Analyses critiques
Les centres pour « sorcières », espaces sûrs et producteurs de savoirs protecteurs : la réinsertion sociale des personnes accusées de sorcellerie au Burkina Faso
George Rouamba
Anthropologue et sociologue
Université Joseph Ki-Zerbo, Ouagadougou, Burkina Faso
À partir d’enquêtes de longue durée, cet article propose d’évaluer la mise en place d’une intervention communautaire de prise en charge des femmes accusées de sorcellerie et hébergées dans des centres d’accueil. Une intervention innovante a été mise en œuvre dans l’un de ces centres. Ces lieux, au-delà de leur rôle d’hébergement, apparaissent comme des espaces de survie et mobilisent des savoirs protecteurs. Les pensionnaires y bénéficient non seulement d’une prise en charge holistique, mais elles sont aussi insérées dans l’écosystème d’une économie sociale et solidaire. En revanche, la réinsertion sociale des femmes dans leurs familles d’origine, une des composantes du projet du centre, connaît des résultats mitigés : le retour chez soi reste difficile et les femmes continuent de faire l’expérience de l’isolement social et de la stigmatisation. La principale leçon à en tirer est que ces interventions innovantes peuvent constituer un savoir protecteur à condition que se construise un réseau d’acteurs engagés.
Mots-clés
Implantation, sorcellerie, vulnérabilité, réinsertion, innovation, savoirs, Burkina Faso
Plan de l'article
Introduction
La sorcellerie comme maltraitance systémique des personnes âgées
Approche méthodologique
Résultats
Les centres d’accueil comme espaces de survie
- La vie quotidienne des femmes au centre Delwendé
- Le projet d’appui à la prise en charge des pensionnaires de Delwendé
Le processus de réinsertion : entre succès et échecs
Les facteurs de réussite d’une réinsertion sociale
Les cas d’échecs de la réinsertion sociale
- Après la réinsertion : un retour fragile
- Persistance des stigmatisations et discriminations
Discussions
Les conditions de succès du modèle
- L’autonomie économique et financière
- L’investissement personnel des acteurs dans le dispositif
- La dimension collective et contingente de l’innovation
En termes de limites
Conclusion : Leçons pour les savoirs protecteurs de la compassion
Introduction
Mon propos vise à éclairer le processus de mise en œuvre d’une action associative, soutenue par l’État et un bailleur de fonds : celle de la prise en charge holistique des femmes accusées de sorcellerie, accueillies dans les centres collectifs que l’on rencontre uniquement au Ghana et au Burkina Faso. À partir de l’exemple du modèle d’intervention du centre Delwendé au Burkina Faso, comment les centres d’accueil produisent-ils un « savoir protecteur » ? Quels sont les succès et limites de cette innovation sociale ? Cette réflexion permet de dépasser les récits mettant en scène la fabrication de la sorcellerie, en interrogeant le rôle des acteurs (État, familles, travailleurs sociaux) dans le processus de prise en charge holistique des victimes.
La littérature anthropologique ne s’est pas suffisamment intéressée à la prise en charge des victimes des accusations de sorcellerie, se concentrant plutôt sur une analyse approfondie de la relation entre le vieillissement et la sorcellerie chez les femmes (Fancello, 2015 ; Tonda, 2005 ; Paulme, 1994). Les accusations de sorcellerie naissent des tensions familiales et fonctionnent comme un pouvoir quasi totalitaire pour le maintien de l’ordre social, et n’importe qui peut se voir être accusé en milieu rural (Lallemand, 1988). Par contre, Marc Augé (1975) montre le lien inextricable entre la sorcellerie et le gradient économique des individus. Ainsi, les riches et les puissants sont soupçonnés, alors que les faibles et les laissés-pour-compte sont accusés. Loin d’être une pratique du monde rural, la sorcellerie se manifeste également en milieu urbain. Elle est perçue comme une réponse locale à l’impérialisme international et à la modernisation (Geschiere, 2000 ; Comaroff & Comaroff, 2000). Aussi, celle-ci se retrouve aussi bien dans les partis politiques que dans les associations (Geschiere, 2000). En milieu urbain, elle « n’a pas besoin des raisons [traditionnelles] pour se mettre en branle » (Martinelli & Bouju, 2010, p. 94).
Le traitement social de la sorcellerie s’accompagne, dans la plupart des sociétés, de violences multiformes à l’endroit des accusés. L’accusation de sorcellerie constitue l’une des formes pernicieuses de violence basée sur le genre ou de maltraitance des individus (Lallemand, 1988 ; Muluneh et al., 2020 ; De Rosny, 2006 ; Rouamba, 2015 ; Roxburgh, 2016). La violence liée à la sorcellerie est profondément ancrée dans les normes sociales, au point qu’elle est acceptée et tolérée dans de nombreuses sociétés (Krug et al., 2002). Plus de 20 000 personnes ont été victimes d’accusations de sorcellerie et d’agressions rituelles dans 60 pays au cours de la dernière décennie (Organisation des Nations unies, 2020). Alors que l’on s’attendait à voir reculer ces pratiques dans le contexte de la modernité, la croyance à la sorcellerie demeure réelle.
