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Éditorial
Éditorial
Global Africa
Le numéro varia est dirigé par Sara Mejdoubi, rédactrice adjointe de la revue
Chercheure au Center for Global Studies, Université Internationale de Rabat
sara.mejdoubi@uir.ac.ma
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Plan de l'article
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Avec ce troisième numéro varia, Global Africa poursuit son engagement à offrir un espace de débats et d’analyses, consacré à la pluralité des approches et des problématiques qui traversent les disciplines scientifiques sur et depuis l’Afrique. Le premier numéro varia avait posé, en effet, les jalons de cette ouverture ; le deuxième avait mis en avant des formes de lutte contre les violences liées au genre, en Afrique ; ce nouveau numéro vient confirmer le dynamisme des domaines du savoir, en constante évolution, marqués par la diversité des objets, des terrains et des méthodes. Les contributions, rassemblées ici, reflètent cette dynamique et leur hétérogénéité apparente ne doit pas voiler ce qu’elles ont en commun : chacune, à sa manière, interpelle une transformation. Cette idée de transformation, le passage d’un état à un autre, explore des domaines aussi variés que l’urbanisme, la gouvernance, l’économie, la religion ou la participation politique.
Et c’est dans les domaines de l’architecture et de l’urbanisme que les enjeux de la transformation se cristallisent et notamment avec le concept de « ville intelligente ». Cette idée cherche à modifier l’expérience de l’individu dans la ville. Architectes et urbanistes, à travers le monde, proposent constamment des idées innovantes, s’insérant dans des projets de modernisation. Par ailleurs, la question de l’inclusion numérique apparaît décisive pour l’avenir économique des nations et celui de l’Afrique en particulier ; que peut-on en attendre comme changement ? Parle-t-on d’une réelle inclusion ou s’agit-il, une fois de plus, d’un indicateur révélateur de l’incapacité des États à transformer le potentiel technologique en véritable levier de durabilité ? À l’autre extrémité du spectre, le Somaliland incarne la complexité des trajectoires politiques africaines. Cette république autoproclamée interpelle le regard étranger à bien des égards : la volonté d’afficher un réel revirement démocratique est présente malgré l’absence de reconnaissance internationale et la présence de nombreuses tensions intestines. Pour leur part, les savoirs économiques, appliqués à la biodiversité, connaissent un essor certain, malgré la difficulté d’une mise en œuvre. Le changement est observé notamment à travers l’étude des dynamiques religieuses. Ces dernières, comme structures spirituelles anciennes, influencent encore les équilibres sociopolitiques contemporains. Or, à l’ère de la globalisation, se pose la question de leur adaptation et de leur recomposition ; c’est le cas, à titre d’exemple, de la confrérie soufie Tijâniyya. Enfin, il y a le changement que nous pouvons observer à travers la socialisation politique de la jeunesse. Quel modèle offrons-nous à nos jeunes, à travers le monde, comme modèle politique ? Quel rôle joue, par l’instantanéité, les réseaux sociaux dans la conscience politique ?
Ce varia ouvre le débat avec l’article de Cheikh Cissé qui propose une analyse critique du projet de Diamniadio, emblème sénégalais de la « ville intelligente ». L’auteur montre que ce concept de « smart city », promu par des entreprises technologiques et adopté par de nombreux décideurs africains, oscille entre horizon politique et réalité opérationnelle. Diamniadio incarne une ambition nationale : bâtir une technopole moderne pour décongestionner Dakar et attirer investisseurs et institutions internationales. Pourtant, l’étude révèle un décalage persistant entre discours et mise en œuvre : retards dans le déploiement numérique, insuffisance des infrastructures de base, faible implication citoyenne. La recherche souligne également la dépendance du projet aux financements extérieurs, rendant sa viabilité fragile face aux aléas politiques et économiques. En situant Diamniadio dans le sillage d’autres initiatives africaines (Konza Technopolis, Eko Atlantic City), l’auteur montre que le modèle de smart city, souvent pensé comme vitrine internationale, tend à privilégier une clientèle solvable au détriment des populations locales. Le cas de Diamniadio invite ainsi à repenser la « ville intelligente » comme un processus hybride et incrémental, capable d’articuler innovations technologiques et réalités sociales.
