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Analyses critiques

Terre-Mère : trace discursive d’une émancipation écologique au Nord et au Sud ?

Karine Collette

Professeure agrégée, linguiste

Université Sherbrooke, Canada

karine.Collette@usherbrooke.ca


Ibrahima Ba

Enseignant-chercheur, linguiste

Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Sénégal

ibrahima107.ba@ucad.edu.sn

numéro :

Savoirs protecteurs, savoir protéger

Protective Knowledges, The Wisdom to Protect

Maarifa ya kinga, kujua
jinsi ya kulinda

معارف وقائيّة، ومعرفة وسائل الوقاية

GAJ numéro 02 première.jpg.jpg

Publié le :

20 juin 2025

ISSN : 

3020-0458

10.2025

À son paroxysme, le système occidental, basé sur une économie décomplexée, orchestrée par la technique et les injonctions pragmatiques d’efficience et de rentabilité, rompt avec les assises socio-culturelles d’un humanisme, au moins théorique, enclin à soutenir une culture du vivant. Face à cet anéantissement culturel et écologique, des discours attribués à l'autochtonie et ceux de la pensée décoloniale semblent converger par un décentrement ou un détachement épistémique, et nourrir de concert l'émergence ou la ré-émergence de notions faisant office de résistance politique et discursive, voire de bougés, ici envisagés comme traces de réappropriation socioculturelle voire sociopolitique d’un sentiment écologique. Nous questionnons cette dynamique à partir du concept de Terre-Mère, envisagé dans une perspective anthropo-discursive essentiellement soutenue par les concepts de la théorie du discours social, et illustrant certaines variations et contiguïtés Nord-Sud.


Mots-clés

Terre-Mère, Afrique-Mère, décolonialité, approche anthropo-discursive, écologie, discours social

Plan de l'article

Introduction


La décolonialité pensée par des Africains : du détachement épistémique à l’Afrotopos


La Terre-Mère, une saillance du contre-discours écologiste aux résonances autochtones

La Terre-Mère, résonances multiples dans la dynamique formulaire

La Terre-Mère : héritage culturel socio-économiquement reconstruit ?

La Terre-Mère : portée politique dans l’univers idéologique dominant


Les imaginaires africains sources de quelques concepts identitaires et écologistes

Interrelation Terre-Mère et Afrique-Mère pour une renaissance Africaine

La Terre-Mère, facteur de détachement épistémique pour l’Afrique

La Terre-Mère une alchimie culturelle et écologique

  • La Terre-Mère dans sa forme cultuelle et écologique

  • La Terre-Mère sous l’angle littéraire

L’Afrique-Monde : reconsidération épistémique par l’Afrique et pour le Monde


Conclusion

Introduction

Par le retour à l’écriture dans sa langue maternelle, l’écrivain kenyan Ngugi Wa Thiong’o (2011 [1986]) s’émancipe de l’emprise cognitive imposée par la culture coloniale. Il montre que la langue, le langage de nos origines, agit comme vecteur de réappropriation de notre culture, comme espace de décolonisation de l’esprit et donc d’expression possible de notre rapport authentique au vivant, à la terre où nous habitons. C’est dans la langue que s’intègrent les arguments d’une pensée frontalière[1] culturelle et politique avec une vision décoloniale.
À l’image de l’écrivain, nous entendrons par « décolonisation des esprits », les traces perceptibles en acte et spécifiquement ancrées en discours, qui permettent et marquent l’émancipation de la pensée au regard des idéologies exercées contre une vision écologique du vivant, et culturellement exprimée.
De fait, les idéologies coercitives en question (capitalisme et néolibéralisme) se sont imposées par la destruction des
(...) rapports sociaux indigènes et [d] les formes d’organisations sociales et culturelles qu’ils [les peuples colonisés] avaient engendrées. Ceux-ci et celles-ci sont, malgré une grande diversité de formes, centrés sur une logique communautaire agraire, pastorale ou encore forestière, dans laquelle prédomine la propriété collective du groupe familial et/ou de la tribu et/ou du clan, etc. Le critère central des choix sociaux est la reproduction du groupe, avec en conséquence une logique d’autosuffisance alimentaire et une cohérence avec les équilibres de l’écosystème naturel. C’est la nécessité de détruire entièrement cette réalité précoloniale, pour permettre la généralisation des rapports capitalistes, qui explique la violence coloniale. (Bouamama, 2019, p. 8)
Nous emprunterons à Felwine Sarr (2016) la notion d’extraversion[2] par laquelle il décrit la situation économique et culturelle des pays colonisés, et nous l’étendrons aux cultures économiques des pays occidentaux, lesquelles ne représentent pas, à notre sens, un système moins « extraversé » des conditions socio-culturelles de leur épisté[3]. En effet, le capitalisme et le néolibéralisme, en tant que machines de production bâties sur une logique nihiliste et décomplexée, rompent avec les assises socio-culturelles d’un humanisme, au moins théorique, n’en retiennent que le caractère techno-scientifique ayant accouché des injonctions pragmatiques d’efficience et de rentabilité, et produisent in fine les conditions idéologiques de notre extinction. Les maux des pays colonisateurs atteignent désormais des sommets malgré leurs positions économiques, matérielles et politiques historiquement considérées comme  enviables : le constat de la baisse de l’espérance de vie, des écarts de richesse qui se creusent, la dégradation de l’environnement, du tissu social, le surendettement, la destruction des biens communs, l’explosion des maladies mentales, les épidémies, les guerres… laissent entrevoir que les systèmes socio-économiques des dominants nuisent à une part grandissante de leur population, et que nous ne savons même plus ramener l’ordre démocratique nécessaire au débat sur les priorités du vivant dans nos  contextes dits de crises, à répétition.
L’impérialisme économique a arraché aux pays colonisés par le capitalisme leurs capacités à entretenir leurs traditions, leurs appartenances sociales, leurs modes anciens de gouvernance et de protection contre une vision à sens unique qui piétine en même temps les frontières physiques des territoires culturels. Pour Bruno Latour, « être moderne, par définition, c’est projeter partout sur les autres le conflit du Local contre le Global, de l’archaïque contre le futur, dont les modernes, cela va de soi, n’ont que faire » (2017, p. 42). Ainsi, le lieu d’atterrissage (c’est-à-dire l’orientation politique) serait représenté par « l’attracteur terrestre », considérant la terre, comme un acteur à part entière de la réflexion politique, où les « luttes de classes sociales », désormais « luttes géo-sociales » ont besoin de redéfinir leurs intérêts communs. Cette vision politique questionne la survie des écosystèmes écologiques et des cultures dans un cadre global soumis à l’influence du capitalisme qui dirige le monde par une obsession développementiste fondée sur des hégémonies communicationnelle (Dean, 2009), attentionnelle (Citton, 2014), mentale (Franck, 2013), cybernétique (Ouellet, 2009) et de surveillance (Zuboff, 2022). Ces hégémonies de la standardisation du monde déconstruisent les spécificités sociopolitiques, économiques et culturelles des pays colonisés par le capitalisme, et les poussent à penser en termes de différence, d’infériorité et de supériorité dans une langue étrangère qui assimile et aliène. Des thèses contre l’impérialisme cognitif eurocentrique ont été développées comme la géopolitique de la connaissance et l’inscription de lieux d’énonciation différents (Mignolo, 2001). Ces tendances se multiplient dans les pays colonisés, tout comme on se familiarise au Nord à la mobilisation face à l’urgence sociale et climatique ainsi qu’avec des modes de vie alternatifs (du moins du point de vue de l’information circulant et d’expériences communautaires). 
Nous posons donc que les luttes au Nord et au Sud, qui défendent une représentation holistique du vivant, à savoir une écologie politique culturellement ancrée, se heurtent à une emprise idéologique diffuse, sous les formes palpables du capitalisme et/ou du néolibéralisme, et qu’ainsi, nos dynamiques d’oppositions ou de résistances discursives mériteraient d’être observées de concert afin de mieux documenter l’actualisation géo-sociale des luttes contre le capitalisme et ses dérives.
Pour ce faire, nous adoptons une disposition anthropo-discursive, à l’écoute de saillances et de (ré)émergences d’éléments discursifs marqués par leurs raisonnances (raisonnements, gnoséologies[4]) et résonances aux discours du vivant : des formes interdiscursives[5], des idéologèmes[6], des composantes doxiques, des styles, des topiques, des univers de discours potentiellement déjà relevés dans des pratiques et rituels documentés par l’ethnographie et permettant de considérer des bougés[7] (Angenot, 2006) dans le discours dominant ; des traces discursives présentées ou interprétées comme des signes de réappropriation socioculturelle voire sociopolitique d’un sentiment écologique. 
Ainsi, nous illustrerons la saillance discursive Terre-Mère qui, en Afrique et au Québec, manifeste la reprise, en territoire discursif, d’une perspective endogène d’écologie politique au sens large (touchant les domaines de la santé, de l’environnement, la spiritualité, la socialité).  Ses traces soutiennent à nos yeux un double rapport, de dissociation au regard de l’idéologie dominante d’une part, et d’association à des sources culturellement légitimées (autochtones ou étrangères) d’autre part. D’un côté, la dissociation implicite ou explicite de l’idéologie capitaliste et néolibérale dominante, notamment par le détachement épistémique opéré par le mouvement décolonial ou par l’évocation d’intentions, d’objectifs, de valeurs et de manières de faire et de voir le monde, radicalement distincts, voire opposés aux logiques capitalistes et néolibérales ; d’un autre côté, le retissage historique et social au local, aux cultures ethniques ou autochtones.

