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Analyses critiques

Quels savoirs économiques pour informer l’action internationale pour la biodiversité ?

Questionnements épistémologiques à partir de l’exemple de la priorisation spatiale

Morgane Gonon

Doctorante, école doctorale Abies (alimentation, biologie, environnement et santé)

Université Paris-Saclay, AgroParisTech, CNRS, École des Ponts ParisTech, Cirad, EHESS, UMR Cired, Nogent-sur-Marne, France

morgane.gonon@agroparistech.fr

numéro :

Varia

Miscellaneous

Vinginevyo

متفرقات

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Publié le :

20 septembre 2025

ISSN : 

3020-0458

11.2025

La perte de biodiversité et d’habitats naturels s’accélère à l’échelle mondiale. Face à ce constat, la recherche en économie mobilise, entre autres, des outils de priorisation spatiale afin d’orienter les efforts de restauration et de conservation. Ces méthodes, fondées sur des analyses coût-bénéfice et de coût-efficacité, identifient les zones où les gains écologiques seraient maximisés pour un coût minimal. Leurs résultats privilégient mécaniquement les pays dits du Sud ou les régions considérées comme économiquement moins productives. Cet article revient sur les hypothèses qui sous-tendent ces analyses et questionne leur capacité à informer l’action écologique internationale. Trois limites principales sont développées dans cette contribution : la reproduction des inégalités économiques existantes, la réduction des causes structurelles de l’érosion de la biodiversité à des arbitrages localisés, et l’exclusion des dimensions géopolitiques et ontologiques liées à la souveraineté et à la pluralité des rapports entre sociétés et milieux. L’article dessine les contours d’un nouvel agenda de recherche en économie, plaçant la protection de la biodiversité au cœur de l’économie politique des chaînes de valeur mondiales, des dépendances financières et des enjeux de justice distributive.


Mots-clés

Analyse spatiale, biodiversité, économie internationale, coût-bénéfice, coût-efficacité

Plan de l'article

Introduction


Efficacité de la restauration écologique et écarts de richesse : quel monde est protégé ?


Les invisibles déterminants économiques de la perte de biodiversité


Complexité ontologique et géopolitique de la responsabilité écologique


Construire une économie internationale écologique dans un monde pluriel et fragmenté