L’article de Kalewongel Minale qui suit, consacré au Somaliland, propose de considérer l’avènement d’une expérience démocratique atypique, dans un espace marqué par l’instabilité régionale. Depuis 1991, cette république autoproclamée, bien qu’ignorée par la communauté internationale, a consolidé des institutions électives relativement fonctionnelles et a connu des alternances pacifiques. L’analyse met en évidence l’hybridation entre structures claniques, légitimités coutumières et mécanismes électoraux, qui fonde la singularité de ce modèle. Toutefois, cette trajectoire demeure fragile : l’absence de reconnaissance diplomatique, la dépendance à l’aide extérieure et les contestations territoriales récurrentes constituent des facteurs de vulnérabilité. Plus largement, le cas du Somaliland invite à repenser la démocratie non pas comme un idéal normatif importé, mais comme un processus endogène, ancré dans des pratiques sociales et culturelles spécifiques. Il contribue ainsi à nourrir une réflexion plus générale sur les conditions de faisabilité et de durabilité des expériences démocratiques dans le continent africain.
Signé par Titilayo Shakirat Folarori et Temitayo Alice Onifade, le troisième article examine les liens entre inclusion numérique et durabilité économique, dans le contexte nigérian, où l’accès aux infrastructures et aux compétences numériques demeure fortement inégal. En mobilisant une enquête empirique auprès d’universitaires, de petites entreprises et de ménages ruraux, l’étude met en évidence le rôle décisif de trois dimensions : l’entrepreneuriat numérique, les services financiers digitaux et l’adoption des technologies. Les résultats montrent que chacune de ces variables exerce un effet significatif sur la capacité du pays à construire une économie plus résiliente et inclusive. Les auteurs soulignent notamment que le numérique favorise la réduction des écarts urbain–rural, en ouvrant des opportunités entrepreneuriales aux populations traditionnellement marginalisées. Toutefois, l’analyse rappelle que l’existence d’outils technologiques ne garantit pas leur usage effectif, des obstacles persistants tenant à l’accessibilité, au coût et aux compétences. Ce constat invite à dépasser une approche techniciste de la transformation numérique pour intégrer les enjeux de gouvernance, d’éducation et de justice sociale. En ce sens, les auteurs plaident pour une compréhension holistique de l’inclusion numérique, conçue comme levier de durabilité économique mais également de cohésion sociale.
Morgane Gonon examine, pour sa part, la mobilisation des savoirs économiques pour orienter l’action internationale en faveur de la biodiversité, en prenant pour exemple les méthodes de priorisation spatiale. Elle montre que les analyses coût-bénéfice et coût-efficacité favorisent mécaniquement les zones économiquement moins productives, souvent situées dans les pays du Sud, reproduisant ainsi des inégalités globales. Ces approches ignorent les déterminants économiques de la destruction des habitats naturels et les transformations systémiques nécessaires pour freiner la perte de biodiversité. La restauration y est envisagée comme un simple changement d’écosystème, valorisé par des services écosystémiques spatialisés, au détriment de la complexité socio-économique et institutionnelle des territoires. Morgane Gonon soutient que l’économie appliquée à la biodiversité devrait intégrer les dimensions géopolitiques, sociales et distributives des politiques environnementales. Elle propose un agenda de recherche centré sur les dépendances économiques et les chaînes de valeur mondiales, afin de soutenir des actions écologiques contextualisées. Cette approche permettrait de relier efficacité économique et justice environnementale. Elle insiste sur l’importance d’une analyse intégrée et multiscalaire pour guider l’action. La perspective qu’elle développe souligne la nécessité de dépasser les cadres économiques classiques. L’objectif est de construire des stratégies de conservation adaptées aux réalités locales et globales.