 

La décolonialité pensée par des Africains : du détachement épistémique à l’Afrotopos

Le concept de décolonialité est officiellement né avec la conférence de Bandung en 1955. À partir de cette date, vingt-neuf pays africains et asiatiques se liguent pour se libérer du capitalisme et du communisme, mais des écrivains engagés, comme Frantz Fanon (1952 ; 1961) et Stanislas Spero Adotevi (1972) avaient préparé le terrain pour libérer le nègre du complexe d’infériorité à l’égard du blanc, tout en fustigeant l’injustice que représente la colonisation.
Frantz Fanon, dans Peau noire masques blancs (1952) et Les Damnés de la terre (1961), développe même une épistémologie frontalière, la sociogenèse[8] d’un être qui existe où il pense, dans un environnement pluri-versel, qui fixe une politique de la connaissance ancrée dans le corps et les histoires locales (Mignolo, 2015). Fanon lutte contre l’aliénation et le racisme en appelant les peuples noirs (haïtiens, martiniquais) à la valorisation de leur ethnie et de leur culture. Stanislas Spero Adotevi (1972), dans la même veine, appelle à une rupture avec le capitalisme et le néocolonialisme.
Ngugi Wa Thiong’o (2011 [1986]), conçoit la décolonialité de la pensée nègre comme une lutte contre l’impérialisme cognitif de l’Occident qui, en vulgarisant sa langue, impose son idéologie culturelle, économique et politique. Pour lui, « contrôler la culture d’un peuple, c’est contrôler la représentation qu’il se fait de lui-même et de son rapport aux autres » (1986, p. 38). Inversement, il définit la décolonialité comme une déprise de l’assimilation face à l’interdit de la race, de la langue, et face à la supériorité.  Comme Wa Thiongo d’ailleurs, Enrique Dussel (1999) perçoit dans la décolonialité une émancipation intellectuelle qui s’oppose à l’impérialisme cognitif eurocentrique. Mignolo (2015) définit cette émancipation intellectuelle comme un détachement épistémique[9] ou la qualifie de désobéissance épistémique.
Cette nouvelle génération de penseurs africains décoloniaux va s’imposer vers les années 1990, offrant une vision plus ouverte et plus reluisante de l’Afrique. Achille Mbembé (2005), Felwine Sarr (2015), Alain Mabanckou (2017) s’attellent à construire l’Afrique comme le continent où se joue le devenir du monde par la culture, l’économie et l’écologie. Pour Achille Mbembe (2005), la décolonialité doit être perçue sous l’angle de l’afropolitanisme : une sensibilité culturelle, historique et esthétique qui vient de l’ici et de l’ailleurs, la présence dans l’ici et vice-versa. Mbembé s'oriente vers une vision écologique du vivant et du terrestre. Felwine Sarr (2016) « déthéorise » et « rethéorise » la décolonialité comme une utopie africaine qui augure un monde où le vivant et le terrestre s’échappent de l’apocalypse. Il nomme « afrotopos » cette utopie du monde envisagée par des possibles plus vastes que ne le laisse entrevoir le réel. L’afrotopia est une « utopie active [qui] se donne pour tâche de débusquer dans le réel africain les vastes espaces du possible et de les féconder » (Boukari-Yabara, 2016, p. 150). À l’instar de Dussel (1999), Felwine Sarr (2015) développe la thèse de l’interaction économique et culturelle, où les fondements culturels des choix économiques sont essentiels pour apprécier la « valeur » des choses. Les ressources permettant de reconstruire la vérité à travers et par les territoires colonisés passent par la reconstruction des traces de la décolonialité à travers l’oralité des traditions africaines qui touchent aux problèmes de l’heure comme l’écologie, la santé, l’économie, l’éducation, la religion, le patrimoine culturel exproprié.