Introduction

Les populations de vertébrés sauvages ont décliné de 73 % entre 1970 et 2020[1], et un million d’espèces animales et végétales sont menacées d’extinction (IPBES, 2019). Plus de 35 % des milieux humides ont disparu depuis 1970, et la destruction des habitats naturels continue de s’accélérer. En accompagnement des initiatives et cadres internationaux pour la restauration de la biodiversité[2], la recherche en économie identifie les coûts de la dégradation des terres et les bénéfices de la restauration écologique (Nkonya et al., 2016 ; Giger et al., 2018 ; Mirzabaev & Wuepper, 2023 ; Bodin et al., 2022), visant à la fois à démontrer le bien-fondé économique d’une action écologique d’ampleur et à organiser sa mise en œuvre. L’évaluation des bénéfices directs — en valeur monétaire ou biophysique — et des coûts directs de la restauration des écosystèmes entend contribuer au cadre décisionnel par l’analyse coût-bénéfice, l’analyse coût-efficacité et l’évaluation multicritères[3].
Un nombre croissant de travaux spatialisent ces analyses spatialisées afin d’informer sur la répartition géographique de l’effort de restauration de la biodiversité (figures 1 et 2). Ces analyses produisent des cartes à partir des caractéristiques écologiques et socio-économiques d’espaces géographiques variés pour prioriser efficacement les actions en faveur de l’environnement. La priorisation géographique est obtenue par la maximisation de rendements biophysiques ou de bénéfices socio-économico-écologiques[4] et par la minimisation des coûts. Cette méthode repose sur l’hypothèse d’une substituabilité, ou du moins d’une comparabilité, des actions écologiques entre les espaces géographiques, à une échelle nationale, régionale ou mondiale. Par exemple, Mirzabaev et al. publiaient en 2022 un article empirique — Economic Efficiency and Targeting of the African Great Green Wall — identifiant les zones les plus efficientes économiquement pour la restauration des écosystèmes de la Grande Muraille verte[5] (figure 1). D’autres publications ont utilisé ces méthodes à l’échelle mondiale (figure 2). En 2020, Strassburg et al. publiaient une carte du monde de sites prioritaires à restaurer en optimisant trois critères — le gain de biodiversité, l’atténuation du changement climatique et les coûts — pour l’ensemble des biomes terrestres et selon 1 200 scénarios (encadré 1 ; figure 2 a). Autre exemple, l’économiste Jonah Busch et al. publiaient en 2024 une priorisation coût-efficacité de deux techniques de restauration écologique distinctes — la régénération naturelle et les plantations d’arbres — en intégrant l’utilisation de données spatialisées sur le stockage du carbone dans les sols à l’échelle globale (figure 2 b).
Les résultats de ces analyses spatialisées présentent comme efficace la priorisation des pays dits du Sud ou des zones considérées comme moins développées économiquement pour la préservation de la biodiversité. Les données disponibles, leurs périmètres, ainsi que les hypothèses intermédiaires des analyses de priorisation spatiale (encadré 1) conduisent mécaniquement à définir une restauration coût-efficacité du vivant par la négative de la production de valeur économique. En d’autres termes, ces analyses présentent comme économiquement rationnelle la conduite d’une politique de restauration de la nature dans les régions où les gains économiques des terres sont les plus faibles.
La présente contribution entend d’abord questionner la validité de ces données et hypothèses pour informer la gouvernance des politiques écologiques internationales. La complexité à la fois des déterminants de la perte de biodiversité et des transformations à conduire pour une économie plus respectueuse du vivant appelle une autre articulation des savoirs économiques, aux besoins de la décision publique. Notre contribution discute d’abord les hypothèses et implications des analyses spatialisées suivant trois points, détaillés ci-après. Nous mettons de côté les questions de robustesse des données (Armsworth, 2014), limites majeures à l’applicabilité de ces méthodes, mais qui nous semblent découler logiquement des limites plus conceptuelles que nous listons.
D’abord les préconisations concernant les zones à préserver reconduisent les inégalités économiques entre espaces. Les données de coûts mobilisées reflètent les écarts salariaux et de production de valeur ajoutée. La maximisation des gains ou du rendement écologique conduit mécaniquement à des résultats privilégiant la mise en conservation des zones moins intégrées aux sphères économiques et à l’échange.
Deuxièmement, la définition de ce qu’est la restauration écologique, le cadre méthodologique et les données considérées n’intègrent pas les causes — notamment les déterminants économiques — de la destruction des habitats naturels. La définition des coûts et l’approche localisée des analyses spatialisées — au pixel — ne reflètent que partiellement les efforts nécessaires pour limiter la dégradation de la biodiversité, et n’intègrent pas ces efforts dans une transformation plus profonde du tissu économique et des chaînes de valeur.
Troisièmement, la prétendue positivité de ces méthodes refuse la complexité géopolitique et ontologique nécessaire pour appréhender les compromis à mettre en œuvre pour préserver le vivant non humain. La restauration ou l’usage des milieux naturels a directement trait à l’aménagement d’un territoire, prérogative de souveraineté, enjeu de luttes et espace de définition des relations entre les sociétés et leur environnement dans leur pluralité. L’analyse économique n’a pas immédiatement vocation à intégrer directement ces considérations, mais la question de son articulation avec d’autres savoirs pour informer la répartition spatiale de l’action écologique doit alors être explicitement posée. Si l’information produite par la priorisation spatiale peut sembler utile à première vue, en dépit de la non-prise en compte des contextes institutionnels et sociaux, nous défendons au contraire que les notions de coûts comme de gains ne peuvent être comprises hors du contexte dans lequel elles se déploient. Elles s’inscrivent dans une réflexion intégrée et multiscalaire sur le devenir des espaces et leur insertion dans l’économie internationale.
À partir de l’exemple des méthodes de priorisation spatiale, la présente contribution entend ouvrir un questionnement épistémologique sur la place et les limites de l’analyse technico-économique et instrumentale pour informer l’action écologique internationale. L’ampleur et la complexité des transformations systémiques à mener, l’absence de causalité simple appellent à explorer d’autres positionnements épistémiques, outils et méthodes. Cette contribution s’appuie sur les trois limites évoquées pour dessiner les contours d’un autre agenda de recherche en économie sur l’action internationale pour la sauvegarde de la biodiversité.
Figure 1 : Ratio coût/bénéfice de la restauration des terres sur les onze pays de la Grande Muraille verte.
Note de lecture : La carte présente les ratios coût/bénéfice projetés des activités futures de restauration des terres dégradées dans le Sahel entre 2001 et 2018 avec un taux d’actualisation de 10 %.
Source : Mirzabaev et al., 2022.

 

Figure 2 : Exemples d’analyses coût-bénéfice et coût-efficacité avec multicritères
Source : figure 2 a: Busch et al., 2024 ; figure 2 b : Strassburg et al., 2020.

 

Efficacité de la restauration écologique et écarts de richesse : quel monde est protégé ?

