(Re)Découverte
À la redécouverte de Mahdi Elmandjra : Réflexions sur le Sud global, le développement, la technopolitique et la production de connaissances
Chercheur associé, Luiss Mediterranean Platform, School of Government, Luiss University, Rome
numéro :
Théoriser le présent et le futur :
Afrique, production de savoirs et enjeux globaux
Theorizing for the Present and the Future: Africa, Knowledge Creation, and Global Challenges
Makisio ya Sasa na Siku zijazo:
Afrika, Uundaji wa Maarifa na Changamoto za Ulimwengu
التنظيّر للحاضر وللمستقبل: أفريّقيّا، إنتاج المعارف والقضايّا العالميّّة
Publié le :
20-déc-23
ISSN :
3020-0458
04.2023
Mahdi Elmandjra est un pionnier des études prospectives en Afrique et dans le Sud global. Pendant plus d’un demi-siècle et sans relâche durant une longue carrière au sein d’institutions internationales, Elmandjra a été un chercheur engagé qui s’est attaqué à des questions brûlantes telles que le néocolonialisme et le postcolonialisme, la mondialisation, le développement, les valeurs, le dialogue culturel, l’éducation, etc. Cet article relit l’œuvre d’Elmandjra en l’associant à des débats d’actualité sur la place et le rôle de l’Afrique et du Sud global dans la gouvernance mondiale, la technolopolitique et la production de connaissances.
Mots-clés
Mahdi Elmandjra, Afrique, études prospectives, Sud global, production de connaissances
Plan de l'article
Introduction
Courte biographie de Mahdi Elmandjra
La réappropriation du (des) futur(s) de l’Afrique
À propos du Sud global et de la gouvernance mondiale
À propos de la technopolitique et de la production de connaissances
À propos du développement
Conclusion
Introduction
De tout temps, les humains ont été captivés par l’idée de prédire l’avenir. Pourtant, ce n’est qu’après-guerre que cette idée a pris la forme d’une discipline universitaire achevée : les études prospectives, avec un statut mondial, institutionnel et systémique (Kristóf & Nováky, 2023). Au tournant du siècle, les discussions sur le changement climatique ont constitué une véritable secousse morale, les signes déconcertants de la révolution technologique, l’accroissement exponentiel des connaissances dans un contexte de complexité élevée, ainsi que les niveaux culminants d’incertitude et d’insécurité ontologique ont tous renforcé le besoin imminent de méthodes et d’outils de prospective. Un sentiment de vertige postmoderne et liminal, dû en partie à la dématérialisation de la frontière entre la fin du présent et le commencement du futur, a encore accru l'intérêt pour cette discipline.
En 2023, la Fédération mondiale des études prospectives (WFSF), l’organisation créée pour promouvoir le développement de cette discipline, célèbre son 50e anniversaire. Au cours des cinquante dernières années, les études prospectives se sont développées en termes quantitatifs et qualitatifs, et sont passées de la « prédiction » de l’avenir (au singulier) à la « cartographie » et au « façonnage » d’avenirs alternatifs (au pluriel) (Inayatullah, 2013). Mais ces études ont été largement limitées au monde occidental – le Nord global. En Afrique, comme dans la plupart des régions du Sud, Olugbenga Adesida (1994) a écrit il y a près de vingt ans ce qui est encore vrai d’une certaine manière, que « l’avenir [était] en fait vendu en raison de préoccupations immédiates liées à la gestion des crises et l’absence de vision ».
Pour l’Afrique, qui se trouve à un moment charnière de son développement, les études prospectives sont d’une importance capitale afin d’accompagner la prise de décisions stratégiques. Pourtant, à part quelques rares exceptions, la discipline n’est pas encore établie dans les institutions académiques et de recherche du continent – une douzaine à ce jour. En effet, jusqu’au début des années 1990, l’Afrique ne disposait d’aucun centre de recherche dédié à cette discipline. À l’échelle du continent, seuls quelques exercices de réflexion prospective ont été effectués, tels le colloque de Monrovia de 1979 sur les perspectives de développement de l’Afrique à l’horizon 2000 et le Plan d’action de Lagos de 1980, principalement sous l’impulsion de visionnaires agissant de leur propre initiative ou évoluant au sein de l’Organisation des Nations unies (ONU) ou de l’Organisation de l’unité africaine (OUA).