 

La Terre-Mère, une saillance du contre-discours écologiste aux résonances autochtones

Tout comme l’Afrotopos guide la réhabilitation des fondements culturels africains, nous observons la notion de Terre-Mère comme une topique autochtone ré-émergente en occident, un symbole discursif d’une rupture épistémique à l’œuvre ou du moins une trace de concurrence discursive (Collette, 2007) engagée contre une idéologie rompue au fétichisme du matériel. Elle apparaît également comme trace d’un bougé discursif inscrit dans une quête de spiritualité tournée vers des croyances et des pratiques à connotations primitives. 
Pour l’Amérindien, la première mère, c’est la Terre. Procréatrice de la vie, source de toutes les formes de vie, la Terre-Mère incarne la fertilité, la fécondité, effet d’une union avec le Ciel-Père. C’est elle qui provoque dans le ventre des femmes l’éclosion des fœtus. (Rodolphe Gagnon, lettres amérindiennes cité in Languirand & Proulx, 2009, p. 27
Concept issu des représentations autochtones de la terre féconde, nourricière, généreuse, accueillante, protectrice, curative, hospitalière, abritant les multiples espèces végétales et animales, la Terre-Mère comporte une dimension spirituelle en ce qu’elle incarne la puissance d’être au monde et l’esthétique inestimable des éléments terrestres, tels les dons de nourriture, de plantes médicinales, l’eau, etc. 
Nécessaire à la vie même des peuples, la Terre-Mère est constitutive de notre subjectivité et, comme telle, ne peut nous appartenir : ce sont inversement les humains qui lui appartiennent et acquièrent, en ce sens, la responsabilité d’en prendre soin. Étendard de la représentation holistique du monde par les peuples autochtones, notamment dans leurs discours de défense et de protection des territoires, la Terre-Mère a aussi plus largement pénétré le langage commun, comme assise conceptuelle associée à la culture et aux revendications écologistes autochtones, dans la presse standard. 

La Terre-Mère, résonances multiples dans la dynamique formulaire

Nous observerons brièvement les horizons interprétatifs proposés par cette formule, entendue comme « ensemble de formulations qui, du fait de leurs emplois à un moment donné et dans un espace public donné, cristallisent des enjeux politiques et sociaux que ces expressions contribuent dans le même temps à construire » (Krieg-Planque, 2009, p. 7).
Tout d’abord, la popularité de l’expression et la lutte environnementale (« lutte aux changements climatiques » dans le langage commun) semblent coïncider, tant dans les discours publics autochtones, dans ceux qui les rapportent mais encore dans les discours d’intellectuels voire les discours officiels (ONU). Le concept de Terre-Mère dépasse largement l’univers de discours d’où il est issu : il surgit même, par exemple, comme toponyme, Terre-Mère matérialisée et délimitée physiquement, bien en-deçà, voire contrairement à ses traits sémantiques originels (notamment en termes de propriété privée). Plus éloigné encore, le lemme Terre-Mère se voit aussi repris comme marque de produits dits durables, comme intitulé de séminaire de retraite ou de formation, etc., ce qui signifie que les effets de mode, même contradictoires aux héritages discursifs, ne sont pas négligeables, en particulier dans leur rapport à l’avènement des mouvements New Age[10] et de conscientisation des limites de l’anthropocène[11]
La formule, au sens de Krieg-Planque (2009), fonctionne dans un événement discursif comme un passage obligé, l’impossibilité de ne pas en parler (notion constitutive du sentiment d’écologie dans la lutte aux changements climatiques), tout comme elle peut receler des éléments de sens contradictoires (désigner un lieu circonscrit, une propriété, faire l’objet de transactions commerciales), selon les emplois et les formations discursives, ou encore apparaître dans des formulations variables. Il semble également raisonnable d’associer la formule Terre-Mère au surgissement déjà documenté de la dénommée Gaïa dans les discours francophones occidentaux. Gaïa, d’abord promue par les mouvements New Age, est devenue une hypothèse, puis une théorie scientifique défendant l’interdépendance des composantes du système Terre dans une perspective d’équilibre, d’homéostasie, et impliquant, selon certaines croyances, une sacralité de toute forme de vie (Chartier, 2016). Les qualités associées à Gaïa recouvrent celles attribuées à la Terre-Mère, tout comme les égards à son endroit : sacralité vouée au vivant, imposant respect et gratitude. Il nous semble ainsi également raisonnable de considérer la proximité sémantique de Terre-Mère et Gaïa au titre de sèmes interchangeables, mais les occurrences observées nous inciteraient à privilégier Terre-Mère au Québec, en contexte socio-politique, corrélée à l’usage consenti dans le discours (traduit) des peuples autochtones d’ici, alors que Gaïa semble plutôt relever de pratiques spirituelles héritées du New Age.

La Terre-Mère : héritage culturel socio-économiquement reconstruit ?