Les résultats des analyses spatialisées en coût-bénéfice et coût-efficacité priorisent systématiquement les politiques de restauration et de conservation dans les pays dits du Sud quand elles sont conduites à l’échelle mondiale (figure 2), ou dans les zones les plus pauvres quand les échelles sont plus grandes (figure 1). Quatre facteurs produisent mécaniquement ces résultats.
D’abord, les coûts comptables, c’est-à-dire les dépenses réelles engagées, sont significativement moins élevés dans les pays dits en développement que dans les pays développés (Bayraktarov, 2016), du fait notamment du différentiel de coût du travail, composante importante des coûts de mise en œuvre des projets de biodiversité (Giger et al., 2018; Su et al., 2021). Ces coûts comptables ne sont rien d’autre que les coûts de production de la restauration écologique, avec un écart salarial important entre les nations.
Ensuite, les coûts d’opportunité suivent mécaniquement la production de richesse. En reflétant la perte économique liée à la mise en œuvre d’une action écologique (encadré 1), ils sont d’autant plus élevés que l’activité est rémunératrice. En d’autres termes, dans le cas de la priorisation spatiale de la restauration écologique, les différentiels de coûts d’opportunité traduisent des écarts de productivité, et de productivité de la terre dans le cas des espaces agricoles (McAfee, 2012). À une échelle régionale ou mondiale, les gains économiques estimés des terres et du travail étant plus élevés dans les pays considérés comme plus développés, les coûts d’opportunité y sont plus élevés également. La notion de coût d’opportunité est intéressante en ce qu’elle illustre le fait qu’une protection de la biodiversité passe par le renoncement à une forme d’activité économique ; toutefois, la validité de la comparaison de ces coûts entre des espaces géographiques différents soulève d’autres questions.
Troisièmement, lorsque la restauration écologique est interprétée par les économistes comme visant l’augmentation de services écosystémiques (encadré 1), les bénéfices socio-économiques sont d’autant plus élevés que la dépendance aux services écosystémiques des populations est importante[6]. Or cette dépendance évaluée est en moyenne plus importante dans les zones considérées comme moins développées[7] (Whitehorn et al., 2019), du fait du moindre équipement en infrastructures, du rôle immédiat joué par les écosystèmes pour garantir les conditions de survivance, des principaux types d’emplois — notamment agricoles ou sylvicoles — dans les zones considérées[8].
Enfin, les gains écologiques potentiels sont plus élevés, ou au moins plus certains, dans des écosystèmes moins dégradés ou intégrés à des trames de connectivité écologique[9]. Or les écosystèmes encore « intègres » se situent principalement dans les espaces considérés comme moins développés économiquement. L’approximation de la restauration par un changement d’écosystème (encadré 1) et sa valorisation par des services écosystémiques spatialisés ou la capacité de stockage du carbone sont structurellement à l’avantage de la restauration en zones forestières. Les zones agricoles ou urbaines, pourtant soumises à érosion et génératrices de pressions, affichent un coût plus important pour un gain écologique plus incertain.
En somme, en l’état, la restauration coût-efficace du vivant est définie par la négative de la production de valeur économique, notamment par l’intermédiaire du coût d’opportunité. Mécaniquement, il est coût-efficace de sauvegarder ce qui n’a pas déjà été détruit, dans des zones peu anthropisées, en maintenant en parallèle, ou en intensifiant les zones déjà productives économiquement. Cela traduit également la difficulté de la discipline économique à saisir les formes intégrées et multiples d’usage des terres.
Les préconisations politiques que l’on peut déduire de ces résultats rejoignent celles de l’approche conservationniste de la biodiversité, également appelée half-earth (Kok, 2022) ou spared land (Kremen, 2015), « terres séparées » : la promotion de la stricte séparation des usages des terres[10]. La minimisation des coûts amène à prioriser l’intensification des zones productives et la mise en conservation ou restauration des agricultures vivrières ou familiales (McAfee, 2012). Ces résultats sont devenus recommandations dans certaines publications d’économistes (Bateman & Balmford, 2023). Cette répartition efficace reproduit, ou plutôt se construit en miroir de l’organisation spatiale de la production de valeur ajoutée. Sa logique propre renforce l’accumulation financière et entérine les inégalités économiques existantes entre espaces ou entre nations. Les coûts de mise en œuvre et d’opportunité découlent en réalité des prix de marché de la terre, du travail et des commodités, et particulièrement des commodités destinées à l’exportation ; ils reflètent non seulement les préférences, mais aussi les différentiels de pouvoir d’achat, les pouvoirs de négociation et la dépendance entre les parties (Kvangraven, 2021).
Faire advenir cette répartition efficace ou optimale encourage une rétribution de l’effort de préservation par des zones économiquement plus riches, par exemple via des marchés de compensation, des garanties ou des paiements pour services écosystémiques. La logique de séparation des espaces productifs et conservés pousse, dans sa mise en œuvre, à une mise en dépendance des espaces « restés » naturels, au versement de rente contre le développement (Karsenty, 2004). Le carbone ou la biodiversité peuvent alors être envisagés comme des commodités, virtuellement exportées[11] pour compenser — c’est-à-dire permettre et entretenir — un processus de production dans les zones déjà industrialisées[12]. Les coûts de production plus faibles d’une unité de biodiversité restaurée donnent lieu à une forme de plus-value écologique captée dans les pays à bas salaires. Dans le cas d’un marché de compensation, elle est transférée via l’échange international vers les pays davantage industrialisés. Plus généralement, le refus d’une escalade dans la destruction des biotopes conduit à figer l’existant, à figer une structure hiérarchique du développement économique en échange de garanties, nous permettant de faire l’analogie avec la rationalité de la non-prolifération[13]. Ce modèle de répartition mondiale de l’action écologique soulève des interrogations, à l’image de Guillaume Blanc (2022) se demandant : « Quel monde est protégé ? » par ces préconisations.