Parmi ces visionnaires figure Mahdi Elmandjra (1933-2014), l’un des pionniers des études prospectives du Maroc, de l’Afrique voire du Sud global. Pendant plus d’un demi-siècle, et tout au long d’une carrière au sein d’institutions internationales, Elmandjra a été un chercheur engagé, assumant la responsabilité des intellectuels au sens chomskyen, puisqu’il a consacré sa vie à théoriser le changement (et l’émancipation) dans ce que l’on appelait alors le « tiers-monde ». Ses contributions ont toujours été provocantes, abordant des questions brûlantes telles que l’impérialisme et le néocolonialisme, la mondialisation, la gouvernance mondiale et la justice, les valeurs culturelles et le dialogue, le développement, l’éducation et la production de connaissances, etc. Ainsi, Elmandjra, en tant qu’entrepreneur normatif, est une porte d’entrée incontournable pour analyser la manière dont le continent fabrique son destin dans un ordre mondial en mutation.
Courte biographie de Mahdi Elmandjra
Mahdi Elmandjra a commencé sa carrière dans les années 1950 dans la fonction publique au Maroc, avant de rejoindre l’ONU – un système dont il deviendra plus tard un critique acerbe – où il a occupé de hautes fonctions de 1961 à 1981, notamment au sein de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) et du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD)[1]. Il a été l’un des premiers présidents de la WFSF (1977-1981), puis de Futuribles International (1981-1990), centre de recherche majeur au niveau mondial consacré à la prospective. Il a également été le président fondateur de l’Association marocaine de prospective et de l’Organisation marocaine des droits de l’homme, et a siégé au conseil d’administration de diverses organisations marocaines, africaines et internationales, dont l’Académie du Royaume du Maroc, l’Académie mondiale des arts et des sciences, l’Académie mondiale de la prospective sociale, l’Académie africaine des sciences, le mouvement Pugwash et la Société pour le développement international.
Elmandjra a beaucoup écrit, que ce soit de longs essais ou de courts articles de journaux ou de revues, et plusieurs de ses publications ont été traduites dans différentes langues. Parmi ses nombreuses publications figurent les ouvrages suivants[2] : Le système des Nations unies (1973), Pas de limites à l’apprentissage (rapport du Club de Rome) (1979), Repenser l’avenir : un manuel d’études prospectives pour les planificateurs africains (préparé pour le PNUD) (1986), L’Islam et l’avenir (1990), La première guerre de civilisation (1991), Rétrospective de l’avenir (1992), La diversité culturelle, clé de la survie (1995), La décolonisation culturelle : le défi du 21e siècle (1996), La régionalisation de la mondialisation (1999), Humiliation à l’ère du méga-impérialisme (2003), Le dialogue de la communication (2005), La valeur des valeurs (2006).
Elmandjra a reçu plusieurs distinctions et prix, notamment le prix Curzon de littérature française de l’université Cornell (1953), le prix Rockefeller pour les relations internationales de la London School of Economics (1955), l’Ordre de l’indépendance du Royaume de Jordanie (1959), chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres (France, 1970), la grande médaille de l’Académie française d’architecture (1984), officier de l’ordre des Arts et des Lettres (France, 1985), l’ordre impérial du Soleil levant (III) (Japon, 1986), la médaille de la Paix de l’Académie internationale Albert Einstein (1991), et le prix de la Fédération mondiale des études sur la prospective (1995).
La réappropriation du (des) futur(s) de l’Afrique
Elmandjra a été l’une des premières voix à remettre en question les fondations épistémiques des études prospectives en tant qu’elles incarnent une « entité monolithique dirigée par des intérêts occidentaux » (Slaughter, 1996). Son activisme a été particulièrement important pour soutenir la WFSF, sous les auspices du PNUD, dans la promotion de « futurs africains construits par les Africains » (Cole, 1994). Mais c’est surtout grâce à son rapport L’opportunité et la faisabilité de l'institut supérieur africain d'analyse et d'étude de prospective des politiques du secteur public, publié en 1980, que les dirigeants africains et les institutions académiques ont commencé à s’ouvrir à la discipline (Rezrazi, 2023). Eleonora Barbieri Masini (1998), figure de proue des études prospectives, a elle-même rendu hommage à Elmandjra pour ses efforts exceptionnels dans la diffusion des méthodes de prospective en Afrique.
Tout au long des années 1980, Elmandjra s’est employé à encourager les initiatives africaines en matière d’études prospectives, comme il l’a fait dans Reconquérir le futur : manuel d’études prospectives à l’usage des planificateurs africains pour le compte du PNUD. Il a également été l’un des premiers universitaires africains à tirer la sonnette d’alarme sur les dommages que les projets d’études prospectives menés par des non-Africains pourraient causer à la conscience africaine et à l’élaboration des politiques. Pour se réapproprier leur avenir, Elmandjra pensait que les Africains devaient mener le débat sur leur futur (Adesida, 1994). Le panafricanisme avait également sa place dans la réflexion prospective de ce pionnier (1984, p. 575). C’est en ce sens qu’il a déclaré :
Bien que chaque pays africain développe et affine progressivement ses mécanismes d’études prospectives, certains exercices n’ont de sens et ne sont réalisables qu’aux niveaux régional et continental et ne peuvent être pleinement appréhendés au niveau national. Des problèmes tels que ceux de l’autosuffisance alimentaire, des soins de santé primaires, de la recherche scientifique et technologique, de la formation de la main-d’œuvre, du développement rural, du commerce intra-africain et international, de l’énergie, de la désertification, de l’industrialisation, des transports et de la communication, de l’identité culturelle – pour ne citer que quelques exemples – exigent une approche unifiée et un calendrier différent de celui des opérations de planification nationale.