Dans certains pays africains, cette croyance est même prégnante. Une revue systématique en 2009 rapporte que 77 % des personnes au Ghana, 95 % en Côte d’Ivoire, 80 % au Sénégal, 45 % au Nigéria, 46 % en Afrique du Sud et 26 % au Kenya croient à l’existence de la sorcellerie (Jenkins & Agbenyadzi, 2022 ; The Witchcraft and Human Rights Information Network, 2014). Cette réalité invite à s’éloigner d’une lecture culturaliste de la sorcellerie, comme un produit des traditions ou héritages culturels, et à la repenser comme une résultante des inégalités sociales et économiques dans une Afrique contemporaine incapable de mettre en place des systèmes de protection sociale pour tous.
L’accusation de sorcellerie est constitutive d’une violation des droits humains, et la violence qui en résulte nécessite une prise en charge spécifique. Au Burkina Faso, les centres d’accueil constituent la réponse institutionnelle. Fin décembre 2016, il était dénombré 926 victimes dans 13 centres du pays (Badolo, 2021 ; Kaboré, 2017 ; Rouamba et al., 2023). Bien que le phénomène touche les deux sexes, les femmes sont les plus nombreuses (Barbier, 2020). Les personnes exclues sont accueillies dans des centres collectifs (Azongo et al., 2020 ; Musah, 2013 ; Rouamba et al., 2023). Ces victimes souffrent de plusieurs pathologies psychologiques (Alexandra, 2013 ; Badolo, 2021 ; Jenkins & Agbenyadzi, 2022 ; Lamnatu et al., 2023 ; Mabefam, 2023), de syndromes polymorphes et vivent avec un syndrome de survivant (Fassin & Rechtman, 2007).
En réponse à cette violence faite aux femmes, un projet dénommé « Appui à la prise en charge des pensionnaires du centre Delwendé de Sakoula » a été mis en œuvre par la Commission justice et paix (CJP) de l’Église catholique grâce au financement de l’ONG Diakonia. Les interventions regroupaient deux volets : une prise en charge sanitaire, alimentaire et économique au niveau du centre (celle-ci concernait uniquement les femmes du centre Delwendé) ; un second volet portant sur la réinsertion sociale touchait toutes les victimes, quel que soit leur centre d’accueil, au niveau communautaire. Cet article se focalise sur ce dernier aspect.
L’objectif de cet article est d’analyser la mise en œuvre et l’efficacité de l’intervention portant sur la réinsertion sociale des victimes afin d’en évaluer la durabilité et la réplicabilité. Le texte est structuré en trois parties. La première traite des aspects théoriques, en requalifiant la sorcellerie comme une forme de maltraitance systémique des personnes âgées. La deuxième partie concerne la méthodologie de l’étude, basée sur plusieurs enquêtes ethnographiques multisituées. Enfin, la dernière partie présente les résultats empiriques et les discussions portant sur les conditions de succès, les échecs et la pérennité du modèle d’intervention.
La sorcellerie comme maltraitance systémique des personnes âgées
La sorcellerie demeure un objet complexe qui divise les chercheurs. Certaines études la considèrent comme un imaginaire (Tonda, 2005), elle n’aurait pas d’existence réelle et tangible en dehors des pratiques sociales qui lui sont associées : la sorcellerie est une croyance. À ce titre, elle est restée confinée dans une perspective structuro-fonctionnaliste, oscillant entre une anthropologie de la maladie et une anthropologie politique (Augé, 2020 ; Lallemand, 1988). D’un autre côté, certains travaux la décrivent comme un objet réel, qui s’apprend au cours des cérémonies d’initiation et fait l’objet de procès (De Rosny, 2006, 2014).
Les travaux anthropologiques sur la sorcellerie insistent sur trois aspects : son caractère endémique, sa dimension genrée, et ses conséquences sanitaires. La sorcellerie est une violence basée sur le genre, son visage est surtout féminin (Adinkrah, 2004 ; Barbier, 2020). Le concept de maltraitance des personnes âgées permet aussi de rendre compte de la sorcellerie. Le risque de se voir accusée de « sorcière » s’accroît en effet après 50 ans, âge de la ménopause, symbolisant la vieillesse féminine en Afrique, accusation qui peut causer de graves pathologies psychologiques et psychiatriques. La maltraitance des personnes âgées englobe également toutes les formes de violence basée sur le genre, dont les femmes âgées sont victimes (Mba, 2007). Le concept de maltraitance est complexe. Quel que soit le positionnement scientifique, politique, légal ou clinique, la maltraitance des personnes âgées peut se décliner tantôt comme un problème social, tantôt comme un problème de santé publique, comme un syndrome gériatrique ou encore comme une violation des droits humains (Beaulieu & Borgne-Uguen, 2023).