 

Les invisibles déterminants économiques de la perte de biodiversité

La sous-représentation des facteurs de destruction des écosystèmes naturels dans les analyses de priorisation spatiale constitue un obstacle à leur capacité à informer les politiques écologiques. Les estimations de coûts n’intègrent pas les déterminants de la dégradation écologique des habitats naturels (Spangenberg, 2007). Le coût d’opportunité — défini par la cessation d’une activité économique sur la parcelle considérée (encadré 1) — n’est pas suffisant pour rendre compte des changements transformateurs à conduire pour enrayer la perte de biodiversité, et ce, pour deux raisons : la concentration des analyses et des données à un niveau très local et l’absence de lien entre le besoin de restauration écologique et le système productif. Cette limite fait écho à l’approche conservationniste sous-jacente — la vision terre séparée ou half-earth mentionnée précédemment — dont la mise en œuvre ne nécessite pas, théoriquement, une transformation des systèmes productifs ou de consommation au-delà de l’intensification[14].
Le calcul des coûts d’opportunité est micro-économique, il véhicule l’idée que la dégradation a lieu « à la parcelle », localement, et résulte d’un arbitrage entre exploitation et protection de la terre en fonction du bénéfice perçu. Il s’agirait de renoncer à la rente de terre sur la parcelle restaurée pour améliorer l’état de la biodiversité. Les analyses spatialisées, en traitant pratiquement[15] indépendamment chaque pixel — le décrivant par un écosystème, un type de commodité ou une technique de gestion des ressources, un coût associé prédéfini (encadré 1) — ne peuvent fournir une vision dynamique ou transformative plus systématique. Les couches cartographiques réalisées ne peuvent pas tenir compte de la structure du système agricole, de sa résilience et de sa capacité à répondre aux besoins domestiques ou à l’export. Quelles structures d’emplois, quels régimes alimentaires ? Quelle inflation et quelle dépendance en cas de réduction de l’agriculture vivrière ? Les coûts d’opportunité sont une indication statique, hors de toute trajectoire de développement, sans mise en lien avec les besoins nationaux ou les vulnérabilités socio-économiques des espaces considérés.
Plusieurs travaux ont pourtant démontré la complexité des déterminants socio-économiques de l’usage des terres (Lambin & Meyfroidt, 2010 ; Meyfroidt et al., 2018) et de la perte de biodiversité (Spangenberg, 2007). Des analyses empiriques mettent par exemple en évidence les liens entre destruction des écosystèmes et chaînes de valeur mondiales et des exportations[16] (Arto et al., 2022 ; Hoang & Kanemoto, 2021 ; Mittempergher et al., 2023 ; Moran & Kanemoto, 2017 ; Pendrill et al., 2019), et distinguent les pays exportateurs nets ou importateurs nets de biodiversité (Lenzen et al., 2012). Plus précisément, l’adossement de la réussite des programmes de conservation aux modalités d’insertion dans le commerce international a été étudié, par exemple pour le Costa Rica (Jadin et al., 2016). Dans le cas des économies ouvertes et soumises à une contrainte forte sur leur balance des paiements — le cas de la plupart des pays dits en développement — les tendances des marchés internationaux influencent la production de commodités — donc l’usage des terres et la biodiversité (Althouse & Svartzman, 2022). Comme pour la transition bas-carbone, enrayer la perte de biodiversité passe par une transformation profonde des chaînes de valeur, des modèles de production et de consommation (Kok, 2022), et des institutions politiques, économiques et financières qui les structurent (Olk, 2024). La profondeur des transformations socio-économiques et institutionnelles à conduire, les conflictualités associées, semblent difficilement réductibles à une donnée de coût, même un coût économique étendu dans le cadre de l’économie du bien-être.

 

Complexité ontologique et géopolitique de la responsabilité écologique

Coordonner l’action internationale pour la biodiversité à l’échelle du globe implique des considérations « supra-économiques », parmi d’autres, ontologiques et géopolitiques. Les analyses économiques sur la priorisation efficace des zones de sauvegarde de la biodiversité reposent sur l’hypothèse que ces considérations sont de second ordre. L’efficacité est objectivée, elle détermine la meilleure répartition possible, qui sera ensuite entachée et révisée du fait de compromis politiques. Nous défendons qu’une autre articulation des savoirs économiques avec les autres savoirs, ainsi qu’avec un cadre normatif et éthique pour la protection du vivant, soit possible et souhaitable pour informer ces enjeux de gouvernance complexes.
La définition même des coûts et des gains est subordonnée à un contexte socio-économique. Leur estimation requiert une compréhension fine des liens entre les sociétés et leur environnement, puis dans une réflexion intégrée, dynamique et multiscalaire sur le devenir des espaces. Des analyses coût-efficacité, sous des formes plus intégrées au contexte, au croisement entre analyse institutionnaliste et développement d’outils de planification, à l’échelle de territoires circonscrits peuvent être des outils d’aide à la négociation (Claron et al., 2022). Mais une détermination technico-économique des coûts et des gains, privée de contenu politique, social et institutionnel par réduction de l’information et abstraction des contextes, ne peut informer l’action écologique, encore moins à une échelle internationale. 
La répartition mondiale de l’action écologique et des compromis qui l’accompagnent touche aux différentes manières d’habiter la terre, à la pluralité des liens entre les sociétés humaines et leurs territoires, et aux interactions entre ces modes d’existence, bien au-delà de l’efficacité économique et écologique. Matérialiser, faire advenir la préservation du vivant non humain à l’échelle du globe demande de considérer la pluralité des modes de vie, d’organisation et de rapport au vivant. « On ne saurait réduire la Terre à un seul oïkos global » (Ferdinand, 2022), et donc sa gestion à une seule oikonomia, un seul régime de règles, à une seule conception de l’efficacité. Dans cet exemple encore, c’est la capacité du savoir économique à la pluralité des contextes[17] qui est en jeu (Alves & Dutt, 2024).
La répartition entre des États ou des entités politiques d’une responsabilité d’action écologique est une question géopolitique. La protection de la biodiversité a directement trait à l’aménagement du territoire, attribut d’une souveraineté politique[18] qu’une efficacité écologico-économique globalisée invisibilise. Les enjeux géopolitiques de la protection du vivant incluent des questionnements par nature économiques, comme les enjeux distributifs liés à l’accès au développement, à la prospérité et aux ressources naturelles (Charbonnier, 2024). Concrètement, le renoncement à une forme de développement économique — qu’induirait pour une entité politique, la mise en conservation ou restauration écologique de son territoire — peut être synonyme de perte actuelle et future d’indépendance et de capacité à définir les termes de l’échange. Le contexte de fragmentation de l’ordre international n’encourage pas à déléguer sa subsistance économique à la volonté de payer pour l’environnement de puissances occidentales. Cette répartition géographique de la responsabilité de l’action écologique est, selon nous, un exemple de ce qu’Amartya Sen nomme à la fin d’Éthique et économie « un problème éthique comportant des aspects mécaniques et faisant appel à des relations économiques » (Sen, 2012, p. 83). Par la même, ces questionnements dessinent les contours d’un autre rôle pour la discipline, au service de la définition de cadres multilatéraux, dont la priorisation des zones à préserver, au nom d’une répartition coût-efficacité globale, ne saurait constituer l’entièreté du programme de travail. Face à l’ampleur et la complexité des transformations systémiques à mener, l’absence de causalité simple amène à explorer d’autres positionnements, outils et méthodes. Si la discipline économique peut accompagner la mise en œuvre de cet agenda international, c’est à condition de dépasser l’optimisation d’un budget écologique global et d’informer la dimension distributive des politiques écologiques[19] (Myrdal, 1973). Dans une perspective davantage gestionnaire, elle se voit assignée à un rôle d’ordre technique, explorant les savoirs et savoir-faire liés à l’allocation des ressources et à la production de biens économiques (Sarr, 2016).