Militant contre l’injustice épistémique, avec un penchant réaliste, Elmandjra (1984, p. 576-577) considère que puisque « aucune science – dure ou molle – n’est neutre, les études prospectives ne peuvent jamais être dénuées de valeurs »[3]. Cela signifie que les Africains qui se lancent dans des études prospectives doivent « redécouvrir leur passé par leurs propres yeux et libérer leur présent par l’affirmation de leur identité culturelle », avant de pouvoir tenter de se réapproprier leur avenir. Pour lui, la raison en est la suivante :
Nous avons plusieurs exemples de ce qui peut arriver lorsque les Africains ne prennent pas en main l’examen de leur avenir. [Par exemple, le rapport Berg de la Banque mondiale de 1981 intitulé Accelerated Development in Sub-Saharan Africa] était l’antithèse même du Plan d’action de Lagos de l’OUA et de la vision unanime de 50 chefs d’État africains sur l’avenir de leur continent. D’où le problème urgent de la décolonisation des futurs africains. C’est aussi une question d’éthique, [car] on a le droit de prévoir l’avenir des autres sans la consultation ou le consentement de ceux qui sont directement concernés.
L’identité, les valeurs et la mémoire (collective) sont au cœur de la réflexion prospective d’Elmandjra. Il n’est donc pas surprenant que Samuel Huntington, dans son célèbre ouvrage The Clash of Civilizations (1996, pp. 39, 246), le considère comme le futurologue qui a découvert l’histoire mondiale non pas comme un processus, mais comme un choc constant des civilisations, en attirant l’attention sur la recrudescence des fault line wars[4] (Benkirane, 2002). Dans ce contexte de guerres de civilisation, Elmandjra a prévu l’avènement de la post-vérité en inventant le terme « mensongecratie », ou « la gouvernance par le mensonge », il a souligné le risque d’instrumentalisation des médias et de l’explosion informationnelle dans le renforcement des dynamiques (néo)coloniales et de domination. Se méfiant de (l’idée de) l’Occident, ce « bloc » civilisationnel qui l’a accueilli pendant des décennies mais dont il est resté critique, Elmandjra a critiqué à plusieurs reprises la façon dont les pays occidentaux étalent pompeusement et au grand jour leur suprématie, et l’impact que cela a sur la mémoire (collective) de ceux qui ont subi cette domination. À cet égard, comme le souligne Zhor Gourram (2019, pp. 64-66), « Elmandjra ne se contente pas de valoriser théoriquement la mémoire, il écrit cette mémoire et lui donne une voix », à travers ses réflexions originales sur le passé, mais aussi à travers des redécouvertes de savants, scientifiques et artistes marocains et africains décédés auxquels il rend hommage dans ses livres. Pour lui, il n’y a pas d’avancée sans retour en arrière.
D’un point de vue méthodologique, comme le souligne Yahya El Yehyaoui (2016), Elmandjra a conçu les études prospectives « non pas [comme] un champ vertical autonome, mais plutôt comme une discipline académique "latérale" qui imprègne tous les autres champs existants ». En ce sens, il a été l’un des premiers promoteurs d’une méthode interdisciplinaire et holistique dans les études sur le futur, qui ne se limite pas à une série d’indicateurs économiques ou sociaux spécifiques. Cette approche se reflète également dans l’aventure de ses derniers textes au-delà du numérique, vers des réflexions plus philosophiques, directes et critiques[5].
