant place à des crises politiques et à une reprise des conflits civils. Les observateurs ont qualifié ce revirement de tragique. Dans une étude comparative, Michael Woldemariam a déclaré : « L’effondrement des transitions politiques de 2018-2019 en Éthiopie et au Soudan a été l’une des grandes tragédies africaines de la dernière décennie. » Ce que l’on espérait largement être des transitions réussies a finalement dégénéré en violence et en instabilité.
Djibouti, petit État côtier de la mer Rouge, est resté relativement stable en comparaison de ses voisins (Bereketeab, 2013, p. 14). Néanmoins, son paysage politique est fortement dominé par le clan Issa, reléguant le groupe ethnique Afar dans une situation de marginalisation persistante (Bereketeab, 2013, p. 14). Le parti au pouvoir, le Rassemblement populaire pour le progrès (RPP), et son leader, Ismaïl Omar Guelleh, qui a succédé à son cousin Hassan Gouled en 1999, sont au pouvoir depuis des décennies. Lors des élections nationales qui se sont tenues en avril 2016, Guelleh et le RPP ont obtenu 87 % des voix.
Le Soudan du Sud, qui a accédé à l’indépendance en 2011 après l’une des plus longues guerres civiles d’Afrique, a d’abord été accueilli avec un optimisme généralisé. Cependant, le pays a rapidement sombré dans un nouveau conflit civil. Les causes de la crise sont multiples, mais l’un des principaux déclencheurs fut la rivalité politique entre le président Salva Kiir et le vice-président Riek Machar à l’approche de l’élection présidentielle de 2015. Les deux dirigeants, représentant le Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM), se sont présentés comme candidats, ce qui a conduit à une lutte acharnée pour le pouvoir qui a ravivé la guerre civile. Bien que la guerre ait officiellement pris fin avec l’accord de partage du pouvoir négocié par l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) en 2013, beaucoup continuent de craindre que les rivalités de longue date ne resurgissent et ne replongent le pays dans un conflit civil.
En résumé, bien que les élections ne soient pas rares dans la Corne de l’Afrique, elles manquent souvent de crédibilité, de transparence et d’inclusivité. Les partis politiques dominants, tels que le Front populaire pour la démocratie et la justice (PFDJ) en Érythrée et le Rassemblement populaire pour le progrès (RPP) à Djibouti, sont au pouvoir depuis des décennies, étouffant ainsi toute concurrence politique et empêchant l’instauration d’une véritable démocratie multipartite. Les violentes répercussions des élections éthiopiennes de 2005 et des élections kenyanes de 2007 soulignent encore davantage les défis que représente la transition pacifique du pouvoir dans la région, en particulier lorsque les partis d’opposition sont en passe de remporter les élections.
En revanche, le Somaliland constitue une exception notable au déficit démocratique de la région. Cette république autoproclamée a organisé une série d’élections largement considérées comme compétitives et crédibles. De plus, elle a fait preuve d’un engagement rare en faveur de transferts de pouvoir pacifiques et ordonnés, ce qui la distingue de la plupart des États voisins. L’exemple le plus récent remonte à 2024, lorsque le président sortant, Muse Bihi Abdi, du parti Kulmiye, a été battu par le candidat de l’opposition Abdirahman Mohamed Abdullahi, du parti Waddani, ouvrant la voie à une alternance pacifique et ordonnée.
Élections successives et réussies
Le processus officiel de transition démocratique au Somaliland a débuté en 2001 avec un vote populaire sur la première constitution indépendante du pays. Ce vote a été suivi de cinq élections successives couronnées de succès. Les premières élections organisées, dans une région qui avait connu une pénurie de démocratie pendant plus de trois décennies, furent les élections municipales et de district, tenues en 2002.
Contrairement aux élections similaires organisées dans d’autres pays, les élections de district au Somaliland ont un double objectif : constituer des structures administratives locales et municipales et déterminer les trois partis politiques nationaux du pays. La loi électorale du Somaliland permet aux trois premiers partis politiques ayant remporté le plus grand nombre de voix lors des élections de district de devenir éligibles aux élections présidentielle et parlementaires. Malgré d’énormes défis financiers, techniques et logistiques, les élections de district de 2002 se sont déroulées avec succès. Selon Renders (2012), elles se sont déroulées dans une ambiance relativement bonne et avec une organisation satisfaisante. Les observateurs ont tous émis un avis positif sur le déroulement de ces élections.