Des entités conceptuelles ont vu le jour, dotées d’une grande puissance idéologique par-delà les différences tribales : ainsi, Mother Earth, la Terre Mère, n’est plus l’apanage des sociétés d’agriculteurs soucieuses de vénérer une divinité féminine matricielle, source de la fertilité agraire. Ce concept connaît aujourd’hui une diffusion incontrôlable et s’est même installé jusque dans les tribus où la terre n’a jamais fait l’objet d’une vénération particulière. Ainsi, à travers les variantes actuelles du Nouvel Âge - selon l’expression en cours aujourd’hui au Québec -, chez des chasseurs algonquins, qui sont avant tout « des gens du bois » … (Galinier & Molinié, 2006, p. 23)
La prudence à l’égard d’une conception essentialisante nous invite ici à considérer certaines connaissances anthropologiques de la mémoire et de la revivification des pratiques spirituelles autochtones influentes. La quête de spiritualité des Nord-Américains rencontre ainsi, au Sud, l’émergence d’un groupe culturellement marqué par la réinvention de ses propres racines, croyances et rituels, les néo-Indiens, prenant parfois les atours de « marchands de tradition », ou encore considérés comme trichant avec la réécriture de scénarios de rituels étudiés scientifiquement. Il existe donc une culture de la réinvention des traditions, mêlant des logiques identitaires contradictoires qui embrassent le destin de la totalité du monde dans un élan de reconstruction de passés glorieux, revendiquant des identités perdues tout en recourant aux technologies et à l’inscription de promesses d’harmonie et d’un avenir radieux, dans les logiques de marché (notamment touristiques). « Les néo-Indiens adorent une Terre Mère cosmique et bienveillante, fort différente de la divinité avide de sacrifices humains que vénèrent les Indiens de l’Altiplano andin ou du Mexique, et extensible même aux peuples de chasseurs-cueilleurs qui ne sauraient pratiquer un culte agraire. C’est ainsi qu’une ethnogenèse bouillonnante et débordante de vitalité est en train de faire irruption, sur les décombres de la colonisation. Derrière le chœur pathétique des enfants meurtris de l’histoire indienne commence la joyeuse sarabande des néo-Indiens. Dans les rencontres institutionnelles entre « les deux mondes », les néo-Indiens font irruption, brouillant les pistes des nations du Nord qui entendaient dialoguer avec celles du Sud et qui trouvent souvent à leur place des transnationales de l’indianité. Celles-ci s’expriment dans la langue de leurs tribus et constituent des nouvelles ethnies fondées sur les réseaux d’internet ». (Galinier & Molinié, 2006, p. 10)
Poussée par le désir de reconnaissance identitaire et culturelle, « (…) L’exacerbation du local, de l’authentique, de l’autochtonie a pour autre face la recherche frénétique d’affinités électives avec tous ces mouvements mettant en avant des thèmes tels que l’harmonie du monde et des concepts comme celui d’énergie cosmique ». C’est dire qu’à défaut de filiation originelle, ou en tension avec les prétendues sources, les mouvances valorisant l’expression du local, de l’autochtonie, comme valeurs d’authenticité spirituelle voire de vérité, et affichant des apparences de détachement du fétichisme matériel occidental construisent des espaces de convergence idéologique via l’emploi formulaire de concepts tel que Terre-Mère. Ainsi le voit-on poindre dans une topographie inattendue (en raison de ses arrangements et de sa transversalité inter-doxiques, de ses ajustements à la modernité, etc.), par rapport aux affiliations représentationnelles qui le liaient préférentiellement aux origines ethniques. À l’inverse du « phénomène de la fausse nouveauté » Angenot (1984, p. 41), le concept Terre-Mère est ici plutôt remis en jeu sur le marché des discours comme phénomène recyclé et exagérément (voire faussement) attribué à l’historicité.

 

La Terre-Mère : portée politique dans l’univers idéologique dominant

En dernière instance, mais non la moindre, il convient d’aborder la dimension politique du lemme, qui rapproche, cette fois-ci, la Terre-Mère de l’acception politique de la Pachamama sud-américaine. En effet, dans les années 2000, le mouvement des autochtones mexicains, boliviens etc. réussit à faire entendre et reprendre leur conception culturelle de la défense des territoires dans les discours du représentant de l’ONU, au point que fut déclarée le 22 avril journée internationale de la Terre-Mère, aujourd’hui célébrée par de grands rassemblements annuels. Reste que le titre communément véhiculé de ces célébrations est « Journée internationale de la terre », comme si les sèmes du maternel, de l’originel et du spirituel, inhérents à la conception du rapport à la Terre porté par les peuples autochtones, peinaient à traverser les frontières d’un rassemblement interculturel et politique. Du reste, il convient de rappeler que, dans les années 2010, après la reconnaissance des droits des peuples autochtones par l’ONU, une initiative a été lancée pour établir une Déclaration universelle des droits de la Terre-Mère. Si elle fut effectivement votée en Bolivie en 2011, elle n’aboutit pas dans l’enceinte de l’ONU (Morin, 2013). 
On observe alors assez clairement ici une limite, résolument politique, du passage d’une formation discursive à une autre, et de l’acceptation transculturelle de la notion (considérée) autochtone Terre-Mère. L’égalité prônée entre toutes les composantes de l’écosystème induit en effet un changement de paradigme fondamental dans la culture capitaliste coloniale puisqu’il s’agit de rompre avec l’idée même de nature opposée à la culture et disponible pour l’extraction, l’exploitation de ses ressources (Descola, 2011). Rompre donc avec l’idée de suprématie des humains sur toutes les autres composantes du système interdépendant. Autant dire que la remise en question du système de production-consommation se heurte autant à ses propres valeurs qu’à l’inertie et à la complexité du système. La volonté politique de transformation est manifestement en cause et transparaît dans cette résistance à la pénétration interdiscursive du sème spirituel politisé. D’ailleurs, les revendications des Autochtones concernant la protection du territoire sont rarement entendues ; les exemples sont légion au Québec, où les gouvernements passent outre l’obligation de concerter les peuples autochtones et de prendre en considération leurs avis préalablement à l’exploitation de ressources sur leurs territoires. Leurs droits politiques et légaux sont régulièrement bafoués, comme si la portée politique des conceptions culturellement ancrées de notre rapport au monde n’était pas prise au sérieux, voire comme si ces conceptions étaient reléguées dans le champ anthropologique des croyances et du folklore. Outre les conséquences majeures sur nos chances de survie en lien avec notre capacité à changer de paradigme socio-économique, la dérive de folklorisation du discours autochtone semble attenante à la crédibilité politique qui lui est refusée. Et de fait, à une échelle plus populaire, l’idée de Terre-Mère, nous l’avons vu, circule sans résistance dans le champ de la spiritualité : au contraire même, on la retrouve évoquée, gratifiée, invoquée dans les discours liés aux pratiques de méditation et de soins inspirés des croyances New Age, des cultures autochtones ou autres pratiques plus éloignées culturellement.
La contribution conceptuelle des peuples autochtones à la reconnaissance et à la protection de la Terre-Mère, dans une perspective de justice sociale et environnementale, permet d’instiller l’idée d’une possibilité de transformation sociétale (disruption), par l’instauration d’une politique du vivant. En revanche, la résistance opérée à la réception de ce concept, via le réductionnisme sémantique (croyances, folklorisation) et par conséquent, la neutralisation de ses implications dans le champ du politique, indique une coupure cognitive (Angenot, 2006) dommageable : l’incompréhension ou le refus de la portée sémantique spirituelle et politique (associées) du concept de Terre-Mère enraye le processus démocratique concernant le virage paradigmatique à entreprendre. Il apparaît donc qu’en dépit de sa contribution intellectuelle, l’épistémè culturelle locale ne soit pas discursivement considérée parmi les projections politiques sur les avenirs possibles. À l’encontre de l’écologie politique voire des principes mêmes de la démocratie , cette posture discursive confine (encore), en substance, au (néo-)colonialisme épistémique.