À propos du Sud global et de la gouvernance mondiale
La confrontation des textes d’Elmandjra avec les débats contemporains nous amène à parler des récits et des méta-catégories de la politique mondiale. Tout au long de ses textes, Elmandjra s’est présenté comme un citoyen du tiers-monde qui écrit sur le tiers-monde, pour le tiers-monde. Après la fin de la guerre froide, alors que la terminologie « tiers-monde » commençait à perdre de sa pertinence et qu’une identité « sudiste » se développait, les textes d’Elmandjra ont également été adaptés pour se concentrer sur le fossé/dialogue Nord-Sud et sur le statut de la coopération Sud-Sud. Il considérait cette dernière comme la seule et unique voie pour « une décolonisation pacifique de l’avenir » (1983, p. 51-53), soulignant que :
On ne peut guère s’attendre à des progrès dans les relations Sud-Sud tant que le Sud – individuellement et collectivement – ne tentera pas de se libérer de l’hégémonisme des schémas de pensée et des systèmes de valeurs du Nord. Cela serait également très sain pour un Nord qui est pratiquement inconscient du degré de son ethnocentrisme. […] La plupart des discussions sur la coopération Sud-Sud tentent de trouver des solutions pour renforcer les liens horizontaux, sans s’interroger sérieusement sur l’environnement du système à adapter. L’objectif est généralement d’"adapter" le système ou de le "réformer" progressivement. Aussi utile que soit cette approche d’un point de vue tactique, elle ne peut mener nulle part si elle ne s’inscrit pas dans une stratégie plus globale, tournée vers l’avenir, qui vise non seulement à adapter le système, mais aussi à le transformer en temps voulu. De telles stratégies ne peuvent être générées que par des visions, des rêves et des réactions à une oppression insupportable. […] Le Sud a besoin de sa propre vision du monde. Il ne peut pas se permettre de continuer à emprunter celle du Nord. Il y a un Nord, mais y a-t-il un Sud sur la scène internationale aujourd’hui ?
L’optimisme d’Elmandjra quant à la coopération Sud-Sud n’a pas tenu compte de l’hétérogénéité des trajectoires de croissance économique du Sud : ces évolutions se sont produites principalement après son exclusion et sa réclusion, liées à la maladie et la censure. Aujourd’hui encore, il existe peu d’études sur ce qu’est réellement le Sud global et sur la manière dont l’hétérogénéité politique et économique pourrait avoir un impact sur l’avenir de l’identité du Sud – si tant est qu’il y en ait une singulière. Néanmoins, Elmandjra était conscient du fait que « les pays et les sociétés de l’Asie du Sud-Est, en plus de la Chine et du Japon, avaient une "vision" [indépendante de celle des puissances occidentales hégémoniques] », qui nous manque, à nous Africains, et qui a causé « une profonde crise de confiance » entre nos citoyens et nos institutions (Elmandjra, 1999a, pp. 54-56), et rendant le Sud pris entre diverses luttes internes (Elmandjra, 1999a, p. 102).
Le problème de cette substitution lexicale (du « tiers monde » par le « Sud global ») est son incapacité à rendre compte des façons complexes dont la mondialisation a remis en question la notion de deux sphères géographiques et économiques distinctes – et des mutations majeures dans les relations centre-périphérie au niveau mondial (Hannerz, 2015). Dans une telle phase, des questions émergent comme celle de savoir qui doit être admis dans le Sud global, et sous quelles conditions. Par exemple, bien qu’elle soit historiquement extérieure au tiers-monde, la Chine a construit un récit qui la présente comme « un membre naturel du Sud global », un groupe qu’elle considère comme contestant « l’hégémonie occidentale »[6]. De telles affirmations ne tiennent pas compte du fait que, malgré l’héritage du tiers-mondisme dans la formation d’une identité Sud global, ce dernier n’est pas le synonyme du tiers-monde de l’après-guerre froide. Tous deux [le Sud global et le tiers-monde] ont mené une lutte « commune » contre l’impérialisme, le colonialisme et l’hégémonisme. Pourtant, leurs voies de développement et leur statut sont différents à bien des égards, ce qui implique différents niveaux de responsabilité dans les cadres internationaux – en ce qui concerne les principes anciens tels que la solidarité et les principes récents tels que la réparation climatique (connue sous le terme « pertes et dommages »). Vu sous cet angle, le « Sud global » – tout comme le « Nord global » – est une méta-catégorie qui a une valeur normative croissante, car se rapprocher du « centre » implique une plus grande responsabilité ; un dilemme auquel le « tiers monde » n’a pas été confronté, puisqu’il était censé « se situer » à la « périphérie ».
Il y a vingt ans, Elmandjra a prévu l’arrivée du moment critique actuel, caractérisé par un changement d’attitude à l’égard de la mondialisation, fondé sur la conviction que ses effets sont à la fois inégaux et très déséquilibrés. Par conséquent, s’il était encore parmi nous, Elmandjra aurait certainement célébré le nouveau paradoxe de la mondialisation, à savoir que le consensus sur le libre-échange n’est plus rentable pour les pays du Nord (qui se replient maintenant sur de nouvelles formes de protectionnisme, ce qui complique davantage la compréhension du fonctionnement futur des marchés mondiaux). Il aurait probablement aussi célébré la façon dont l’Organisation mondiale du commerce (OMC) parle ouvertement d’une démondialisation, et comment la direction de l’organisation déclare la nature liminale actuelle notre position à la « croisée des chemins », plaidant pour une « remondialisation » après une décennie de « ralentissement de la mondialisation » (Organisation mondiale du commerce, 2023).