Quatre mois plus tard, des élections ont été organisées pour désigner le président et le vice-président (Abokor et al., 2006, p. 7). L’élection présidentielle s’est avérée très disputée, l’opposition étant largement favorite. Cependant, le président sortant, Dahir Riyale Kahin, du parti Udub, a conservé son poste battant de justesse son rival, Ahmed Mohamed Mohamoud « Silanyo », président et candidat du principal parti d’opposition, Kulmiye, avec une marge de seulement 0,01 % des suffrages exprimés. Sans surprise, le résultat a été brièvement contesté par le Kulmiye, mais il a finalement été accepté et le processus de transition s’est déroulé pacifiquement.
En septembre 2005, les premières élections législatives ont eu lieu. Ces élections concernaient la chambre basse, à savoir la Chambre des représentants. La chambre haute, communément appelée Guurti, reste un organe non élu. Le vote s’est déroulé dans 982 bureaux de vote pour 82 sièges (Abokor et al., 2006, p. 5). Le parti au pouvoir Udub est sorti vainqueur avec 33 sièges (Abokor et al., 2006, p. 19). Néanmoins, les deux partis de l’opposition ayant remporté 49 sièges au total ont pris le contrôle du parlement, et le Somaliland est devenu le « seul pays » d’Afrique où l’opposition contrôlait le parlement (2005-2010) (Abokor et al., 2006, p. 19).
La deuxième élection présidentielle s’est tenue en 2010, avec plus de deux ans de retard sur le calendrier prévu. Trois candidats issus des trois partis politiques nationaux se sont présentés à l’élection. Au final, le principal candidat de l’opposition, Ahmed Mohamed Mohamoud « Silanyo », qui avait perdu de justesse l’élection présidentielle de 2003, s’est imposé haut la main, et sa victoire a été suivie d’un processus de transition du pouvoir remarquable qui a surpris de nombreux observateurs dans la région. Le président sortant, Dahir Riyale Kahin, a reconnu sa défaite avec sérénité et a cédé le pouvoir dans le calme.
En 2012, le deuxième tour des élections municipales et régionales a eu lieu. Cependant, ces élections ont une nouvelle fois été reportées de plus de deux ans, ce qui est devenu un phénomène récurrent qui compromet l’intégrité du processus électoral au Somaliland. Les deux partis politiques existants, Kulmiye et Ucid, ainsi que cinq associations politiques nouvellement créées, Wadani, Ummada, Rays, Xaqsoor et Dalsan, se sont disputé les sièges. Le parti au pouvoir, Kulmiye, est arrivé en tête, suivi de Wadani et de l’Ucid, et les trois formations ont formé des partis politiques nationaux (Makokha & Ali, 2013, p. 6). Comme lors des élections précédentes, les élections régionales de 2012 ont également été jugées positives par les observateurs locaux et internationaux.
La troisième élection présidentielle, organisée en 2017, a également été saluée comme « pacifique », « festive » et « ordonnée » (Pegg & Walls, 2018). Une mission d’observation de l’équipe européenne dirigée par le Dr Walls a souligné : « La mission a été […] heureuse de pouvoir rendre compte d’un processus électoral qui s’est déroulé de manière généralement pacifique et efficace. » Elle a ensuite ajouté :
Tout au long de la période électorale, les Somalilandais ont manifesté leur soutien à l’État de droit et au processus constitutionnel en votant pacifiquement et en grand nombre, et nous saluons cet engagement en faveur d’une participation pacifique à un système électoral remarquablement ouvert. À l’issue de la mission, nous avons constaté que les irrégularités observées et dénoncées par les partisans de l’opposition n’étaient pas suffisamment importantes pour avoir influé sur le résultat.