 

Les imaginaires africains sources de quelques concepts identitaires et écologistes

Nous cherchons à rendre compte de la dynamique de construction et d’évolution du sens des concepts Terre-Mère, Afrique-Mère, et Afrique-Monde dans un contexte d’altérité discursive entre l’occident impérialiste et l’Afrique en éveil civilisationnel, économique et écologique. Ces concepts représentent des traces discursives qui participent de la déconstruction de « l’insularité épistémique » occidentale. Nous verrons d’abord comment les concepts Afrique-Mère, Terre-Mère relevant des imaginaires socioculturels africains contribuent à un décentrement épistémique de l’espace originel de l’homme, de la reconsidération de la civilisation africaine et de sa localisation. Nous montrerons ensuite en quoi le concept Afrique-Monde suscite dans les discours écologiques des réflexions sur le devenir de l’humain et de la terre qui interpellent le monde humain dans sa globalité.

Interrelation Terre-Mère et Afrique-Mère pour une renaissance Africaine

Par une approche internaliste qui cherche à reconstruire l’histoire de l’Afrique, la métaphore du « berceau » dans « l’Afrique berceau de l’humanité » indique un début de complicité entre l’Homme et la Terre sur la terre africaine mais également la dénégation de la thèse impérialiste car tous les continents sont des Terres-Mères, mais l’Afrique est présentée comme le « berceau de l’humanité ». En effet, la première humanité, c’est-à-dire les tous premiers Homo sapiens étaient des « négroïdes » (Diop, 1967). Cette découverte scientifique a créé des bougés notoires dans les espaces scientifiques et politiques africains et noirs de la diaspora. Ainsi une nouvelle vision bâtie sur un discours existentialiste et essentialiste sur l’Afrique apparaît : la Renaissance africaine. Cette nouvelle vision fonctionne par une écriture africaine et afrodiasporique avec comme thèmes le retour en soi, les sources identitaires en Afrique, par l’Afrique et pour l’Afrique, l’appel à la sublimation de la « race » noire. Le tout se construira grâce à des discours marquants une histoire, un psychique et une géographie unique sur l’Afrique.
L’afrocentricité est un paradigme philosophique qui met l’accent sur la centralité et la capacité de l’Africain à prendre le contrôle de son histoire et de sa culture. C’est ainsi que les afrocentristes expriment clairement une vision anti-hégémonique. Cette vision questionne les idées épistémologiques profondément enracinées dans l’expérience culturelle européenne, qu’on applique aux Africains ou à d’autres peuples, comme s’il s’agissait de principes universels. (Asante, 2013, p. 7)
Ainsi, la Renaissance africaine constitue un commun vouloir de vivre par la race et dans l’espace autre que celui qu’on impose aux noirs et cela passe par un changement de paradigme discursif, par un nouveau narratif épistémique et culturel qui ne saurait être dissocié du concept Afrique-Mère dont la résonance a valeur de slogan. Ce concept n’est en fait qu’une sorte de réappropriation du concept de Terre-Mère par un effet de glissement géographique et culturel. Elle a une valeur focalisante et valorisante tant elle détermine l’espace de représentation des preuves et des sources de la Renaissance africaine, c’est-à-dire l’Afrique comme espace originel de vie humaine. Afrique-Mère a vu son champ sémantique s’élargir : pays natal (Césaire, 1956), royaume d’enfance (Senghor, 1945), Our Land (Langston, 1926), etc. Ce concept est devenu un cri de guerre contre le racisme, la xénophobie, la domination coloniale et l’oubli lucide de la première civilisation. Langston Hugues (1926), figure de proue de la Renaissance nègre aux États-Unis, présente de façon allusive et dépréciative la civilisation occidentale et soutient la fierté du Nègre pour un retour aux sources. Dans ce même ordre, Frantz Fanon, dans Peau noire masques blancs (1952) et Les Damnés de la terre (1961), lutte contre l’humiliation, l’aliénation ou le complexe d’infériorité des noirs au profit de la fierté de la race. Afrique-Mère est aussi un slogan politique, pareil à un chant à l’unisson, à une invite des gouvernements africains à une réflexion sur l’avenir politique de l’Afrique dans un cadre communautaire établi sur les frontières de l’Afrique qui tient compte de la diaspora noire baptisée par les chefs d’État comme la 6e région du continent. Elle est aussi un cri de révolte contre la démarche opportuniste et spoliatrice des ressources du continent : « Nous sommes africains, et nos territoires ne sauraient être une partie de la France » (Dia, 2015, p. 114). L'Afrique refuse d’être jugée sous le regard et les discours paternalistes de l’Occident, et elle défend son statut de continent épris de valeurs de civilisation.
Cette bataille idéelle se joue également sur son territoire, le concept Terre-Mère est aussi très usité dans les discours écologiques des mouvements sociaux au Sénégal, source d’une multiplication de slogans dans les « masses vertes », tels « la terre ne se vend pas, elle ne se loue pas elle est prêtée ou donnée gratuitement », « la terre est un legs des ancêtres », « la terre ne se dispute pas ». Ces revendications éco-développementales se lisent dans les slogans des nouveaux défenseurs de la terre au Sénégal : « Aar luň bokk » (protégeons ce que nous avons en commun). On note également une revendication, un principe du Front pour une Révolution Anti impérialiste Populaire et Panafricaine (FRAPP) : « Doomi reew moy tabax reew » (le développement d’un pays doit être l’œuvre de son peuple souverain). Selon nous, la jeunesse s’inspire de plus en plus du modèle d’éco-développement de la confrérie mouride « ňak Jariiñoo » (c’est la sueur qui paie) et « Jëf Jël » (on récolte ce que l’on sème).