Pourtant, je me demande ce qu’il aurait pensé des nouvelles hiérarchies au sein même du Sud global, semi-institutionnalisées par des groupements tels que les BRICS[7]. Elmandjra préconisait une méthode à double sens pour ceux qui se trouvent à la périphérie – s’établir au centre, tout en s’engageant à la périphérie. N'était-ce pas un peu naïf ? Les économies émergentes du Sud utilisent-elles réellement leur statut de puissance « montante » pour défendre la cause de la solidarité du Sud ? N’y a-t-il pas un risque d’instrumentalisation de l’identité du Sud – et pas seulement par les pays du Nord ?
À l’ère du multi-alignement et des partenariats non exclusifs, la dichotomie Nord-Sud s’effiloche de manière complexe, et le rôle historique des « puissances montantes » (aujourd’hui souvent associées au BRICS) prend de nouvelles significations, à mesure que la rivalité grandit non seulement entre ces puissances du « Sud » et celles du « Nord », mais aussi en leur sein (Gray & Gills, 2016). Ces interrogations sont une remarque à soi-même et à tous les chercheurs africains qui ressentent la responsabilité des intellectuels dans la contribution à la définition du « Sud global » et dans l’élimination du vernis rhétorique de la « solidarité du Sud » (en particulier en ce qui concerne un pays développé mais en voie de développement comme la Chine [Benoit, 2023], mais aussi le groupe plus large des BRICS+[8]). Il est peut-être temps de penser un « Nouveau Sud » : un Sud qui laisse le passé et ses griefs idéologiques derrière, sans amnésie, et ne se laisse pas instrumentaliser dans la compétition des puissances.
Toutefois, Elmandjra se serait réjoui de l’émergence de voix qui s’opposent à la marchandisation et à l’occidentalisation des valeurs culturelles, et qui protestent contre les politiques de peur, d’humiliation et d’intimidation. En ce sens, il est une sorte de Gramscien mondialiste ; il proteste contre l’hégémonie culturelle non seulement de l’État national, mais aussi des pays capitalistes du Nord global qui maintiennent leur pouvoir en contrôlant la culture. Comme Antonio Gramsci, Elmandjra espère également que la société civile (du Sud) mènera cette « guerre de position ». Elmandjra a également adopté un ethos poststructuraliste à travers son appel à la nécessité d’une « dé- et remondialisation » (Elmandjra, 1999b). Cet ethos, évocateur, est à l’origine de son surnom de « héraut des souffrances du monde » (Al Jazeera Documentary, 2017).
Il était plus un altermondialiste qu’un antimondialiste. La mondialisation, en principe, était la clé du projet de sa vie, qui consistait à promouvoir la communication culturelle. Cependant, ce contre quoi il protestait était la « prise de contrôle sémantique frauduleuse » par laquelle un tel « mot puissant dont le sens originel est plein de générosité, de tolérance et d’amour universel des autres [est] complètement transformé pour atteindre l’exact opposé » (Elmandjra, 1999b). Par conséquent, selon ses termes, la « démondialisation » est un concept critique et réfléchi de la mondialisation, un mécanisme d’autodéfense légitime contre l’appropriation abusive d’une « mondialisation » dans laquelle « ce qui est mondialisé […] est la pauvreté, l’injustice sociale, la corruption, l’aliénation culturelle, les limitations de la liberté et des droits civils ». Même sceptique quant à l’hypothèse d’une démocratisation induite par la mondialisation, et quant au rôle que jouent l’identité nationale et les entreprises multinationales dans cette équation, son analyse (Elmandjra, 1999b) s’est rapprochée de ce que Dani Rodrik a appelé plus tard le trilemme politique de l’économie mondiale, soulignant un retour de bâton contre la mondialisation.
À propos de la technopolitique et de la production de connaissances
Il y a plusieurs décennies, Elmandjra a prédit à juste titre que des monopoles de la connaissance étaient en train de se constituer, faisant valoir qu’ils seraient directement liés aux droits de propriété intellectuelle et aux marchés mondiaux des licences, et que les barrières qu’ils créent participent aux efforts déployés par le Sud pour entrer dans la course technologique. En fait, il a été l’une des premières voix au sein du système des Nations unies à soutenir l’approche de la science et de l’innovation ouvertes, qui n’avait pas encore de nom à l’époque (Elmandjra, 1975) :
La réticence des pays avancés à partager et à mettre à disposition une partie de leur savoir-faire technologique [est particulièrement regrettable à deux titres : en termes de développement économique, [mais aussi pour] la libre circulation des idées. […] La connaissance devrait être à la disposition de toute l’humanité sans limitation d’aucune sorte [sauf en ce qui concerne les] droits de ceux qui l’ont produite ou qui détiennent les brevets [qui doivent être] indemnisés de manière appropriée. […] Mais ce qui se passe actuellement, c’est que le prix de ces brevets est généralement exorbitant et déraisonnable. Il s’agit souvent d’une forme de monopole. Dans différents domaines, il existe des monopoles purs et simples. À mon avis, les monopoles, quels qu’ils soient, sont toujours un obstacle au développement et au bien-être des êtres humains.
