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Editorial

Avec la reconnaissance vient l'espoir

Global Africa

Le comité de rédaction est dirigé par Mame-Penda Ba, professeure de science politique à l'Université Gaston Berger

redaction@globalafricasciences.org

numéro :

Économie numérique en Afrique

Digital Economy in Africa

Uchumi wa Kidijitali Barani Afrika

الاقتصاد الرقمي في إفريقيا

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Publié le :

20 décembre 2024

ISSN : 

3020-0458

08.2024

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Plan de l'article

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Pour son dernier éditorial de l’année 2024, le comité de rédaction offre à ses lecteurs et lectrices la publication en exclusivité du Discours prononcé par le professeur Mamadou DIOUF, Président du Comité pour la Commémoration du 80e anniversaire du massacre des tirailleurs sénégalais à Thiaroye le 1er décembre 1944. Le nouveau gouvernement du Sénégal a en effet mis en place quelques mois après son arrivée au pouvoir, un comité chargé du rétablissement des faits sur ce massacre colonial de soldats africains provenant de seize (16) pays différents. La cérémonie de commémoration s’est tenue le 1er décembre 2024, sous l’égide du Président de la République du Sénégal. Le discours inaugural du professeur Mamadou Diouf, historien, au Camp militaire de Thiaroye a ouvert les célébrations pour honorer la mémoire des tirailleurs et rappeler leur rôle dans la quête permanente de dignité et de justice de l’Afrique. Cinq mesures phares ont été prises par le chef de l’État notamment « la création d’un centre de documentation et de recherche chargé de recueillir les archives, témoignages et récits, tout en soutenant la recherche et l’éducation autour de cette histoire partagée. L’histoire de Thiaroye et des Tirailleurs sera par ailleurs enseignée pour que les générations futures grandissent avec une compréhension approfondie de cet épisode de notre passé » (extraits du discours présidentiel).

Discours du président du Comité pour la commémoration du 80eme anniversaire du massacre des tirailleurs sénégalais.

 

[Salutations protocolaires]
 