La Terre-Mère, facteur de détachement épistémique pour l’Afrique

Les écrits des anthropologues et des ethnologues en phase avec l’universalisme de surplomb (Mbembe, 2023) ont fait table rase de la civilisation africaine en déportant l’origine de l’homme vers d’autres terres et d’autres races. Cependant des contre-discours en faveur de la civilisation africaine originelle occupent l’espace scientifique et politique. Le discours scientifique phare qui remet en question la thèse impérialiste d’une Afrique absente de la scène civilisationnelle est prononcé par Cheikh Anta Diop dans Nations Nègres et Culture (1954). Il dévoile la visée implicite et scénique de l’Occident qui n’est autre que de dominer l’Afrique culturellement et économiquement. La Terre-Mère, telle qu’il la théorise, augure une reconstruction du monde par l’Afrique et à travers l’Afrique par des pensées philosophiques et anthropologiques car « selon toute vraisemblance, les peuples africains ne sont nullement des envahisseurs venus d’un autre continent, ils sont des autochtones » (1974, p. 11). Dans les pensées de Cheikh Anta Diop, la Terre-Mère est l’Afrique, lieu originel de l’apparition de l’Homme, première terre de vie et source nourricière et féconde. La terre est réceptive, donc féminine et maternelle (Bâ 1972, p. 128). Dans les discours autochtones, la conception impérialiste de la terre appropriable se heurte à une pensée mystique de non appropriation de la terre. Pour les autochtones, il y a une fusion Terre-Homme, Animal-Homme et Terre-Ancêtre. Les discours autochtones et intellectuels africains reconfigurent les limites de la Terre-Mère. Celle-ci ne représente pas la terre physique dans sa globalité mais réduite aux frontières physiques et imaginaires du continent africain. Son existence est liée à celle de la civilisation de l’Égypte ancienne. La Terre-Mère se définit alors comme un sème spécifique et non un sème générique car ne couvrant pas la terre dans son entièreté superposable au monde mais une partie du monde considérée comme premier laboratoire d’étude de la genèse (de l’homo sapiens), de l’évolution et des phénomènes migratoires de l’homme. L’Afrique est « un vaste continent dont des morceaux de chair sont dispersés aux quatre coins du globe » (Mbembe, 2023, p. 57).

La Terre-Mère une alchimie culturelle et écologique

La Terre-Mère est également une réflexion endogène et exogène qui intéresse la survie des écosystèmes, dans la perspective d’une « éco-culture[12] » dont les fondements se trouvent dans les discours de sagesse écologique ancrés dans les sociétés secrètes africaines[13], dans les pratiques langagières des castes (pêcheurs, forgerons, griots, tisserands, éleveurs, agriculteurs). Pour ces groupes communautaires, la Terre-Mère signifie l’ordre, le spirituel, la célébration des ancêtres. Cette signifiance, d’ordre mystique et spirituelle, est conservée dans des discours herméneutiques endogènes fondés sur des codes sociaux ou/et culturels. Dans les cosmologies africaines, Nature-Homme-Ancêtre sont en interaction et en parfaite harmonie. Pour les Nuer du Soudan, la terre est la mère de tous les êtres vivants, c’est l’espace écologique où se nouent les liens entre l’homme et son espace de vie. Chez les Dogons, le mythe de la création est lié à celui de la révélation de la parole aux hommes. Amma, le Dieu créateur, « père » des créatures, veut s’unir à la Terre-Mère, figurée par l’œuf du monde composé d’un double placenta, pour engendrer des êtres destinés à promouvoir sa création. D’après la mythologie Dogon, le placenta d’Amma (Dieu) est la terre cultivée. Il y a en fait un principe de consubstantialité entre la terre et la personne humaine. Pour Achille Mbembe (2023) il y a un rapport quasi existentiel d’échange dans la mesure où la matière qu’est la Terre s’imprime en nous en même temps qu’elle accueille nos empreintes, notre mémoire et nos traces, les restes matériels de corps disparus, les corps de tous ceux et celles qui, nés de la terre, y sont retournés.
-          La Terre-Mère dans sa forme cultuelle et écologique
Nous nous intéressons ici à l’espace cultuel comme lieu de contact entre le vivant et les ancêtres, mais également de représentation des discours verticaux ou mythiques qui échappent aux non-initiés, pour appréhender une fois de plus le concept Terre-Mère. Les libations ou les offrandes et les sacrifices constituent des canaux d’activation des conversations secrètes entre les esprits et les vivants. La Terre constitue l’espace de rencontre des forces du vivant et du non vivant qui entrent en interaction. Chez les Diolas[14], au sud du Sénégal, la forêt a une valeur sacrée. C’est l’espace cultuel où interagissent mystiquement les devins, les ancêtres, les hommes initiés, lieu de représentation des épopées mythiques. Il en est de même chez les Sérères[15] où le discours symbolique et cultuel relève du pouvoir des pangool (fétiches, devins…). Le xooy, pour les pangool et les saltigui (les gardiens des savoirs sacrés ou mystiques), est l’espace de représentation des discours mystiques écologiques liés à la météorologie pour une meilleure préparation de la saison agricole avec de meilleurs rendements. Chez les Peuls, l’épopée pastorale ou agraire est l’espace de fusion de la nature, de l’homme et des forces du cosmos.
-          La Terre-Mère sous l’angle littéraire
Sur le plan littéraire, dans Weep Not, Child (1964) ou A Grain of Wheat (1967), Ngugi wa Thiong’o (1986) décrypte les liens écologiques entre les personnages et leur environnement en mettant en intrigue des pratiques de vie qui s’éprouvent à l’insu des discours impériaux. Pour Ngugi Wa Thiong’o (1986), la fusion des forces du cosmos prononcée dans une langue autochtone est un acte d’éco-poétique, un genre discursif qui développe un lien affectif entre l’autochtone et la terre, facteur de cohésion et de stabilité sociale en Afrique. Soulignons que, sur le plan politique, en Afrique du Sud, les Afrikaners accaparaient la terre. Mais depuis 1994, la création des aires de conservations transfrontalières (Belaïdi, 2016, p. 2019) a ouvert des espaces pour (re)penser les relations entre ces États et leurs populations.  La création d’aires protégées, étant conçue comme un mode de gestion des marges territoriales, transcrit les prescriptions internationales en matière de durabilité et de participation des populations locales, tout en restant du domaine d’intervention de l’État (Mbembe, 2000). Pour Belaïdi (2020), les espaces frontaliers sont un outil de justice environnementale, un objet de cohésion sociale et la preuve d’un objectif commun.
L’Afrique constitue dès lors le point de fuite de la lutte pour l’avenir de l’humanité. Achille Mbembé (2020 ; 2023), Felwine Sarr (2016), Pierre Mabanckou (2018), construisent un paradigme discursif où elle apparaît comme l’espace de la mise en spectacle de nouvelles utopies pour l’Afrique et pour le monde.