Elmandjra était encore plus perplexe face aux effets de la singularité technologique, par laquelle le fossé Nord-Sud se creusait plus rapidement que les efforts de rattrapage du Sud, soulignant par exemple que (Elmandjra, 1989) :
L’informatique et la télématique ne sont pas seulement de nouvelles technologies et ne doivent pas non plus être considérées comme un luxe pour les pays les plus pauvres du monde ; ce sont eux qui en ont le plus besoin pour faire le saut quantique qu’ils ne pourront jamais réaliser avec les seules technologies "appropriées" ou "adaptées", ces dernières pouvant même devenir une cause de retard.
Grâce à son expérience acquise au sein de l’Unesco et du PNUD, Elmandjra était conscient que pour briser le cycle d’infériorité technologique, il ne fallait rien de moins qu’un modèle éducatif perturbateur, aucun transfert de technologie (sélectif tout au plus) ne pouvant jamais donner au Sud une longueur d’avance. C’est pourquoi, par l’intermédiaire du Club de Rome, Elmandjra s’est engagé depuis les années 1970 dans des discussions sur la manière de placer l’être humain au centre de la réflexion sur l’avenir et de la réforme de l’éducation. Dans le rapport du Club No limits to learning (Elmandjra et al., 1979), Elmandjra a donc soutenu l’inclusion de voix à travers le Sud global[9], soulignant la nécessité de se réapproprier les systèmes éducatifs et de les adapter aux contextes culturels, tout en réexaminant toutes les connaissances endogènes rejetées par le colonialisme. A travers ce rapport, Elmandjra a adressé une critique particulièrement sévère à l’égard de l’éducation coloniale :
Les écoles à prédominance française et britannique qui existent dans toute l’Afrique et l’Asie [sont une] réminiscence d’une époque antérieure. Dans leurs pays d’origine, les systèmes éducatifs ont subi des changements au fil des ans ; dans les pays d’accueil, ces systèmes ont été conservés intacts à tel point que de nombreux pays se retrouvent aujourd’hui avec un système scolaire de type rétrospectif dont la perspective commence au dix-neuvième siècle. Les pays d’accueil semblent chroniquement accuser un retard d’au moins une ou deux réformes par rapport aux anciennes puissances coloniales.
Dans de nombreuses situations coloniales, la scolarisation à l’étranger a été privilégiée par les classes supérieures comme alternative aux écoles publiques inadaptées. Ces écoles internationales sont donc devenues centrales dans la formation d’une (identité d’) élite à l’époque coloniale et postcoloniale. Mais en même temps, cela a conduit à une extériorité de l’élite, à une discontinuité du système éducatif et, pour ceux qui ne s’intègrent pas dans le système, à une fuite coûteuse du capital humain – une situation qu’Elmandjra avait connue au lycée Lyautey, un lycée français de Casablanca, et qu’il a décrite à plusieurs reprises de manière négative, comme un « formatage ». Comme beaucoup d’autres publications d’Elmandjra, le rapport du Club de Rome aborde également la question de la langue de production des connaissances et de sa sensibilité au contexte culturel. Il soulignait comment « la supériorité présumée de l’enseignement, des examens et des diplômes étrangers pour l’obtention d’un emploi – ainsi que la supériorité présumée de l’information, des médias et de la formation technique dans les superpuissances postcoloniales – a conduit à une dévaluation de l’apprentissage traditionnel et indigène, […] au détriment de l’identité culturelle et de l’intégration sociale, et contraire à une pédagogie appropriée ».
À cet égard, Elmandjra a également parlé à plusieurs reprises de l’interface entre les valeurs et la connaissance, résumée dans cette série d’interrogations : « Le savoir peut-il sauver le monde ? L’université peut-elle sauver le savoir ? Le savoir peut-il sauver les valeurs ? Les valeurs peuvent-elles sauver la valeur de la connaissance ? », qui envisage les systèmes éducatifs – en particulier les universités – comme « une force humanisante qui transcende le chauvinisme académique, le carriérisme et la technocratie » (Elmandjra, 2000, pp. 85, 92). Sur cet aspect, on ne peut qu’être sûr que, s’il était encore parmi nous, Elmandjra aurait participé – comme il l’a fait à titre personnel – au débat académique sur les épistémologies alternatives, telles que les « épistémologies du Sud » qui dénoncent des décennies, voire des siècles, d’« épistémicide » (Santos, 2014). Ces postures appellent non seulement de nouvelles méthodologies (non extractives), mais aussi de nouvelles ontologies : une remise en question fondamentale de l’éthique de la production des connaissances. Après tout, c’est sur des bases similaires qu’Elmandjra considérait la décolonisation culturelle comme un projet inachevé.