 

Construire une économie internationale écologique dans un monde pluriel et fragmenté

Un autre agenda de recherche en économie pour informer l’action internationale pour la biodiversité pourrait être défini ainsi : accepter comme point de départ le lien entre insertion dans les chaînes de valeur mondiales, capacité de subvenir aux besoins, et destruction des milieux naturels, et s’attacher à dresser la carte des intérêts, concevoir les conséquences géopolitiques et géo-économiques des transformations des systèmes de production et de consommation pour les anticiper, et proposer des instruments ou régulations permettant de les amortir, de les distribuer[20]. En d’autres termes, il s’agit de travailler à proposer une insertion différente dans l’économie-monde des différents espaces économiques, une insertion qui permet et engage une action écologique adaptée à leur contexte, à leurs socio-écosystèmes, et aux vulnérabilités socio-économiques auxquelles ils font face. Cet agenda de recherche part du constat du lien étroit entre les dépendances économiques et les conditions de l’action écologique : le contrôle des termes de l’échange est un préalable, nécessaire, bien que non suffisant, à la capacité de prendre soin de son propre sol et territoire.
Comme exemple de littérature — en partie empirique — qui entend informer cette insertion différente à l’économie monde, nous citons les travaux existants sur la transformation de l’architecture financière internationale au nom de la capacité d’action écologique des pays, en termes de vulnérabilités (Althouse et al., 2025), d’investissement (Gallagher et al., 2023, 2024), et de solvabilité (Volz et al., 2020 ; Zucker-Marques et al., 2025). La mise en évidence des interdépendances et des chaînes de valeur par les analyses entrée-sortie, multirégion (Oppon et al., 2018), voire multi-échelle et multirégion (Bachmann et al., 2015) servent également à dessiner cette cartographie. D’un point de vue plus normatif, un lien peut être tissé avec les travaux sur l’économie des réparations (Sylla et al., 2024).
Cet agenda de recherche ne demande pas prioritairement de rendre visibles ou d’intégrer les dynamiques du vivant non humain, piste généralement envisagée pour une refonte ontologique de la discipline face à la perte de biodiversité. Autrement dit, l’horizon qu’il dessine porte davantage sur les objets classiques de l’économie — la distribution de la valeur produite et l’accès au développement — en intégrant les contraintes d’usage des ressources naturelles et d’impact environnemental, que sur l’avènement d’une science bioéconomique (Jean & Mouysset, 2022). Il ne s’agit pas d’inverser l’ordre éthique et l’ordre économique et de demander à l’économie, comme discipline, d’interpréter les besoins des entités non humaines, même si l’éthique sous-jacente les reconnaît. Cela ne signifie pas pour autant que les transformations épistémologiques à opérer, pour réarticuler la production de savoirs économiques à un cadre éthique et normatif écologique, soient moins ambitieuses.

Encadré n° 1 :

Déterminer l’efficacité économique de la restauration écologique des écosystèmes

Le calcul d’une efficacité économique différenciée de la restauration d’écosystèmes entre des espaces géographiques suit schématiquement trois étapes : (1) la mesure des coûts de la restauration ; (2) la définition des critères d’efficacité et l’estimation des bénéfices ; (3) la valeur actualisée nette de la restauration. Cet encadré détaille ces étapes, sans prétendre couvrir exhaustivement les méthodes présentes dans la littérature.
Il est important de comprendre que, dans le cas des analyses spatialisées sur lesquelles nous nous concentrons, chaque pixel est généralement associé à un type d’écosystèmes que ces étapes permettent successivement de caractériser par un coût, un potentiel écologique ou un bénéfice.