 

L’Afrique-Monde : reconsidération épistémique par l’Afrique et pour le Monde

Dans cette même veine, le concept Afrique-Monde initié par Mbembé et Sarr (2017, p. 63) positionne l’Afrique comme la base de la réflexion sur l’unité du monde. L’Afrique-Monde c’est penser et écrire l’Afrique et le monde. Ainsi, l’Afrique n’est pas une idée mais un nœud de réalités : c’est d’abord un visage de basalte, qui, à l’occident extrême, s’ouvre à toutes les mers, à tous les vents du monde. À la place d’un narratif de distanciation et de quête de rupture entre l’Afrique et l’Europe constaté dans la conception des africains sur les dénominations Terre-Mère et Afrique-Mère, la forme Afrique-Monde installe un nouveau paradigme de discours écologique qui s’appuie sur les langues étrangères et africaines et sur les traditions orales. Pour Souleymane Bachir Diagne, Afrique-Monde, cest dabord « Penser l’Afrique, penser en Afrique, c’est penser en traduction dans les langues africaines et les langues d’Afrique que sont aussi le portugais, le français ou l’anglais. C’est penser dans le va-et-vient, c’est penser de langue à langue » (Dibakana, 2018, p. 3). Il s’agit en fait de valoriser les langues africaines afin qu’elles deviennent des ressources africaines, puis de les faire connaître par le moyen de la traduction. En effet, l’histoire vraie de l’Afrique ne peut être faite qu’à partir de la tradition orale où le conte, le chant et la parole constituent un enseignement en sus du divertissement (Bâ, 1972). Il s’agit de réactualiser les héritages africains dans un contexte de modernité afin de lutter contre la solasologie (Morizot, 2019), un « mal du pays sans exil », causé par les mutations de la nature qui font qu’on ne se retrouve plus dans le paysage ou l’environnement de son enfance, car on en est carrément dépossédé.

Conclusion

Le concept à l’étude jalonne l’évolution des discours décoloniaux en Afrique et dans la diaspora noire. Terre-Mère marque la phase première, de remise en question des thèses impérialistes sur l’Afrique anhistorique. Désormais considéré comme ayant accueilli la première civilisation du monde, le continent Afrique-Mère délimite le champ de la civilisation originelle, redonne au Noir son histoire et sa dignité. Terre-Mère et Afrique-Mère marquent un repli sur soi, le retour à un enracinement dans une terre géographiquement localisée, une civilisation contestée puis réhabilitée via une nouvelle vision décoloniale, stimulant la Renaissance africaine.
Quant au concept Afrique-Monde, il replace l’Afrique au centre de toutes les préoccupations, en particulier écologiques, qui secouent le monde. C’est un appel à une valorisation des bibliothèques traditionnelles africaines, qui conservent les secrets de la cohésion entre l’homme, la terre et les ancêtres sur laquelle reposent les moyens de préservation des écosystèmes. Certes, l’Afrique s’ouvre au monde mais elle reste au centre de toutes les solutions possibles pour sauver le vivant et le terrestre malgré les discours paternalistes qui ont pendant des siècles dénaturé son image.
La saillance du concept de Terre-Mère s’inscrit donc intimement dans la dynamique décolonialiste du retour de l’Afrique à elle-même, impulsée et marquée par la libération des langues-cultures endogènes. Cette émancipation revendiquée jusqu’à l’essentialisation de l’Afrique-Monde montre un bougé éminemment politique, aux résonances non moins spirituelles. Au Nord, la portée politique du concept de Terre-Mère résonne cependant peu, hormis dans le spectre discursif des revendications territoriales autochtones, comme si l’hégémonie discursive lui autorisait presqu’exclusivement d’occuper la topique de la spiritualité, champ presque libre depuis notre détournement des religions séculaires. Faut-il alors supposer que les tensions idéologiques à l’œuvre confinent le concept à des espaces discursifs patrimoniaux ou optionnels, qu’elles tendent peut-être aussi à dissoudre les savoirs autochtones liés à la Terre-Mère dans les cadres capitalistes et néolibéraux dominants, à l’image des tendances néo-indiennes ? Les saillances africaines du concept de Terre-Mère, relevées dans les champs géopolitique, culturel, linguistique et de la spiritualité, semblent opposer une conception globale, gnoséologique, à l’esprit colonialiste et néolibéral. Le champ politique du concept de Terre-Mère trouve tout de même une proposition dans la culture dominante au Nord, sous la forme Terre-Patrie (Morin, 1993), dont le rappel resurgit aujourd’hui, prudemment assorti des considérations de genre (Pena-Vega, 2021). L’appel formulé par Morin pointe précisément l’émancipation des cadres idéologiques qui gouvernent nos sociétés (restructuration, transformation), comme passage radical mais tout aussi nécessaire à la considération pleine et entière du problème écologique et social.
Ses écrits relèvent d’une autre relation entre les humains et la nature. Il s’agit d’une lecture « multidimensionnelle » où l’histoire, l’anthropologie, l’écologie, la philosophie politique s’insèrent dans une vision plus globale, où la politique intègre l’écologie qui intègre à son tour la politique. Le concept de « terre-patrie », car il s’agit bien d’un concept, suggère de l’interdépendant, en englobant les phénomènes globaux les uns dans les autres et en abattant les barrières fictives. (Pena-Vega, 2021, p. 223)
Nous serions alors tentés d’assortir au caractère générique, plastique, sémantiquement englobant, et historiquement indéterminé du concept de Terre-Mère, ni vraiment ancien, ni vraiment nouveau, un fort potentiel de contribution aux utopies dans les discours d’à venir, autrement-dit quelque chose du novum[16] (Angenot, 2006).

Notes

[1] « La pensée frontalière est une manière d’être, de penser et de faire de la société politique globale. » (Mignolo, 2015, p. 190). « La pensée frontalière […] n’implique pas une négation de la modernité/colonialité qui, somme toute, ne peut qu’être constatée ; au contraire, elle assume la modernité/colonialité, mais se positionne depuis la différence coloniale pour la critiquer. En d’autres termes, elle cherche à montrer l’existence de différents modes de pensées, de différentes épistémologies, qui peuvent coexister dans un même espace et dans un même sujet, et, du même coup, à critiquer et désarticuler le discours hégémonique universalisant occidental. » (Beauclair, 2016, p. 30).

[2] L’extraversion est une aliénation résultant d’une imitation servile de modèles politiques élaborés selon des impératifs qui ne tiennent nullement compte des cultures locales (Voir Sarr, 2016, p. 131).

[3] Par épistémè, Foucault désigne en réalité un ensemble de rapports liant différents types de discours et correspondant à une époque historique donnée : « Ce sont tous ces phénomènes de rapports entre les sciences ou entre les différents discours scientifiques qui constituent ce que j’appelle épistémè d’une époque » (Revel, 2008, p. 45).