À propos du développement
L’un des principaux arguments d’Elmandjra est que la situation socio-économique insatisfaisante de l’Afrique est à la fois cause et symptôme de son incapacité à investir dans le capital humain, la production de connaissances et la technologie (Elmandjra, 1999a, p. 103). Il attribue cette situation à une combinaison de dynamiques néocoloniales soutenues par des mécanismes d’influence des créanciers multilatéraux et des partenaires bilatéraux, et à un leadership africain médiocre/corrompu. Il considère en particulier que la coopération Nord-Sud, les pièges de la dette, l’aide étrangère et les programmes de développement qui ne sont pas produits et dirigés par les Africains sont « mort-nés » (Elmandjra, 1987 ; 1988). Ainsi, Elmandjra a progressivement déplacé son attention vers la critique des Nations unies et des institutions de Bretton Woods. Il considère que les modèles de développement « dictés » par ces institutions manquent de sensibilité historique et culturelle et servent un programme d’« occidentalisation » – une position qu’il a maintenue tout au long des années, faisant de lui l’une des premières voix en faveur de la réinvention de la gouvernance mondiale ainsi que de l’architecture financière et monétaire.
Dans des textes tels que « The Africanization of Africa », Elmandjra (1986) était particulièrement attentif à la construction d’un contre-récit sur l’« exceptionnalisme » du développement de l’Afrique. Son texte dépeint une « Afrique [qui] s’oriente résolument vers un nouveau style de développement fondé sur la satisfaction de ses besoins élémentaires ». C’est également dans le contexte de cette bataille de récits qu’Elmandjra a présenté l’une des rares évaluations dissidentes du Programme d’action des Nations unies pour le redressement économique et le développement de l’Afrique (1986-1990) (PANUREDA), qu’il considérait comme insensible aux appels africains à la révision de la lourde dette extérieure du continent, à son ingérence dans les priorités économiques nationales de l’Afrique et à la dépendance Nord-Sud[10]. Au contraire, Elmandjra penchait pour la coopération interafricaine (et Sud-Sud), car il pensait que l’intégration économique régionale était l’un des seuls moyens pour sortir de l’infériorité technologique, puisqu’elle pouvait aider à partager le fardeau du processus long et coûteux de la Recherche et du Développement et à créer des marchés pour les produits locaux.
Soucieux d’approfondir sa compréhension des liens entre développement et identité et d’explorer des modèles alternatifs au modèle occidental, Elmandjra s’est tourné plus tard dans sa vie, vers l’Est, vers le pays du Soleil levant[11]. Là, Elmandjra a été décoré de l’ordre impérial du Soleil levant (1986) et a entamé un nouveau chapitre professionnel en tant que professeur d’université, avant de rejoindre un projet de recherche sur la diversité culturelle et la communication, et de devenir professeur invité à l’université de Tokyo (1998) et chercheur invité de la Société japonaise pour la promotion de la science (JSPS) à l’université de Tokyo Keizai (1999). L’expérience japonaise a exercé une grande influence sur les réflexions d’Elmandjra concernant les modèles de développement, la production de connaissances, les langues locales et les valeurs culturelles. Malgré son alignement politique sur l’Occident, ses valeurs démocratiques et sa croissance économique qui en ont fait un pays du « premier monde », le Japon était, dans son noyau civilisationnel, un cas unique. La vision du monde de la culture japonaise, qui a permis à la nation de devenir une superpuissance majeure par des moyens non militaires, et le fait que le Japon se considère comme une puissance non occidentale, lui ont permis d’entretenir des relations particulières avec les pays du tiers-monde (Sud global actuel) et ont renforcé l’attrait de l’approche japonaise, par rapport aux modèles de développement « copiés de l’Occident » en cours en Afrique.
Conclusion
Le 27 mai 2023, Rabat a accueilli un colloque sur l’état des études prospectives dans le monde (Policy Center for the New South, 2023) où Sohail Inayatullah, le premier titulaire de la chaire Unesco d’études prospectives, a commencé son discours en remerciant Mahdi Elmandjra de l’avoir invité il y a près de trois décennies – alors qu’Inayatullah était âgé d’une vingtaine d’années – à venir repenser l’avenir mondial à partir du Maroc. Cet hommage posthume montre à lui seul le rôle central qu’a joué Elmandjra en inspirant et en promouvant des voix issues de milieux non occidentaux dans les études prospectives, chacune étant imprégnée d’un ethos culturel particulier. Elmandjra doit être considéré comme le pionnier des études prospectives en Afrique, un chercheur engagé, un homme de conviction et un entrepreneur de normes qui a plaidé pour un changement dans la dynamique de la domination mondiale, pour la décolonisation culturelle et pour un système de connaissances dans lequel l’avenir est illimité et les choix infinis. Ses textes sont donc un point de référence dans un monde qui semble avoir perdu sa boussole morale. Redécouvrir Elmandjra, revenir sur ce qu’il a écrit au cours du dernier demi-siècle, constitue un point de départ pour toute réflexion sur l’avenir de l’Afrique.