Étape 1 : Estimation des coûts de restauration

Selon les études, les coûts de restauration peuvent intégrer tout ou partie des coûts suivants : acquisition, établissement, maintenance, coûts de transaction et coûts d’opportunité (Iftekhar et al., 2017 ; Mirzabaev & Wuepper, 2023). Ces coûts recouvrent à la fois des coûts comptables et économiques ou socio-économiques. Le coût comptable correspond à l’ensemble des dépenses réelles engagées. Le coût économique intègre les coûts comptables mais y ajoute des coûts d’opportunité et les coûts implicites, jusqu’à la perte de bien-être. Le coût économique traduit une vision prospective visant la gestion optimale. Le périmètre des coûts considérés traduit des réalités différentes et varie entre les publications.
Les coûts comptables comprennent les coûts d’acquisition, d’établissement et de maintenance. Les coûts d’acquisition correspondent aux dépenses engagées pour acquérir des terres en vue de leur conservation ou de leur restauration. Les coûts d’établissement sont ceux nécessaires à la mise en œuvre des pratiques et technologies de restauration écologique (préparation du site, semis ou plantation). Les coûts de maintenance désignent les dépenses récurrentes engagées par la suite pour entretenir ces plantations.
Entre les coûts comptables et les coûts économiques, il y a les coûts de transaction, qui, en fonction de l’approche théorique, peuvent être ou non comptabilisés (Coggan et al., 2010 ; Falconer & Saunders, 2002 ; McCann, 2013 ; Gonon et al., 2025). Les coûts de transaction au sens comptable englobent les dépenses associées à l’identification de sites adaptés à la restauration, à la planification, à la négociation, à l’organisation des programmes. Les coûts de transaction au sens économique, suivant davantage les travaux de Ronald Coase, concernent les risques inhérents à la transaction, gênant ou ralentissant les échanges sur un marché.
Les coûts d’opportunité correspondent à la perte des bénéfices liés à l’usage antérieur des terres restaurées. Par exemple, si un programme de reforestation est mis en œuvre sur des terres agricoles, les revenus agricoles antérieurement générés doivent être comptabilisés comme des coûts d’opportunité dans l’analyse économique. Les coûts d’opportunité peuvent compter jusqu’à 87 % des coûts totaux dans ces analyses (Strassburg et al., 2020).
Les coûts considérés pour la restauration écologique varient entre les publications. Certaines analyses comprennent uniquement les coûts d’opportunité (Jakovac et al., 2020), d’autres ne les considèrent pas (Bayraktarov et al., 2016). Certains font varier les coûts en fonction des écosystèmes ou biomes (Mirzabaev et al., 2022), d’autres selon la méthode de restauration (régénération passive, plantation) quels que soient le biome ou l’écosystème concerné (Brancalion et al., 2016). Les coûts associés au travail, au salariat ou équivalent sont une part conséquente des coûts d’établissement et de maintenance, mise en évidence dans plusieurs méta-analyses (Su et al., 2021 ; van Kooten et al., 2004).
La spatialisation de ces coûts demande de construire des couches cartographiques à partir des données sur la productivité et les caractéristiques écologiques. Strassburg et al. (2020) (figure 2) mentionnent par exemple dans les annexes de leur étude : « Nous avons utilisé chaque valeur actualisée nette [le profit agricole] pour convertir les cartes de la productivité actuelle de chaque culture dans chaque cellule de la grille, de la quantité produite par zone à la valeur de production par zone. […] Nous avons ajouté les cartes résultantes pour obtenir la couche des coûts d’opportunité pour l’agriculture[21]

Étape 2 : Définition et estimation des bénéfices ou de l’efficacité

Les bénéfices et coûts de la dégradation[22] sont estimés par la somme des variations de la valeur économique totale (VET) qui représente la somme des services écosystémiques pris en compte dans l’analyse, sur un intervalle de temps tel que :
Avec :

Cette étape demande donc que chaque unité statistique géographique (pixel) soit identifiée par un écosystème, et chaque type d’écosystème à une VET.
Si p1 > p2 alors, il y a eu dégradation et le coût équivaut au différentiel de VET. À l’inverse, l’augmentation de la VET traduit le gain estimé de la restauration. Cela sous-entend que la restauration équivaut à un changement d’écosystème, par exemple l’écosystème 1 est une « savane arborée » et l’écosystème 2 une « forêt ». Le différentiel de VET est ensuite intégré au calcul de bénéfice (étape 3).
La mesure de l’efficacité de la restauration écologique fonctionne sur une logique similaire, mais utilise d’autres critères et métriques, permettant une information moins agrégée ou s’interdisant certaines mises en équivalence[23]. La restauration écologique est régulièrement associée aux bénéfices en termes de séquestration de carbone et d’un indice de biodiversité comme, par exemple, le risque d’extinction (UICN).
Pour le carbone, une méthode classique revient à échantillonner les cartes des stocks de carbone actuels afin d’obtenir les valeurs moyennes des stocks de carbone de la végétation indigène restante, puis d’extrapoler ces valeurs aux zones restaurables de la même zone géographique sur la base d’une typologie d’écosystèmes. Ces estimations de gains sont donc approximées par la typologie (d’un type d’écosystème à un autre), non par la dynamique écologique des écosystèmes considérés. En d’autres termes, à chaque type d’écosystème correspond un potentiel de séquestration, et la restauration équivaut à un changement de type d’écosystème.
Les indicateurs de gains de biodiversité sont multiples. Par exemple, dans Strassburg et al. (2020), les données de la liste rouge de l’UICN sur les plages d’altitude et les préférences d’habitat de chaque espèce menacée d’extinction sont reclassées pour correspondre à une typologie simplifiée d’écosystèmes (qui détermine également les gains en carbone et les coûts). Pour estimer les bénéfices potentiels de la restauration pour la biodiversité, la réduction du risque d’extinction de chaque espèce est quantifiée par l’augmentation de sa surface d’habitat, c’est-à-dire une augmentation du nombre de pixels associés à l’écosystème concerné.