La définition de l’Organisation mondiale de la santé (OMS, 2022) de la maltraitance pointe un aspect important : il s’agit de violences physiques, sexuelles, psychologiques, financières, matérielles, et de négligence, exercées dans une relation de confiance envers une personne âgée, dans des contextes communautaires ou institutionnels. La dimension « relation de confiance » renvoie à la théorie du « centre », insistant sur le fait que la sorcellerie affecte la famille mais préserve le lignage, dans le contexte de la co-résidence, mettant en lumière l’injonction paradoxale du « devoir d’amour et son protocole subtil, de même que son corollaire implicite, l’interdit de détester » dans l’unité domestique (Lallemand, 1988, p. 180). La victime est presque toujours un membre de la famille qui aurait dû bénéficier d’une prise en charge correcte. Cette violence intra-familiale, voire communautaire à travers les bastonnades, les humiliations publiques, la destruction des biens, est constitutive d’une forme de maltraitance des personnes âgées (Beaulieu & Crévier, 2010).
L’âgisme renvoie aux stéréotypes, aux préjugés et à la discrimination à l’égard de personnes en raison de leur âge. Parmi les facteurs susceptibles d’accroître le risque d’être une cible de l’âgisme, il y a le fait d’être en situation de dépendance et surtout d’être une femme (OMS, 2021). La littérature anthropologique a suffisamment montré les préjugés et les stéréotypes entourant la vieille femme perçue comme une « sorcière » en Afrique (Héritier, 1981 ; Paulme, 1994). L’isolement social et la solitude des femmes âgées sans soutien social sont susceptibles d’accroître le risque de violence et d’abus à leur encontre. C’est tout le paradoxe du vieillir en Afrique, où « rien n’est plus socialement valorisé que la vieillesse et pourtant [si l’individu] devient inutile, impotent ou gâteux, on ne manque pas de s’en débarrasser » (Louis-Vincent, 1994, p. 160). Il s’agit alors d’une forme d’âgisme invisibilisé, inscrit dans les rapports sociaux ordinaires, dans un contexte où les familles sont incapables de prendre en charge correctement les plus âgés. L’accusation de sorcellerie n’est qu’un révélateur de cet âgisme. L’âgisme affecte la santé, le bien-être et les droits humains des individus, et invite à reconnaître la violence de la sorcellerie qui en résulte comme un problème de santé publique. Les blessures physiques, la détresse émotionnelle et psychologique engendrent une mortalité prématurée chez les individus. L’exclusion sociale est à la base, au niveau communautaire, des déchirements familiaux. La sorcellerie apparaît ainsi comme une maltraitance systémique.
Les conditions dans lesquelles les personnes âgées peuvent être victimes de maltraitance sont très diverses, tout comme les personnes concernées par ce risque. Les facteurs de risque ne sont pas indépendants des contextes africains, dont les caractéristiques communes sont la précarité, le faible taux de scolarisation, la faiblesse de la formation professionnelle et le chômage, notamment des jeunes. La maltraitance peut se produire dans les familles, dans les milieux de soins et dans bien d’autres endroits réputés sûrs. De plus, l’invisibilité des personnes âgées, du fait de leur nombre restreint, car vivant dans des communautés « jeunes », participe à la fabrique d’un contexte maltraitant plus complexe. Mais le facteur de risque sociétal le plus spécifique à l’Afrique est la croyance en la sorcellerie, qui engendre les violences qui y sont associées. C’est pourquoi une intervention centrée sur la prévention, la prise en charge des traumatismes et la réinsertion des femmes exclues dans la société apparaît comme une innovation sociale.
Approche méthodologique
Le corpus mobilisé dans cet article procède d’une enquête de longue durée dont il convient de rappeler les moments charnières.
La première enquête remonte à 2013, dans le centre d’hébergement de Paspanga (Rouamba, 2015). Au cours de cette ethnographie de plus de six mois, les travailleurs sociaux, les pensionnaires et les visiteurs ont fait l’objet d’entretiens formels et informels. Ces matériaux de première main ont été complétés par l’exploitation des archives administratives des deux centres de Ouagadougou. Une base de données de plus de 800 personnes a permis de remonter les informations portant sur l’identité des personnes, leur village d’origine, la date d’arrivée au centre, les contacts de leurs proches et leur devenir. En effet, les archives administratives sont « des médiatrices, des passeuses reliant les époques, les lieux et les personnes, et cela, en dépit des lacunes et des silences qu’elles contiennent et fonctionnent comme des traces réunissant le passé et le présent » (Zeitlyn, 2009, p. 12). Elles constituent par conséquent des matériaux inédits et appropriés pour susciter de nouvelles pistes de recherche.
L’analyse de trois films de fictions burkinabè (Wend-Kuni de Gaston Kaboré, 1982 ; Yaaba d’Idrissa Ouédraogo, 1989 ; Delwendé, lève-toi et marche de Saint-Pierre Yaméogo, 2004) a permis de saisir la mise en scène de la fabrication de la sorcellerie dans les communautés. Le film, en tant que « caméra-stylo », donne le moyen de surmonter la dialectique entre le visible et le fait dicible et entre le visuel et le textuel (Laplantine, 2007). Cependant, le rôle du cinéma n’est pas de dire la vérité, mais de participer à élargir le champ de vision (Becker, 2007), en contribuant à comprendre le changement social par son pouvoir de rapprocher le temps et l’espace (Colleyn, 1988).