Notes
[1] Sa biographie détaillée est disponible sur le site internet : https://atom.archives.unesco.org/elmandjra-mahdi
[2] Les titres ont été traduits en français.
[3] En ce qui concerne le rôle central de la normativité dans les études prospectives, Jordi Serra (2005, p. 84) écrit qu’il a été soutenu par des auteurs tels qu’Eleonora Barbieri Masini et Enric Bas et lui-même, « mais la contribution la plus forte à cet égard est celle de penseurs non occidentaux tels que Sohail Inayatullah, Ziauddin Sardar et Mahdi Elmandjra, qui ont souligné que la prospective est essentiellement une activité politique et, par conséquent, l’importance des aspects normatifs lorsqu’on travaille avec elle ».
[4] Le terme fault line wars est utilisé par Samuel Huntington pour désigner les guerres qui se déroulent entre deux ou plusieurs groupes identitaires (généralement religieux ou ethniques) issus de civilisations différentes. Dans ce type de guerres, l’enjeu est très symbolique pour au moins un des groupes impliqués, ce qui fait que ces guerres sont plus longues et plus difficiles à résoudre que les guerres conventionnelles (Huntington, 1996, pp. 252-253).
[5] C’est notamment le cas de ses ouvrages Humiliation à l’ère du méga-impérialisme (2003) et La valeur des valeurs (2006). Dans le premier, il adopte une position très critique vis-à-vis de l’échec du système des Nations unies à soutenir les trajectoires de développement des pays nouvellement indépendants, des réformes et des modèles de développement imposés par les institutions de Bretton Woods, de la brutalité du capitalisme, et de l’incapacité et de l’opportunisme des dirigeants arabes et africains. Dans le second, il s’engage dans une réflexion sur les valeurs et la société, et discute du rôle des intellectuels et des artistes dans le changement des systèmes de valeurs, ainsi que de la place de la mémoire en tant que valeur qui refuse l’amnésie.
[6] Cette autoproclamation s’est révélée audacieuse lors de l’assemblée générale des Nations unies de 2023 et lors du sommet parallèle du G77 + Chine à La Havane (le sommet du Sud). Voir par exemple Anthony (2023) et The Economist (2023).
[7] Les BRICS sont un groupe de cinq pays qui se réunissent depuis 2011 en sommets annuels : Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud.
[8] En août 2023, le 15e sommet des BRICS a vu l’élargissement du groupe à six nouveaux pays (l’Arabie saoudite, l’Argentine, l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Éthiopie et l’Iran) et le groupe s’est auto-proclamé leader du Sud global.
[9] Le rapport est le résultat d’un projet de deux ans auquel ont participé un grand nombre d’universitaires de pays du Sud : Maroc, Sri Lanka, Argentine, Ghana, Égypte, Inde, Mexique, Sénégal, etc.
[10] La critique d’Elmandjra à l’égard du PANUREDA se trouve dans Bortot (1990).
[11] Bien qu’il ait également entretenu des relations avec certains cercles intellectuels chinois, c’est le Japon qui l’intéressait le plus. En 1988, lorsque la WFSF a tenu pour la première fois sa conférence annuelle en Chine, sur le thème de l’avenir du développement, Elmandjra était l’un des trois seuls Africains à participer à ce « mouvement » qui croyait que l’essentiel de l’avenir dépendait du choix des modèles de développement et de leur impact sur les relations Nord-Sud, les deux autres étant l’Égyptien Ibrahim Helmi Abdel-Rahman et le Kényan Henry Odera Oruka.
Bibliographie
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Pour citer l'article :
APA
Skouri, A. (2023). À la redécouverte de Mahdi Elmandjra : réflexions sur le Sud global, le développement, la technopolitique et la production de connaissances. Global Africa, 4, pp. 100-112. https://doi.org/10.57832/d2kd-1d89
MLA
Skouri, Abdelkarim. « À la redécouverte de Mahdi Elmandjra : réflexions sur le Sud global, le développement, la technopolitique et la production de connaissances ». Global Africa, 4, 2023, p. 100-112. https://doi.org/10.57832/d2kd-1d89
DOI
https://doi.org/10.57832/d2kd-1d89
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