Ainsi, comme lors des processus précédents, le déroulement de la troisième élection présidentielle a été salué par les observateurs internationaux. Une partie des violences observées pendant la période postélectorale a été traitée en recourant aux traditions coutumières de résolution des conflits et, finalement, l’élection a été acceptée par toutes les parties, permettant au Somaliland de poursuivre son processus démocratique.
La quatrième élection présidentielle et législative s’est tenue le 13 novembre 2024. Il s’agissait de la quatrième élection présidentielle en deux décennies depuis 2003. Selon la Fondation Brenthurst (2024), l’élection présidentielle de 2024 a été « sans doute l’élection la plus disputée et la plus controversée de l’histoire du Somaliland », en partie parce qu’elle s’est tenue avec deux ans de retard et à la suite de débats politiques. Trois candidats issus de trois partis politiques se sont présentés à l’élection : le président sortant Muse Bihi Abdi du parti au pouvoir Kulmiye, Abdirahman Mohamed Abdullahi « Irro » du parti Waddani et Faysal Ali Warabe du parti Ucid (Fondation Brenthurst, 2024). L’élection s’est soldée par la victoire du candidat de l’opposition, Abdirahman Mohamed Abdullahi « Irro » du parti Waddani. Le président sortant, Muse Bihi Abdi, du parti au pouvoir Kulmiye, a reconnu sa défaite, garantissant ainsi une transition pacifique du pouvoir. L’élection a été saluée comme libre et équitable. L’équipe d’observation de la Fondation Brenthurst a déclaré que « malgré les contraintes financières et institutionnelles du Somaliland », « l’élection a été libre, équitable et crédible ». Dans son rapport préliminaire, la mission internationale d’observation électorale (IEOM) de l’University College de Londres a déclaré que les élections « se sont largement déroulées dans un environnement où les citoyens ont pu exercer leur droit de vote et ont manifesté leur enthousiasme pour la démocratie ». Le rapport a également souligné que « la période de campagne s’est déroulée dans un climat généralement pacifique, sans qu’aucun candidat n’ait été empêché de présenter librement ses opinions, ni aucun électeur d’être empêché de participer à des activités de campagne ou de s’informer sur les opinions des candidats ».
En résumé, sans reconnaissance ni soutien international significatif, le Somaliland a organisé successivement des élections présidentielles, parlementaires et régionales. Cependant, ce n’est pas la simple régularité de ces élections qui fait du Somaliland un symbole d’espoir dans la Corne de l’Afrique. En effet, de nombreux pays de la région organisent régulièrement des élections. Ce qui distingue le Somaliland comme une remarquable réussite, c’est la manière dont ces élections sont organisées. Contrairement à de nombreux autres pays de la région, les élections au Somaliland ont été très disputées. En outre, bien qu’il y ait eu des rapports faisant état de votes multiples, de bourrage d’urnes, d’achat de voix et d’autres formes d’irrégularités, les élections successives au Somaliland ont été largement considérées comme libres et crédibles. Les observateurs ont unanimement estimé qu’aucun incident majeur n’était venu compromettre la crédibilité globale des élections dans le pays. Surtout, le processus électoral du Somaliland bénéficie d’un large soutien de la part de la population. À l’exception de certaines parties des régions de Sool et de Saanag, à l’est, où l’autorité du Somaliland est contestée et où la tenue d’élections complètes s’est avérée très difficile, les élections successives du Somaliland ont bénéficié d’une crédibilité et d’une légitimité largement reconnues par la population.
Alternance au pouvoir et transition politique en douceur
Les violences postélectorales constituent un défi majeur pour les élections en Afrique. De nombreuses élections sur le continent ont également été critiquées pour ne pas avoir permis l’alternance du pouvoir. En revanche, le Somaliland a fait preuve d’une différence notable. Malgré les tensions considérables qui ont souvent entouré ses élections (entraînant des reports répétés), les transitions politiques postélectorales au Somaliland se sont généralement déroulées sans heurts. Cela a été particulièrement évident lors des élections présidentielles de 2003 et de 2010.