[4] « (…) un ensemble de règles fondamentales qui décident de la fonction cognitive des discours, qui modèlent les discours comme opérations cognitives. Cette gnoséologie correspond aux manières dont le « monde » peut être schématisé sur un support langagier (manières dont le fond est la « logique naturelle »), ces schématisations formant la précondition des jugements (de valeur, de choix). Cette gnoséologie que nous posons comme un fait de discours, indissociable de la topique, correspond à ce qui s’est appelé parfois les « structures mentales » de telle classe ou de telle époque, ou encore de façon plus floue des « pensées » (pensée sauvage, pensée animiste, pensée mythico-analogique). » (Angenot, 2006, p. 68)

[5] « Je retiens toutefois de Bakhtine l’idée d’une interaction généralisée, d’une interdiscursivité globale. Les ensembles individués, les genres et les discours ne forment pas des complexes imperméables les uns aux autres. Les énoncés ne sont pas à traiter comme des monades, mais comme des « maillons » de chaînes dialogiques ; ils ne se suffisent pas à eux-mêmes, ils sont les reflets les uns des autres, ils sont pleins d’échos et de rappels, pénétrés des visions du monde, tendances et théories de l’époque. » (Angenot, 2006, p. 16).

[6] « J’ai rebricolé dans cette perspective les notions d’intertextualité (comme circulation et transformation d’idéologèmes, de petites unités signifiantes dotées d’acceptabilité diffuse dans une doxa donnée) et d’interdiscursivité (comme interaction et influences réciproques des axiomatiques de discours). Ces notions appellent la recherche de règles ou de tendances, elles-mêmes aucunement universelles, mais susceptibles d’identifier un état donné du discours social. Elles invitent à voir comment, par exemple, certains idéologèmes prédominants en un moment donné reçoivent leur acceptabilité d’une grande capacité de mutation et de relance passant de la presse d’actualité au roman, au discours médical ou scientifique, à l’essai de « philosophie sociale » etc. » (Angenot, 2006, p. 17).

[7] « Dans le discours social, il y a aussi à percevoir (en un second temps si vous voulez) du « bougé », de l’aporétique, des déstabilisations, des incompatibilités superficielles ou bien plus radicales. Autrement dit, la contemporanéité des discours sociaux doit être perçue comme une réalité confuse et partiellement hétérogène, où s’inscrit l’histoire même des discours particuliers, leur relative autonomie, leurs traditions propres et leur rythme d’évolution. » (Angenot, 2006, p. 92).

[8] La sociogenèse est un concept introduit par Frantz Fanon qui incorpore tout : la déprise, la pensée frontalière et la désobéissance épistémologique ; la déliaison des options phylogénétiques et ontogénétiques, la dichotomie de la pensée territoriale et moderne […] La sociogenèse est contemporaine à la conscience d’être « nègre », non en raison de sa couleur de peau, mais de l’imaginaire raciste du monde colonial moderne (Mignolo, 2015, p. 186).

[9] La pensée frontalière est à la base de la désoccidentalisation et de la décolonisation (Mignolo, 2015, p. 189). La pensée frontalière, comme il a été évoqué, n’implique pas une négation de la modernité/colonialité qui, somme toute, ne peut qu’être constatée ; au contraire, la pensée frontalière assume la modernité/colonialité, mais se positionne depuis la différence coloniale pour la critiquer. En d’autres termes, elle cherche à montrer l’existence de différents modes de pensées, de différentes épistémologies qui peuvent coexister dans un même espace et dans un même sujet, et, du même coup, à critiquer et désarticuler le discours hégémonique universalisant occidental (Beauclair, 2016, p. 37).

[10] Le New Age (Nouvelle âge) est un courant spirituel occidental des XXe et XXIe siècle caractérisé par une approche individuelle et éclectique de la spiritualité.

[11] En août 2016, le Congrès international de géologie qui se tenait au Cap en Afrique du Sud a ainsi reçu la recommandation de prendre officiellement acte du commencement d’une nouvelle période géologique : l’Anthropocène. L’Anthropocène, caractérisée par l’impact majeur de l’homme sur le système terrestre, climatique, y compris les humains qui sont devenus la principale force de changement de la planète, surpassant les forces géophysiques. En d’autres termes, l’Anthropocène peut être décrit comme l’âge des humains. Dans son acception traditionnelle, il marque une rupture dans la relation unissant les hommes à la Terre, qui oblige à penser une nouvelle ère géopolitique, de la Terre, dépassant de ce fait le champ de la géologie pour entrer dans celui des sciences sociales (Gemenne, 2015, p. 233).

[12] L’éco-culture se veut adaptée aux productions vivrières et à l’élevage, pratiquée essentiellement à la main, sur de petites surfaces cultivées de manière très intense ; elle reprend et adapte des pratiques millénaires des paysans du Sud et du Nord.

[13] Les sociétés secrètes africaines sont, dans les monarchies traditionnelles africaines, des assemblées divinatoires neutres qui jouent le rôle d’intermédiaire entre les génies tutélaires et les humains. Elles représentent les gardiennes des lois, du culte et des interdits.

[14] Les Diolas représentent une communauté vivant dans le sud du Sénégal entre la Gambie et la Guinée Bissau.

[15] Les Sérères vivent au centre du Sénégal dans les régions de Fatick et de Kaolack.

[16] « (…) distinguer l’émergence occasionnelle d’un novum authentique, d’actes indiscutables de rupture, du processus courant décrit ci-dessus par lequel les « débats » publics s’acharnent en confirmant par la bande une topique, des valeurs, des intérêts, des tactiques discursives communs aux antagonistes ; par lequel l’originalité, cognitive, exégétique ou stylistique, ne se pose et ne prend de valeur que par l’hommage implicite qu’elle rend aux manières de voir et aux manières de dire qui sont déjà imposées. » (Angenot, 2006, p. 88)

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Pour citer l'article :

APA

Collette, K., & Ba, I. (2025). Terre-Mère : trace discursive d’une émancipation écologique au Nord et au Sud ? Global Africa, (10), pp. 308-320. https://doi.org/10.57832/t0t5-bj29 


MLA

Collette, Karine, & Ba, Ibrahima. « Terre-Mère : trace discursive d’une émancipation écologique au Nord et au Sud ? ». Global Africa, no. 10, 2025, pp. 308-320. doi.org/10.57832/t0t5-bj29 


DOI 

https://doi.org/10.57832/t0t5-bj29 


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