L’énigme du massacre des tirailleurs à Thiaroye, le 1er décembre 1944, à l’aube, a très tôt occupé les hommes politiques, les intellectuels, et les artistes (Lamine Gueye, Léopold Sédar Senghor, Keita Fodéba), les historiens et spécialistes de littérature (Myron Echenberg, Mbaye Gueye, Cheikh Faty Fay, Armelle Mabon, feu Abdou Sow, Martin Mourre, Sabrina Parent…), les écrivains et les cinéastes (Boubacar Boris Diop, Ben Diogaye Beye, Doumbi Fakoly, Sembène Ousmane et Thierno Faty Sow et, la dernière en date, Diaka Ndiaye).
Le 1er décembre 1944, à 5h30 du matin, 1 200 hommes des troupes coloniales françaises et de la gendarmerie prennent position autour du camp militaire de Thiaroye. Les soldats, armés et prêts, sont soutenus par trois véhicules blindés et deux chars.  Dans l’enceinte de la caserne, 1 200 à 1 800 tirailleurs sénégalais ont répondu présents à l’appel des officiers.
La qualification « sénégalais » gomme la diversité de leur provenance territoriale. Ils ont été recrutés, souvent de force, dans les possessions françaises d’Afrique (AOF, AEF et Cameroun et au-delà). Ils ont été les victimes des traitements racistes associés au système colonial. Ils ont participé à la guerre sur tous les fronts, en premier lieu, le front européen.
Faits prisonniers à la suite de la débâcle de l’armée française en juin 1940, ils ont séjourné environ une année en Allemagne ; certains ont ensuite été transférés dans les "Fronts-Stalags" (des camps de travail) à l'intérieur de la France occupée. Ils y ont été contraints d'effectuer des tâches qui contribuent à l'effort de guerre allemand. À leur libération, certains poursuivent la guerre avec les soldats de la France libre, d’autres sont incorporés dans les unités de travail militaire.
Puis vient la libération (été et automne 1944). Regroupés dans des centres au centre et au sud de la France, après quatre années dans les prisons allemandes, les tirailleurs sont rapatriés en Afrique et cantonnés à Thiaroye attendant leur démobilisation et leur retour dans leurs territoires d’origine.
La revendication des tirailleurs portait sur plusieurs questions dont les plus significatives sont, les indemnités, les soldes, les primes de démobilisation et autres allocations, mais aussi les conditions du cantonnement à Thiaroye et de retour aux pays d’origine. La réponse des autorités coloniale ne s’est pas fait attendre. La violence systématique de la gouvernance coloniale reprenait ses droits.  Le paradoxe est que la célébration de la « Libération », l’emblème distinctif de la France à la fin de la guerre, signe le massacre des tirailleurs sénégalais à Thiaroye. Nul compte n’est tenu de la contribution des soldats à la libération de la France ; encore moins des valeurs et engagements citoyens, et démocratiques encouragés par la guerre. En témoignent « les mutineries » et « révoltes » qui ont secoué les troupes coloniales.
Les massacres sont récurrents dans l’histoire des empires coloniaux. Thiaroye est pourtant un moment particulier. Il advient dans le contexte de la célébration et de l’euphorie de la libération, du triomphe des animateurs de la résistance sous la conduite du Général De Gaulle. C’est précisément à ce moment de refondation alimenté par une certaine idée de la France qu’advient la répression sanglante de demandes légitimes, après avoir subi les horreurs de la captivité, des tortures et privations. Thiaroye anéantissait brutalement les rêves d’émancipation entretenus par la propagande des libérateurs de la France. La fin de la guerre, le retour de l’image prophétique d’une France qui renoue avec son récit et surtout son tournant révolutionnaire, les valeurs républicaines et le respect des droits humains laissaient les tirailleurs sénégalais et les peuples colonisés sur le bord de la route.
Dans les jours qui ont suivi le massacre, les autorités françaises ont tout fait pour dissimuler « le carnage et la tuerie » (Lamine Gueye) ; elles modifient les registres, de départ de Morlaix et d’arrivée à Dakar, du nombre de soldats présents à Thiaroye, les causes du rassemblement des tirailleurs … Un premier bilan fait état de trente-cinq (35) morts dans une "mutinerie". Le bilan officiel français dénombre 70 tirailleurs sénégalais. Les estimations les plus crédibles avancées par les historiens les chiffres de trois cents (300) à quatre cents (400) victimes.  Cette volonté délibérée de dissimulation dénoncée par les historiens, se manifeste très tôt.
Les circonstances, l’intensité des opérations répressives, le nombre de morts demeurent incertains ; certaines archives administratives et militaires sont inaccessibles, falsifiées, disparues ou incohérentes. Lever le voile sur le massacre contre les manœuvres de dissimulation de la vérité est, aujourd’hui, un impératif catégorique. Nous en appelons à une collaboration franche et entière de la France.
Le gouvernement du Sénégal a décidé de revenir sur cet évènement avec la commémoration du 80e anniversaire du massacre des tirailleurs sénégalais, à Thiaroye, le 1er décembre 1944.
Prendre l’initiative relativement à la production du récit portant sur ce moment de notre histoire, c’est retourner l’évènement à l’Afrique, en effaçant la territorialisation coloniale, et en autorisant une mise en scène mémorielle commandée par les Africains, hors des champs d’honneur français.
Certes l’ancien président français François Hollande, reconnaissait en 2014, que des balles françaises avaient tué les tirailleurs ; sa présence à Thiaroye était un acte de « réparation de l’injustice » ; que l’intervention de l’armée française était épouvantable et insupportable. Cependant, la reconnaissance de la répression sanglante dont les victimes portaient l’uniforme français semble avoir une valeur d’absolution. La France ne se grandit-elle pas par le regard lucide qu’elle porte sur son passé ? Aujourd’hui, l’ancien président Hollande s’est résolu à reconnaître « qu’il s'agissait d’un massacre à la mitrailleuse, donc c’est un massacre » (21 novembre 2024). Le président Emmanuel Macron lui a emboîté le pas il y a quelques jours, dans une lettre adressée à son homologue sénégalais, le président Bassirou Diomaye Diakhar Faye.
Le crime des tirailleurs : « un crime de désobéissance » dicté par la confusion entretenue par la métropole, entre les valeurs qui lui sont exclusivement réservées, d’une part et la gouvernance et l’arrogance impériales, d’autre part, qui ont eu un coût si terrible que ses répercussions se font encore sentir de nos jours.
En conséquence, il est indispensable de briser le silence et d’afficher, fortement, notre regard, nos commentaires et imaginations créatrices sur l’évènement. Thiaroye est pour nous, Sénégalais, l’occasion, aussi dramatique que majestueuse, d’accorder aux victimes du massacre le statut de « morts pour l’Afrique » et pour l’esprit panafricain.
L’histoire est narrée à partir de l’Afrique par Léopold Sédar Senghor dans son poème, Tyaroye (décembre 1944) et par Keïta Fodéba (1948) dans son ballet-poème, Aube Noire. (...). Les poèmes sont des vues africaines qui témoignent, selon le premier président sénégalais, de « l’Afrique éternelle, du monde à venir … du monde nouveau qui sera demain » (Senghor). C’est précisément ce monde à venir, de l’unité, de la prospérité, de la démocratie et de la diversité que nous voulons commémorer et réaliser ensemble. Cette mémoire que nous devons continuer à éprouver pour notre histoire à venir.
[….] Une vaste entreprise ; une entreprise difficile mais combien passionnante dont l’animation nécessitera des opérations permanentes, susceptibles de participer au travail historique et mémoriel pour produire des récits, des leçons civiques, culturelles et artistiques au service des communautés panafricaines. Une histoire partagée que nourrit une pédagogie pour édifier les fondations de l’intégration africaine ».
 [Remerciements divers]

Notes

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Bibliographie

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Pour citer l'article :

APA 

Global Africa. (2024). Avec la reconnaissance vient l'espoir. Global Africa, (8), pp. 6-8. https://doi.org/10.57832/p22g-fj96 


MLA 

Global Africa. "Avec la reconnaissance vient l'espoir". Global Africa, no. 8, 2023, p. 6-8. doi.org/10.57832/p22g-fj96 


DOI 

https://doi.org/10.57832/p22g-fj96 


© 2024 by author(s). This work is openly licensed via CC BY-NC 4.0

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