L’élection présidentielle de 2003 au Somaliland a probablement été l’une des élections les plus disputées et les plus serrées d’Afrique. Selon les résultats de la Commission électorale nationale (NEC), le président sortant, Dahir Riyale Kahin, a battu son rival le plus proche, Ahmed Mohamed Mohamoud « Silanyo », avec une marge de seulement 80 voix. À tous égards, il s’agissait d’un résultat exceptionnellement serré qui pouvait ouvrir la voie à de nombreuses contestations.
L’annonce des résultats a immédiatement déclenché des manifestations à petite échelle de la part des partisans du Kulmiye dans les villes de Burco et Gabiley (Bradbury, 2008, p. 194 ; Renders, 2012, p. 245). Le gouvernement, pour sa part, a rapidement décrété l’état d’urgence, interdisant tout rassemblement et manifestation de l’opposition (Bradbury, 2008, p. 194). Kulmiye a contesté le résultat devant la Cour suprême, alléguant une erreur de calcul. La Cour suprême a toutefois confirmé le résultat initial. Certains membres de Kulmiye ont fait pression sur « Silanyo » pour qu’il forme un gouvernement alternatif (Bradbury, 2008, p. 194). D’autres, qui avaient investi leur fortune personnelle dans la campagne électorale du parti, n’ont pas pu surmonter la défaite de celui-ci (Bradbury, 2008, p. 194). Avec la polarisation croissante des deux camps, beaucoup craignaient un retour à la violence (Barnet & Woldemariam, 2011). Cela ne s’est toutefois pas produit. Les partis se sont réconciliés avec l’aide des anciens des clans, et le processus électoral s’est conclu pacifiquement (Barnet & Woldemariam, 2011).
Une transition politique tout aussi remarquable s’est produite lors de l’élection présidentielle de 2010, à la suite de la victoire du candidat de l’opposition, Ahmed Mohamed Mohamoud « Silanyo ». Contrairement à l’élection présidentielle de 2003, « Silanyo » était cette fois-ci clairement vainqueur, et peu après l’annonce des résultats par la NEC, le président sortant Dahir Riyale Kahin, à la surprise générale, a reconnu sa défaite et cédé le pouvoir. Une fois de plus, le processus de transition politique s’est déroulé sans aucun trouble.
Outre le processus pacifique de transition postélectoral, les élections au Somaliland se distinguent également par leur rôle dans l’alternance du pouvoir. Contrairement à de nombreuses autres élections dans la région et à travers l’Afrique, les élections au Somaliland ont permis à la population de constater et de profiter des avantages liés à l’alternance des partis politiques au pouvoir. Cela s’est produit lors de l’élection présidentielle de 2010 et des élections législatives de 2005.
Comprendre la démocratie émergente au Somaliland
Le Somaliland a accompli des progrès remarquables au cours de ses élections successives. Lorsqu’on leur demande comment leur système politique a permis de réaliser de telles avancées démocratiques, les Somalilandais, issus de tous horizons, répondent en évoquant leur culture, leurs institutions indigènes et le rôle des anciens des clans.
Cette étude suggère toutefois trois facteurs principaux pour expliquer les progrès démocratiques remarquables du Somaliland. Le premier concerne l’ingéniosité du peuple et des dirigeants du pays, qui ont su adapter la démocratie multipartite occidentale à la démocratie consensuelle traditionnelle, discursive et clanique, que l’anthropologue britannique Ioan Lewis a passionnément qualifiée de « démocratie pastorale » ; les deux autres explications sont liées au contexte politique dans lequel le Somaliland évolue depuis 1991, notamment sa quête incessante de reconnaissance internationale.
Adaptation locale et contextualisation
Le débat reste ouvert quant à savoir si la démocratie, telle qu’elle est comprise dans son acception occidentale, est universelle ou si elle prend des formes différentes en fonction des valeurs et des normes culturelles relativement distinctes de chaque société. Dans son article très lu, intitulé « La démocratie comme valeur universelle », le célèbre économiste égyptien Amartya Sen (1999) conçoit la démocratie comme une valeur universelle. Selon lui, la démocratie, telle qu’elle est comprise dans la conception libérale occidentale, est une valeur universelle qui peut s’enraciner dans n’importe quelle culture.