Fadel Soubiane Bah explore la Tijâniyya, une confrérie soufie présente au Cameroun depuis le XIXᵉ siècle, et qui illustre comment une institution religieuse peut influencer le développement socio-économique local. À travers ses réseaux communautaires, elle organise la redistribution des ressources, soutient l’éducation et favorise l’entrepreneuriat collectif. Son éthique du travail et sa solidarité interne permettent d’allier spiritualité et initiatives économiques, offrant une alternative aux modèles purement étatiques ou marchands. L’expérience camerounaise met en lumière le rôle des pratiques religieuses dans la structuration sociale et la promotion du bien-être collectif, tout en posant la question de l’équilibre entre intérêts individuels et projets communautaires.
Mouhammad Dieng, Mamadou Aliou Diallo et Mame-Penda Ba proposent une revue de portée sur les politiques d’emploi des jeunes au Sénégal entre 1999 et 2024. Leur analyse met en évidence trois avancées notables : la création d’emplois, l’amélioration de l’employabilité et l’accompagnement des porteurs de projets. Cependant, ils soulignent six limites structurelles majeures : un déficit de communication et de transparence, la faiblesse du suivi-évaluation, le manque de coordination, des perceptions négatives, la prédominance de mesures conjoncturelles et l’insuffisance de données fiables ainsi que de ressources. Les auteurs insistent sur le paradoxe d’une croissance économique soutenue mais faiblement créatrice d’emplois durables, et sur l’écart entre les ambitions affichées et les résultats obtenus. Ils appellent à une gouvernance publique repensée, fondée sur une planification stratégique de long terme, une culture de l’évaluation et une meilleure prise en compte de l’hétérogénéité des jeunesses sénégalaises. Une telle refondation permettrait de dépasser les réponses fragmentées et conjoncturelles, pour construire des politiques structurelles capables de relier efficacité économique et justice sociale dans la lutte contre le chômage des jeunes.
Le dernier article de ce varia, des auteurs Prisca Hélène Assiene Bissossoli et Alain-Patrick Loumou Mondoleba, revient sur la peur et la prudence qui structurent l’engagement politique des jeunes au Cameroun. L’auteur explique que les jeunes se socialisent à la peur à travers assassinats, arrestations arbitraires et répressions de manifestations. La famille joue un rôle central, entre soutien et dissuasion, tandis que la socialisation autoritaire et la précarité juridique de l’opposition limitent la participation. Certains surmontent cette peur grâce à la solidarité et à la détermination, rejoignant des idéaux de justice et de démocratie. Cette formule incarne ainsi désillusion, prudence et engagement militant, révélant la complexité de la socialisation politique des jeunes et les effets paradoxaux de la violence sur leurs trajectoires.
En définitive, ce nouveau numéro varia confirme l’engagement de Global Africa à explorer les transformations africaines. Les contributions montrent que le changement traverse les dimensions sociale, politique, économique et culturelle. De Diamniadio, la ville intelligente, à l’expérience démocratique du Somaliland, les initiatives illustrent la diversité des trajectoires. L’inclusion numérique et la gestion de la biodiversité révèlent l’interaction entre innovation et réalités locales. La transformation apparaît comme un processus hybride, combinant adaptation, compromis et recomposition, tel que le montre le cas de la confrérie Tijâniyya. Cette transformation invite à dépasser les modèles importés pour penser des solutions endogènes et progressives. Les études soulignent l’importance de relier les changements technologiques et économiques à la participation citoyenne et à la justice sociale.
Notes
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Bibliographie
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Pour citer l'article :
APA
Mejdoubi, S. (2025). Éditorial. Global Africa, (11), pp. 6–8. https://doi.org/10.57832/sh8a-d222
MLA
Mejdoubi, Sara. "Éditorial." Global Africa, no. 11, 2025, pp. 6-8. doi.org/10.57832/sh8a-d222
DOI
https://doi.org/10.57832/sh8a-d222
© 2025 by author(s). This work is openly licensed via CC BY-NC 4.0
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