La deuxième enquête s’est déroulée en 2018 (Kibora et al., 2021). Elle a concerné les deux centres d’accueil de Ouagadougou (Paspanga, Delwendé) et un centre de Yako. Au cours de cette étude, les entretiens ont concerné les leaders religieux et coutumiers, les magistrats, ainsi que les officiers de police judiciaire. L’équipe de recherche a pu participer à une médiation pour la réinsertion sociale d’un jeune homme, conseiller municipal accusé de sorcellerie. Les observations ont aussi porté sur les activités génératrices de revenus des femmes dans leurs lieux d’accueil, ainsi que sur les maisons construites dans les villages d’origine pour l’hébergement des femmes après leur retour.
Les matériaux de ces deux enquêtes constituent les archives de recherche exploitées dans le cadre de cet article. L’intérêt pour les archives personnelles des chercheurs prend de plus en plus d’importance dans la réutilisation des données qualitatives (Chabaud & Germain, 2006 ; Duchesne & Noûs, 2019). Elles permettent au même chercheur, quelques décennies plus tard, de revisiter son terrain avec une certaine modestie, car il s’agit de reconnaître que le parcours intellectuel est jalonné d’investigations tâtonnantes (Bert, 2014).
La dernière enquête s’est déroulée au dernier trimestre de l’année 2024. Des entretiens individuels approfondis ont été menés auprès de trois informateurs issus des partenaires techniques et financiers, de deux chargés de projets de la CJP de la Conférence épiscopale du Burkina Faso, de deux animateurs ou parajuristes, d’un professionnel de santé, d’un gestionnaire de centre et de cinq femmes exclues et réintégrées dans leurs communautés de base. Cela a nécessité plusieurs visites de terrain. Des observations flottantes ont été faites pendant les multiples visites au centre Delwendé. Elles consistaient à regarder attentivement les personnes connues ou inconnues rencontrées dans un milieu et à se saisir de ces moments pour observer les évènements qui s’y déroulent (Pétonnet, 1982). Cette posture d’un regard apparemment passif permet de saisir les significations sociales de certains actes pour faciliter les entretiens informels, parfois au détour d’une salutation matinale.
L’intérêt des enquêtes de longue durée est qu’elles inscrivent la compréhension d’un phénomène dans une démarche processuelle, car il faut « aller découvrir ce qui naît, ce qui se transforme » (Agier, 2004, p. 7). Dans cette analyse interactionniste, il ne faut pas voir « les actions comme des points-origines mais comme des nœuds qui relient souvent des actions accomplies par d’autres personnes » (Glasser, 2010, p. 247). Aussi, ces enquêtes sur les trois centres (deux à Ouagadougou et un à Yako) sont constitutives des études de cas élargies qui relèvent de l’ethnographie multisituée (Marcus, 2010). Celles-ci permettent de déplacer le regard de la prise en charge des victimes vers d’autres domaines et d’autres espaces de vie, dans lesquels les victimes ont une expérience quotidienne de la vie des centres.
Résultats
Les centres d’accueil comme espaces de survie
L’accueil des femmes accusées de sorcellerie dans les centres est né de l’initiative de l’Église catholique pour préserver la vie de ces victimes. Il semble opportun de rappeler les conditions de vie telles que racontées par les femmes avant de présenter le projet, dont l’un des volets importants est la réinsertion sociale, le retour des victimes dans leurs villages.
- La vie quotidienne des femmes au centre Delwendé
Pour bien situer et saisir la portée de la mort sociale qui caractérise la situation des femmes dans le centre, il est utile de convoquer les statistiques sur le flux des femmes hébergées. Ces chiffres montrent trois modalités du devenir des femmes. Sur les 854 femmes recensées dans les archives du centre Delwendé sur la période de 1964 à 2008, 39 % sont décédées au cours de leur séjour ; 11 % ont réintégré leurs communautés de base ; la moitié, soit 49 %, vivent régulièrement dans le centre, parfois sans véritable contact avec leurs proches. Les conditions de vie des femmes dans les centres sont tout à fait similaires d’un établissement à l’autre, ce qui justifie que la stratégie de réinsertion sociale concerne tous les centres d’accueil du pays. À ce titre, une femme du centre de Paspanga raconte son quotidien en ces termes :
La vie est bien, mais ce n’est pas bien… (silence) Nous sommes là, nous mangeons mais… Les habits on nous donne, mais… Quand tu es habituée à manger avec tes petits-enfants… si tu es assise et que tu ne peux pas te lever, tu vas dire à un petit-enfant, prends telle chose pour moi… mais ici, il n’y a pas cela… nous sommes toutes des vieilles. Si tu es à la maison, il y a des moments où le fils et sa femme se disputent, si tu es là-bas, tu vas dire à ton fils de ne pas faire ainsi ; tu vas pacifier mais ici, tu ne sais pas si les enfants (mariés) vivent en harmonie ou pas… et puis quand ils ne sont pas à la maison, et que tu es âgée, tu vas mettre de l’eau à l’abreuvoir des poules, des animaux… Tu es assise ici, et il n’y a pas d’enfants entre nous. (Femme de 80 ans, vivant depuis six ans au centre, novembre 2012)