D’autres, cependant, ont contesté l’affirmation de Sen. Claude Ake (1993), éminent politologue nigérian, souligne la nécessité d’un modèle unique de démocratie africaine bien ancré dans les réalités socioculturelles du continent. Selon lui, la démocratie libérale de type occidental, qui accorde une importance prépondérante aux intérêts et aux droits individuels, « n’a guère de sens en Afrique ». Une démocratie fonctionnelle en Afrique doit être conciliée avec le caractère communautaire de la société africaine.
Les deux séries d’arguments ont eu des implications complexes pour les processus de transition démocratique en Afrique. L’argument de l’universalité tend à imposer un modèle libéral occidental de démocratie comme un modèle universel applicable à tous, tandis que l’argument de la spécificité culturelle détrône certaines de nos hypothèses fondamentales sur la démocratie au nom d’une adaptation culturelle. Au Somaliland, cependant, les faits montrent que l’application pratique de la forme occidentale de la démocratie multipartite dans le contexte plus large des réalités socioculturelles somaliennes a été un facteur majeur de succès (Kibble & Walls, 2009). Bien qu’il reste incertain que ce système soit suffisamment solide pour répondre aux problèmes et défis futurs, l’intégration du système démocratique multipartite moderne dans le contexte général des valeurs traditionnelles de la société somalienne, malgré une tension inhérente entre les deux, a été une source de succès et de force pour la démocratie émergente du Somaliland.
Bien sûr, l’introduction du multipartisme, après une décennie de règne fondé sur un partage du pouvoir entre clans, visait à s’éloigner de la politique clanique existante. Dans la pratique, cependant, celle-ci a continué d’exercer une influence significative sur la démocratie multipartite nouvellement introduite dans le pays (Kibble & Walls, 2009, p. 3). Les partis politiques étaient et sont toujours identifiés aux clans et aux coalitions dépendant de leur soutien moral et financier. Les dirigeants des partis n’exerçaient que peu de contrôle sur la nomination des candidats ; ceux-ci étaient proposés par les clans ou devaient être approuvés par ces derniers.
Au milieu de tout cela, la démocratie multipartite fonctionnait plutôt bien. Chaque fois qu’elle se heurtait aux pratiques politiques traditionnelles des clans et aux perceptions de l’équilibre des pouvoirs, elle était réajustée. Les désaccords sur l’inscription des électeurs et l’opposition populaire au système de liste fermée, par exemple, étaient en partie dus au fait que ces deux éléments contredisaient les pratiques locales profondément enracinées de la politique clanique. Bien que la plupart des experts électoraux s’accordent sur la nécessité d’un enregistrement des électeurs précis, transparent et fiable pour des élections représentatives, crédibles et pacifiques (Interpeace & APD, 2015, p. 12), toutes les élections du Somaliland, à l’exception d’une seule (l’élection présidentielle de 2010), ont été organisées sans registre électoral. Un enregistrement clair et précis des électeurs était considéré comme une menace potentielle pour les perceptions traditionnelles de l’équilibre des pouvoirs. Le système de liste fermée, utilisé lors des élections de district de 2002, a dû être abandonné au profit d’une liste ouverte en 2012 en raison d’un tollé général contre ce système. Le système de liste fermée a été vivement contesté, car en renforçant le pouvoir des partis politiques, il sapait le pouvoir traditionnel des clans.
En résumé, le nouveau système multipartite introduit au Somaliland a bien fonctionné parce qu’il s’est adapté de manière pragmatique aux structures sociales, aux principes et aux normes sous-jacents de la société somalilandaise. Cependant, ce n’est pas seulement l’adaptation au contexte qui a permis le bon fonctionnement de la démocratie. Les valeurs et les normes propres à la société du Somaliland ont également joué un rôle déterminant dans le fonctionnement de la démocratie multipartite. Cela a été particulièrement le cas avec la culture de médiation, de négociation et de résolution pacifique des conflits du Somaliland.