Étape 3 : Évaluation de l’efficacité de la restauration par scénario

Le bénéfice de la restauration s’obtient par la valeur actualisée nette (πᵢₜ) de la restauration des terres à l’année t sur l’horizon de planification T de l’utilisateur des terres.
Avec p = 1 + r , r étant le taux d’actualisation de l’utilisateur des terres ; Yᵢₜ la production de services écosystémiques d’usage direct après restauration des terres (nourriture, fourrage, bois, produits forestiers non ligneux, etc.), ces services écosystémiques peuvent inclure des dimensions culturelles ou patrimoniales en fonction des analyses ; P le prix unitaire de Yᵢₜ ; IVᵢₜ la valeur des services écosystémiques d’usage indirect (par exemple, la séquestration du carbone) ; lmᵢₜ les coûts liés à la restauration des terres ; cᵢₜ les coûts directs de production. L’exposant i renvoie au biome restauré. Des scénarios permettent de faire varier le taux d’actualisation et les horizons temporels pour correspondre aux choix et priorités des décideurs. La différence par rapport à  sans restauration donne le bénéfice net de l’action de restauration.
L’optimisation multicritères peut se faire de plusieurs manières. Dans Strassburg et al. (2020) la proportion d’un type d’écosystème à restaurer dans chaque unité de planification (i) est déterminée afin de maximiser les bénéfices (en matière de biodiversité ou d’atténuation du changement climatique) ou de minimiser les coûts (coûts d’opportunité et de restauration).
avec :
 xᵢ ∈ [0, uᵢ] : proportion de l’unité i à restaurer
 bᵢ : bénéfice en biodiversité (par $/km²)
 sᵢ : bénéfice en carbone (tonnes par $/km²)
 cᵢ : coût total (opportunité + restauration) pour l’unité i (en $/km²)
 wb, ws : poids attribués à la biodiversité et au climat
 np : nombre total d’unités de planification
La fonction objective est contrainte par une surface maximale à restaurer et par une contrainte de restaurabilité par unité 0 ≤ xᵢ ≤ uᵢ ∀ i, avec uᵢ la proportion maximale de l’unité i pouvant être restaurée (par exemple en cas de zone urbaine).

Remerciements 

L’auteure remercie Felwine Sarr et l’équipe de Global Africa, ainsi que Pierre Charbonnier, Hugo Mosneron Dupin, Harold Levrel, Yann Kervinio et Antoine Godin pour leurs commentaires. Le manuscrit est de la responsabilité de l’auteure.

 


Notes

[1] Rapport Planète vivante 2024, WWF.

[2] Par exemple l’Accord de Kunming-Montréal (2022), la Décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes (2021-2030), le Défi de Bonn.

[3] Ce cadre méthodologique constitue également une base pour la construction de courbes de coûts marginaux d’abattement pour la biodiversité pour prioriser les espaces à restaurer — du moins coûteux au plus coûteux par unité de gain écologique. Cette frontière de recherche en économie de la biodiversité est actuellement débattue. (cf. Keynote de Ben Groom [University of Exeter] au premier congrès de Latin American Association of Environmental and Resources Economists [AERE]2025).

[4] Les bénéfices peuvent être exprimés en services écosystémiques, en unité monétaire ou biophysique, ou en gain écologique.

[5] La Grande Muraille verte est un programme africain de reboisement, dont le tracé historique s’étend sur les onze pays de la zone sahélienne, de Dakar à Djibouti.

[6] La restauration écologique n’est pas systématiquement bénéfique pour les populations vulnérables. La restauration d’une zone humide peut améliorer certains services de filtration ou de stockage d’eau, mais peut aussi favoriser le retour de certaines maladies (voir les travaux de Jeanne de Montalembert sur la malaria dans les aires protégées). Mais les analyses spatialisées coût-bénéfice et coût-efficacité à grande échelle que nous évoquons ne reflètent pas ces arbitrages à notre connaissance.

[7] Voir la note d’Harold Levrel « D’une économie de la biodiversité à une économie de la conservation de la biodiversité » sur les liens entre évaluation de la dépendance aux écosystèmes et équipement industriel (Levrel, 2020). Voir également David Simpson « The ecosystem service framework: a critical assessment » (Simpson, 2010).