Tout en reconnaissant une certaine qualité de la prise en charge, cette femme semble vivre dans une situation de crise affective du fait de l’absence de ses proches. Cette crise est comparable à celle vécue lors des décès de proches, qui se manifeste par de la tristesse et de la douleur (Crubézy, 2019). Au quotidien, cette femme passe presque toute la journée dans sa chambre. Elle est assise, le buste courbé, la main au menton, les jambes tendues. Elle file peu le coton, contrairement aux autres femmes. Rien ne semble l’intéresser. Quand elle assiste à une discussion éducative, la main toujours au menton, à un moment donné, elle se lève et retourne dans sa chambre. Ses moments de silence, me dit-elle sont « quand elle pense à la maison ». Le téléphone devient l’unique moyen de passer quelques rares moments avec son fils. Une autre femme du même centre raconte sa dernière conversation :
L’autre jour, mon fils m’a appelée et a demandé de mes nouvelles, on a échangé au téléphone, il disait qu’il aurait souhaité venir, mais il n’a pas pu. Je lui ai dit : « Il faut remercier les gens de Ouagadougou, car ils ont bien fait, je mange, je porte des habits, je bois… mais… » (elle commence à pleurer en silence). (Femme de 70 ans accusée de sorcellerie, décembre 2012)
Cette situation est comparable à celle des prisonniers dont les conditions de vie sont décrites comme une mort sociale. Didier Fassin (2022) a retracé l’histoire de ce concept de mort sociale, mobilisé pour décrire la condition de l’esclave dans l’Afrique précoloniale (Meillassoux, 1975). Arrachés à leur société d’origine, les esclaves perdaient tous les liens qui les unissaient à leurs proches et toute liberté et tous droits dans la nouvelle société. Un parallèle peut être établi avec les conditions des femmes dans les centres. La mort sociale peut en effet affecter des personnes qui ne sont ni prisonnières, ni esclaves, mais des individus en situation d’« encampement » forcé. Les victimes sont désocialisées de leur groupe d’appartenance, du fait de la rupture des relations familiales (conjugales, filiales et lignagères), avec une faible possibilité de les renouer. Les propos d’un travailleur social illustrent la profondeur de cette absence d’alternative.
Non ! Pas qu’elles ne veulent pas repartir, mais chez qui aller ? Certaines ont quitté depuis… Elles n’ont plus de parents, ou bien les enfants ne sont pas là, le mari qui n’est plus… Repartir à ce moment, n’a plus de sens. Elles préfèrent rester ici, attendre les derniers jours. (Responsable d’un centre, mars 2013)
Dans les centres, les femmes vivent une situation comparable à celle d’un esclave déporté qui, non seulement, perd le pouvoir de renouer des liens avec sa famille, mais n’a également pas de recours juridique (Meillassoux, 1975). Cette désocialisation d’ensemble va se traduire au quotidien par le fait de n’avoir plus de liens, plus rien à faire, plus d’interlocuteurs, plus de voix (Agier, 2008).
- Le projet d’appui à la prise en charge des pensionnaires de Delwendé
En novembre 2021, le centre comptait 189 pensionnaires, dont 6 hommes. L’objectif général du projet, mis en œuvre de 2022 à fin 2023, était de contribuer à l’amélioration des conditions de vie des pensionnaires du centre Delwendé. En termes d’objectifs spécifiques, il s’agissait d’améliorer la prise en charge sanitaire, alimentaire et psychosociale des pensionnaires et de réinsérer au moins 15 victimes à la fin du projet, en décembre 2023. Le but de cette innovation sociale consistait, d’une part, à réhabiliter la personne accusée en renforçant son pouvoir d’agir et, d’autre part, à faire changer le regard de la société sur la sorcellerie.
La mise en œuvre a mobilisé plusieurs types d’acteurs, à différents niveaux du territoire. Au niveau national, un consortium de cinq partenaires internationaux a été mis en place pour financer le projet à hauteur de 115 millions de francs CFA (environ 175 000 €). Il s’agit de la coopération suisse, danoise, suédoise, ainsi que de l’UNFPA (Fonds des Nations unies pour la population) et de l’Unicef (Fonds des Nations unies pour l’enfance). L’ONG Diakonia, agent fiduciaire « du fonds commun genre », a été choisie pour assurer le suivi de la mise en œuvre du projet. La CJP, ONG locale experte en cohésion sociale, justice sociale et réconciliation, se chargeait de la réinsertion sociale des femmes exclues pour allégation de sorcellerie. Au niveau du centre, des experts extérieurs ont été sollicités pour des tâches très spécifiques, à haut niveau de technicité, en plus des bénévoles chargés de la gestion quotidienne du centre. En résumé, le projet est co-géré par trois acteurs clés : les Sœurs missionnaires de Notre-Dame d’Afrique, l’ONG Diakonia et la CJP.