Le Somaliland semble toujours au bord d’un conflit violent à l’approche des élections qui sont souvent accompagnées de tensions accrues, de désaccords et de retards fréquents. Cependant, toutes ces tensions et ces désaccords ont, à de nombreuses reprises, été résolus grâce à l’intervention des anciens et à la tradition de négociation et de médiation du pays. Cette culture a permis de sortir des impasses politiques, de prévenir la violence électorale et de garantir le bon déroulement du processus électoral.
Le contexte non électoral : politique de reconnaissance/non-reconnaissance
Dans son article sur l’impact du contexte non électoral sur la transition démocratique, Kjetil Tronvoll, l’un des doyens des études électorales en Éthiopie, soutient que, bien qu’ils soient souvent « négligés dans les études sur la démocratisation », le contexte non électoral et les événements clés qui se déroulent entre les élections ont une incidence significative sur la nature des transitions démocratiques. Tronvoll examine le conflit énigmatique entre l’Éthiopie et l’Érythrée (1998-2000) et la manière dont il a ouvert la voie à l’une des élections les plus contestées de l’histoire politique de l’Éthiopie après 1991. Selon lui, les divisions et les fractures internes qui ont éclaté au sein du parti au pouvoir après la fin de la guerre en 2001 ont conduit à l’affaiblissement du parti à l’intérieur et à la perte de sa légitimité à l’extérieur. En revanche, la résurgence du pan-éthiopianisme liée au déclenchement de la guerre a renforcé la popularité des partis politiques d’opposition défendant l’éthiopianisme par rapport au parti au pouvoir qui pratiquait une démocratie fondée sur l’ethnicité.
L’analyse de Tronvoll met en lumière l’effet des politiques et des événements non électoraux sur la qualité et l’intégrité des élections. Selon lui, pour bien comprendre le rôle des élections dans la transition démocratique, il faut des « descriptions denses » qui ne se limitent pas aux formalités électorales, mais qui prennent également en compte les contextes et les événements non électoraux. Cela représente toutefois une tâche ardue pour l’analyste, et trouver un équilibre entre les études sur les formalités électorales et l’analyse des facteurs contextuels reste un défi majeur pour la recherche sur la démocratisation (Tronvoll, 2009, p. 450).
L’analyse de Tronvoll s’applique tout particulièrement au Somaliland. Le contexte politique dans lequel le pays évolue depuis 1991, notamment sa quête incessante de reconnaissance internationale, a fortement influencé le pays à se démocratiser. La transition du système traditionnel des beels vers une démocratie multipartite a été considérée comme une stratégie pour obtenir cette reconnaissance. Beaucoup au Somaliland pensent que la transition démocratique du pays finira par convaincre la communauté internationale de reconnaître le Somaliland comme un État indépendant (Walls & Healy, 2010, p. 2). Cependant, ce n’est pas seulement la recherche de la reconnaissance qui a ouvert la voie à la démocratisation, mais aussi l’absence de reconnaissance. Bien qu’elle ait privé le pays des ressources financières et techniques indispensables (dont bénéficient souvent d’autres sociétés sortant d’un conflit), l’absence de reconnaissance internationale a donné au Somaliland l’occasion de mener un processus autonome de consolidation de la paix, de construction de l’État et de démocratisation. Elle a donné aux Somalilandais la latitude pour expérimenter leur propre État hybride, à leur manière et avec leurs propres ressources locales. De plus, en tant que programme national qui préoccupe les Somalilandais depuis plus d’un quart de siècle, la quête de la reconnaissance internationale a permis de maintenir l’unité nationale, contribuant ainsi à la paix du pays.
Cependant, la dépendance du processus de démocratisation du Somaliland à l’égard de la recherche de reconnaissance ou de l’absence de reconnaissance du pays soulève certaines inquiétudes quant à sa durabilité. Premièrement, le fait de considérer la démocratisation comme un moyen d’obtenir la reconnaissance internationale implique que le processus démocratique du Somaliland est destiné à l’étranger et non à répondre aux besoins démocratiques des Somalilandais. Deuxièmement, on craint que, si la reconnaissance finit par être obtenue, cela entraîne une dé-démocratisation, compromettant l’unité, la paix et la stabilité dont le pays a joui pendant des années.