[8] Cette dépendance est statique et ne compare pas les bénéfices entre différentes trajectoires de développement. Ce point est traité en section 2.

[9] Certains travaux ont toutefois montré une plus grande efficacité de la restauration dans les zones très anthropisées du fait d’une considération du gain écologique marginal de la mise en restauration. Ces analyses n’incluent pas le coût, et ces résultats sont discutés du fait des risques d’échec de la restauration écologique dans des espaces trop dégradés. 

[10] Nous ne traiterons pas ici des débats en écologie et science de la conservation sur la validité de l’approche conversationniste. Il est de plus en plus débattu, dans un contexte d’érosion des sols, de pollution des eaux, de résistance aux pesticides et aux antibiotiques, de disparition des populations d’insectes qu’une séparation géographique stricte soit écologiquement viable.

[11] Cette conception fait référence au concept d’eau virtuelle décrit dans les travaux de John Anthony Allan (1998).

[12] En fonction du cadre réglementaire (neutralité carbone, responsabilité sociale et environnementale des entreprises), ces commodités, biodiversité ou carbone, sont un intrant à la production pour assurer sa conformité.

[13] Cette analogie est déjà utilisée par l’écologie politique concernant la non-prolifération des énergies fossiles.

[14] L’hypothèse d’intensification de l’activité économique mériterait toutefois davantage d’analyses économiques sur ces conséquences en termes d’emploi, de prix et de concentration du capital.

[15] « Pratiquement » signifie ici que les analyses spatialisées peuvent prendre en compte les pixels entourant le pixel considéré, par exemple pour définir des trames écologiques. C’est le cas de Strassburg et al. (2020).

[16] Dasgupta dédie un des chapitres de sa revue (2021) à l’impact du commerce international.

[17] On peut faire référence comme piste de recherche aux récents développements de l’économie anthropologique. S’appuyant sur l’idée fondamentale de Sraffian selon laquelle les déterminants ultimes de la distribution sont institutionnels plutôt que purement « économiques », l’économie anthropologique vise à mettre en lumière la manière dont les pratiques et les idées politiques, sociales et morales façonnent la distribution du surplus (Stanley, 2025).

[18]Cette même raison empêche en droit international la reconnaissance de la responsabilité commune, mais différenciée pour la biodiversité (Tomoi et al., 2022) : il est difficile d’attribuer l’état des paysages d’un territoire à l’influence d’un autre espace. Historiquement, l’impact de la colonisation européenne sur les milieux naturels des Caraïbes, de l’Afrique, de l’Amérique latine et de l’Asie a pourtant été largement démontré (Ferdinand, 2022 ; Haraway, 2015 ; Raja, 2022), ainsi que la subsistance dans le temps de ces dégradations écologiques.

[19] « Le problème environnemental […] est présenté comme un problème mondial. Mais il comporte une dimension distributive : qui détient le pouvoir sur les ressources ? Négliger cette question rend une grande partie des déclarations désormais fréquentes, ambitieuses et générales, totalement superficielles et trompeuses, voire dépourvues de sens. Pour donner un sens, une consistance et une pertinence à nos affirmations sur le problème mondial de l’épuisement des ressources, il nous faut poser comme hypothèse préalable — nécessaire pour fonder nos inférences — une condition précise relative à la question distributive. » (Myrdal, 1973, p. 7, traduction de l’éditeur).

[20] La formulation est reprise de Charbonnier (2024, p. 241) et adaptée aux enjeux de biodiversité dans notre texte.

[21] « Nous avons utilisé chaque VNA (Valeur Nette Actualisée) pour convertir les cartes de référence de la productivité actuelle de chaque culture, dans chaque maille, de la quantité produite par surface à la valeur de production par surface. Nous avons supposé une marge bénéficiaire de 20 % afin d’obtenir le coût d’opportunité pour chaque produit, ce qui constitue probablement une estimation prudente (c’est-à-dire élevée) fondée sur les marges bénéficiaires observées aux États-Unis (hors petites exploitations), dans certains pays de l’UE et au Canada. Nous reconnaissons qu’il s’agit d’une hypothèse simplifiée et que, dans la réalité, les marges bénéficiaires varient fortement, en particulier selon la taille des exploitations. Nous avons ensuite additionné les cartes obtenues afin de produire la couche de coût d’opportunité pour l’agriculture. » (Annexe)

[22] Les coûts de dégradation au sens économique sont une perte de valeur économique totale, ils ne sont pas des coûts au sens comptable du terme.

[23] Nous faisons ici référence aux débats sur la mesure des services écosystémiques ou de l’état de la biodiversité, et sur l’usage des unités monétaires ou biophysiques pour les qualifier.

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Pour citer l'article :

APA
Gonon, M. (2025). Quels savoirs économiques pour informer l’action internationale pour la biodiversité ? Questionnements épistémologiques à partir de l’exemple de la priorisation spatiale. Global Africa, (11), pp. 84–95. https://doi.org/10.57832/j8ty-za02

MLA
Gonon, Morgane. "Quels savoirs économiques pour informer l’action internationale pour la biodiversité ? Questionnements épistémologiques à partir de l’exemple de la priorisation spatiale." Global Africa, no. 11, 2025, pp. 84-95. doi.org/10.57832/j8ty-za02

DOI
https://doi.org/10.57832/j8ty-za02

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