La prise en charge holistique des pensionnaires est organisée suivant les valeurs et la logique d’une organisation économique sociale et solidaire. Une dotation en vivres, notamment en maïs, huile, poisson sec, arachide et néré a été périodiquement allouée au centre. En plus des dotations, une production interne de légumes, grâce au réaménagement du jardin, est non seulement vendue aux pensionnaires, mais aussi aux habitants des quartiers environnants. Le jardinage a bénéficié des innovations technologiques en matière d’arrosage, grâce à l’accompagnement d’un expert en culture maraîchère. En outre, l’élevage de porcs et de volailles a permis de créer un marché d’animaux de consommation pour les mêmes clients. Pour ce faire, les femmes étaient organisées en sous-groupes de travail. On les voyait nourrir et abreuver les animaux à des heures régulières de la journée.
Ce travail en vue d’une autonomie économique a été renforcé par une prise en charge médicale, psychologique et psychiatrique, assurée par un infirmier-cadre spécialisé en santé mentale et un agent de première ligne chargé des soins de base. Le chef de service décrit son travail en insistant sur son parcours professionnel très riche. Bientôt à la retraite, il a exercé dans des districts ruraux, d’abord en tant qu’infirmier, puis en qualité d’infirmier spécialisé en psychiatrie. Après une année passée à l’hôpital universitaire national, il a été muté dans un district urbain abritant le centre d’accueil. À la demande de sa hiérarchie, il a consenti à se faire affecter dans ledit centre en 2018. Dès son arrivée, il a mis en place un mécanisme d’écoute : toutes les 200 pensionnaires ont été reçues individuellement lors d’un entretien clinique. Son diagnostic a révélé que les femmes souffraient de stress, d’angoisse, d’agitation et de troubles de sommeil avec des réveils précoces. Grâce à une dotation en médicaments, la prise en charge psychosomatique des victimes est améliorée avec une bonne adhésion au traitement. Cependant, comme c’est le cas pour tous les centres de santé du pays, il est confronté aux multiples ruptures d’approvisionnement en médicaments, limitant ainsi l’efficacité de la prise en charge en dépit de l’existence d’un contrat d’approvisionnement avec une officine pharmaceutique de la ville. Pour son engagement, il perçoit une compensation financière hebdomadaire symbolique. Pour le référencement des cas graves, une contractualisation est engagée avec un centre médical confessionnel. En dépit des contraintes liées à la prise en charge des soins spécialisés, il manifeste le désir de poursuivre le travail dans le centre.
L’organisation de l’offre de services du centre a pris la configuration d’une coopérative de solidarité sociale, dont l’objectif est de répondre aux besoins de base des femmes en difficulté en intégrant des activités commerciales. Le fonctionnement s’inspire d’une vision économique visant à sortir de la logique de l’économie caritative, en mobilisant des ressources humaines (travail volontaire) et matérielles (financement public) pour répondre à leurs besoins (Laville & Gardin, 1999). La dimension collective de ces activités participe à donner l’image d’une maisonnée ; d’où l’importance des discours de comparaison du centre à une « grande famille », de la part des femmes aussi bien que des travailleurs sociaux. Ainsi, la solidarité quotidienne, qui apparaît dans les formes d’échanges de biens et de services (partage de repas, aide à la toilette pour les personnes en situation de handicap), participe à la survie quotidienne des membres du collectif (Weber, 2005).
Les activités socio-économiques contribuent à faire du centre un espace de transactions commerciales. Un moulin à farine accueille également les femmes issues des zones environnantes. Les infrastructures de production mises en place profitent non seulement aux pensionnaires, mais sont devenues des structures marchandes. Une formation en alphabétisation en langue nationale « mooré » leur permet d’acquérir des rudiments de gestion financière, car les recettes annuelles générées par le centre d’accueil peuvent être estimées à plus de 3 millions de francs CFA. Le but de toutes ces activités est d’assurer un autofinancement pour remédier à la précarité de l’institution et de ses membres. L’importance des activités commerciales traduit une quête d’autonomie individuelle pour, non seulement, permettre aux victimes d’acquérir des capabilités pour poursuivre une vie digne et épanouie (Ennuyer, 2013), mais également favoriser leur retour dans leurs communautés d’origine. Les activités génératrices de revenus rappellent les travaux des jeunes filles dans l’ouvroir de la cathédrale dans le siècle passé (Langewiesche, 2010). Bien plus, il faut inscrire ces activités dans une perspective plus globale de l’action missionnaire d’émancipation de la femme en Afrique (Langewiesche, 2012). Il s’agit de permettre aux femmes de maximiser leurs compétences afin de vivre de façon autonome et de satisfaire leurs besoins de base.
Le processus de réinsertion : entre succès et échecs
La réinsertion sociale des femmes exclues de leurs communautés a été mise en œuvre par la CJP, qui dispose d’une grande expérience dans cette stratégie. Cette activité va mobiliser les animateurs, appelés parajuristes, issus des catéchistes et des fidèles engagés dans les églises des différentes localités. Ils ont bénéficié d’une formation de cinq jours sur la médiation et la résolution des conflits. La réinsertion sociale relève d’un système complexe de négociation qui prend ancrage au niveau de deux échelles de vie (communauté et familles) et mobilise plusieurs acteurs. Le graphique ci-dessous présente le flux des femmes réinsérées dans les communautés de base.