Un engagement fort en faveur de la démocratie
Au cœur de l’intégrité électorale se trouvent des élections authentiques qui offrent aux électeurs la possibilité d’une participation politique significative (ACE, 1998). Des élections authentiques exigent un engagement de la part de l’élite politique et du public en faveur d’élections libres et équitables. Malheureusement, cet engagement n’existe pas dans de nombreux pays d’Afrique. Gyimah-Boadi (2015, p. 101), dans son analyse des principaux défis de la démocratisation en Afrique, note que le déclin de l’engagement démocratique parmi les élites est un facteur majeur responsable du ralentissement des progrès démocratiques sur le continent. Malgré le désir profond et généralisé d’une gouvernance démocratique de la part du grand public, l’engagement des élites africaines est resté ambigu (Gyimah-Boadi, 2015, p. 110).
Les élites du Somaliland semblent généralement s’écarter de cette tradition. En effet, l’un des principaux facteurs ayant permis l’instauration d’un gouvernement démocratique au Somaliland est l’engagement du peuple et des élites politiques en faveur d’un Somaliland démocratique. Aussi bien le peuple que les élites politiques ont « démontré » un engagement fort en faveur de la démocratie constitutionnelle (Abokor et al., 2005, p. 8). Cela est illustré par le dévouement du gouvernement du Somaliland à financer les élections, en particulier l’élection présidentielle, que la communauté internationale hésitait à soutenir en raison des difficultés du pays à obtenir une reconnaissance internationale. De plus, la détermination des élites politiques, toutes tendances confondues, à résoudre pacifiquement les conflits issus d’élections très disputées témoigne également de leur engagement en faveur de la gouvernance démocratique et de la transition pacifique du pouvoir politique.
Sans surprise, la quête de reconnaissance du pays constitue un facteur déterminant de l’engagement démocratique des élites et de la population. Le Somaliland espère gagner le cœur et l’esprit de la communauté internationale en démontrant ses qualités démocratiques. La démocratisation et l’instauration d’un régime constitutionnel sont censées faciliter les chances d’obtenir une reconnaissance internationale.
Des leçons pour les autres pays de la région ?
Après avoir organisé cinq élections multipartites successives et compétitives, largement qualifiées de libres et équitables, le Somaliland s’est imposé comme une démocratie électorale remarquable dans la Corne de l’Afrique au cours des quinze dernières années. Cette remarquable réussite a été rendue possible grâce à l’ingéniosité de la population somalienne, qui a su intégrer le modèle occidental de démocratie multipartite aux réalités sociostructurelles du pays et aux facteurs contextuels qui ont nécessité sa transformation démocratique. Cette dernière était perçue comme un instrument pour améliorer les chances du Somaliland d’être reconnu internationalement.
Les réalisations démocratiques du Somaliland sont donc ancrées dans les facteurs structurels et conjoncturels distincts du pays, laissant peu de chances de réplication. Néanmoins, sa trajectoire offre d’importants enseignements pour d’autres pays de la région et d’Afrique. Ces progrès démocratiques témoignent avant tout du fait que des élections démocratiques ont plus de chances d’avoir lieu lorsque les élites politiques sont engagées en faveur de la démocratie. À défaut, les élections resteraient de simples exercices de relations publiques. De plus, l’expérience relativement réussie du Somaliland prouve que la démocratie multipartite de type occidental a peut-être peu de chances de fonctionner correctement si elle n’est pas adaptée aux réalités socioculturelles de l’Afrique. Conformément à l’argument des spécificités culturelles, la trajectoire démocratique du Somaliland nous enseigne que la démocratie multipartite en Afrique pourrait devoir s’adapter aux réalités socioculturelles sous-jacentes pour fonctionner efficacement.
Notes
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MLA
Minale, Kalewongel. "Décrypter la singularité démocratique du Somaliland dans la Corne de l’Afrique." Global Africa, no. 11, 2025, pp. 53-68. doi.org/10.57832/8t5r-tp94
DOI
https://doi.org/10.57832/8t5r-tp94
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