Figure 1 : Nombre de femmes réinsérées dans les communautés de base de 2012 à 2024 dans la paroisse de Boussé
Source : Enquête de terrain, octobre 2024
Le graphique montre que le nombre de femmes réinsérées dans les familles paraît dérisoire chaque année. En analysant les archives des parajuristes, hormis l’année 2013 avec 9 femmes, les chiffres oscillent entre 4 et 1 par an, laissant déjà percevoir l’influence des dimensions contextuelles et des obstacles à la réinsertion sociale.
Les facteurs de réussite d’une réinsertion sociale
Le processus de réinsertion comporte plusieurs étapes, très chronophages. Les cas réussis de réinsertion sociale mettent en lumière les rôles des enfants, des chefs locaux et des médiateurs, agissant parfois dans l’ombre. Une première étape consiste à identifier les femmes qui expriment le désir de retourner chez elles. Au cours de cette phase, les informations concernant le village d’origine, l’identité des parents et surtout des plus proches – en l’occurrence les enfants, les petits-enfants et les accusateurs – sont collectées par le parajuriste. Cette collecte préliminaire se fait avec l’aide des travailleurs sociaux du centre. Les médiations et les négociations constituent la seconde étape. Elles sont menées auprès des détenteurs d’enjeux de pouvoir dans la localité d’origine de la femme : le chef de village, les responsables religieux (imams, catéchistes, pasteurs), et parfois les personnalités politiques. C’est un moment très critique qui nécessite une maîtrise de l’art de la parole, une connaissance des us et coutumes de la localité et beaucoup d’engagement personnel. Une animatrice raconte son expérience de médiation :
Quand je partais au centre pour l’identification des femmes de la localité qui veulent retourner dans leur village, j’ai été particulièrement interpelée plusieurs fois et avec insistance par une femme d’un village situé à quelque 50 km de Ouagadougou. Elle n’a cessé de me répéter « tu fais réinsérer les femmes et tu me laisses ici ». Finalement, j’ai contacté son fils, celui-ci donne son accord mais me demande de prendre l’avis de son père, qui du reste était le chef de village. Ce fut compliqué ! Les négociations ont pris presque trois ans. On a parlé ! On a parlé… On a mobilisé l’appui des personnes ressources en demandant de dire au mari de la femme accusée de ne plus revenir sur les circonstances du décès de l’enfant [déclencheur de l’accusation], car nous venons pour demander son pardon. Un jour, la pluie nous a battus. Il était dans son champ, je me suis agenouillée à terre pour demander son pardon… Il y a eu un moment où l’on a voulu arrêter la négociation, mais… Un jour, je lui ai dit : « En tant que chef du village, vous arrangez les problèmes des autres et vous refusez de régler un problème de votre famille. » C’est ce jour, il a donné son accord pour que la femme revienne mais pas dans sa cour : « Son fils peut la recevoir dans sa cour sise dans la zone urbaine de la commune, étant donné qu’il a une femme et des enfants. Seulement, elle ne peut plus revenir dans ma propre cour. » (Entretien avec un parajuriste, octobre 2024)
Ce récit met en évidence le caractère chronophage de la médiation, mais également le rôle des enfants dans le processus. En effet, le statut économique et le sexe de l’enfant sont des facteurs de succès. L’autonomie financière des garçons est un facteur facilitant le retour de leur mère dans une famille où elle pourra toujours bénéficier d’une prise en charge. Cependant, même si, certains témoignages montrent que les filles des femmes exclues semblent plus engagées pour le retour de leurs mères, elles sont confrontées à la réalité des rapports de domination dans le modèle virilocal, toujours prégnant dans ces communautés rurales. Contrairement aux garçons, qui peuvent recevoir leurs mères dans leurs familles, la règle de résidence virilocale est un obstacle à l’accueil de la mère chez la fille. Il est rare que la mère de la femme accepte d’aller vivre avec sa fille après son mariage chez son mari.
Les médiations mettent également en lumière le rôle des parents directs de la femme. Selon, un parajuriste, « la négociation est plus facile quand les frères consanguins de la femme acceptent ». Leur adhésion au projet de retour de la femme constitue un soutien très crucial à l’initiative des enfants. À côté de ces cas « réussis », la médiation rencontre parfois des échecs.
Les cas d’échecs de la réinsertion sociale
Toutes les médiations n’aboutissent pas à des résultats positifs et les échecs sont nombreux. Sur les 91 femmes de la province de Kourwéogo recensées par les parajuristes en 2012, une quarantaine a pu réintégrer les communautés de base en 2024. Les objectifs du projet pour ces deux années étaient la réintégration de 15 femmes, mais les résultats montrent que seulement 10 ont rejoint leurs villages. La raison principale de l’échec des médiations est le refus de pardon par les familles accusatrices. Une animatrice raconte :
Le chef de famille m’a dit : « Si tu veux la médiation, il faut aller amener l’enfant [décédé]. Tu le tiens par sa main à gauche et celle de la femme [accusée] à droite. Là, il n’y aura pas de problème. » Parfois, il ajoute que c’est parce que nous sommes des sorcières qu’on défend des sorcières. (Entretien avec un parajuriste, octobre 2024)
Ce refus s’explique par le poids de la communauté sur les choix de l’individu. Ce refus rappelle une situation de médiation dans une commune de Yako en 2018. Un jeune conseiller municipal est accusé d’avoir « mangé l’âme » de son cousin, qui s’est pendu. La médiation se déroule dans la cour du chef de village en la présence de l’équipe de recherche, d’une délégation du ministère de la Justice, des notabilités coutumières et des familles mises en cause. Malgré les demandes incessantes du chef de laisser le conseiller réintégrer sa famille, la famille accusatrice émet un refus catégorique. Finalement, le chef met fin à la rencontre et déclare qu’il poursuivra la médiation. Certains époux s’opposent également au retour de leurs épouses par peur des représailles des membres du lignage. Une animatrice raconte :
Le problème de réinsertion dans la famille se pose toujours. Les maris n’acceptent pas qu’elles reviennent s’installer au sein de la famille, mais elles peuvent vivre généralement à l’écart. Si les enfants ont les moyens pour l’amener à l’écart, c’est ok. Il y en a d’autres qui trouvent des terrains non lotis pour les y installer. (Entretien avec un parajuriste, octobre 2024)
Un parajuriste déclare qu’au cours d’une médiation dans une autre localité, un mari s’est exclamé en ces termes : « Je veux bien que ma femme revienne, mais comme c’est une affaire de buudu (litt. lignage), comment je vais faire ? » Cette situation n’est pas marginale. Dans une autre commune plus urbanisée, un administrateur de projet raconte, avec un humour mesuré, qu’un époux d’une femme réinsérée se cache la nuit pour aller lui rendre visite, pour éviter de se faire traiter de complice. L’exclusion sociale est le fait de la communauté, du lignage familial et non celui d’un individu. Les qualités humaines de tolérance et d’humanisme de certains leaders constituent le seul gage de succès de la réintégration de la personne dans la localité.
- Après la réinsertion : un retour fragile
Ces négociations réussies ont certes permis à des femmes de se réinstaller, mais le constat est que bon nombre de ces femmes vivent dans des habitations spontanées des communes rurales, isolées de leur famille souche. Dans le souci de faciliter le retour de la femme dans sa communauté, l’ONG Diakonia lui construit une petite maison de 10 m2, couramment appelée « entrer-coucher », en matériaux définitifs. La construction de la maison donne lieu à une mobilisation de la communauté. Cet engagement est une prémice d’une acception du retour de la femme au village. En plus du logement, un soutien financier à hauteur de 50 000 francs CFA (environ 77 €) est octroyé pour le développement d’activités génératrices de revenus. La quasi-totalité des résidences est située à une distance respectable de la famille d’origine ou si c’est en milieu urbain, dans les quartiers non lotis. Une ethnographie du nouveau logement d’une femme réinsérée dans la commune de Boussé, est la suivante :
Il s’agit d’une femme de plus de 70 ans souffrant de surdité. La maison est sise dans un quartier non loti, à la lisière des champs de culture. Placée à côté de la maison de son petit-fils, célibataire, il n’y a pas de mur de clôture. Aussi, se plaint-elle des animaux qui entrent dans sa maison ; ce qui la contraint à refermer la porte derrière elle quand elle s’y trouve dans la journée. Un jardin potager avec du gombo occupe la partie non construite du terrain. Elle a pu obtenir un lopin de terre pour faire un champ. Non loin de la maison, des flaques d’eau stagnent dans des petites crevasses. Ces lieux sont propices à la reproduction des moustiques en cette fin de saison des pluies. La femme se plaint du reste des moustiques qui pullulent dans sa cour. À l’intérieur, quelques objets personnels étaient rangés dans un coin de la chambre. Au cours de nos échanges, j’apprends que son fils aîné a refusé sa réintégration et que c’est grâce à l’abnégation de sa fille qu’elle a pu revenir dans sa communauté. L’alimentation semble être un souci et elle vit grâce aux aides périodiques des services de l’action sociale. Cependant, c’est une femme joyeuse qui raconte sa journée avec humour et reconnaissance à l’animatrice. Par ailleurs, dans cette localité, les femmes réinsérées sont au nombre de cinq et elles se retrouvent pour des conversations amicales. Elles ont conservé leurs anciennes relations, consolidées dans les centres d’accueil à Ouagadougou.
L’inauguration de l’habitat est un jour de fête, symbolisant une catharsis au cours de laquelle plusieurs femmes pleurent d’émotion. Cette installation s’accompagne d’un petit moment de prière chrétienne et de repas communautaire. Prennent part à cette cérémonie de retour les acteurs qui ont été impliqués dans les phases de négociation.
La mise à la périphérie de l’habitat montre que la réinsertion totale demeure un défi permanent. Les conditions de vie restent précaires et caractérisées par l’isolement et la dépendance économique.
- Persistance des stigmatisations et discriminations
L’accusation de sorcellerie fonctionne comme un stigmate. Dans la routine des rapports sociaux, le stigmate sert à désigner un attribut qui jette un discrédit profond en termes de relation (Goffman, 1975). Ce type de stigmate est indélébile et absolument atemporel. Une fois accusée, on vit et on meurt « sorcière ». Le retour dans la communauté n’a pas pu contribuer à la réduction de la stigmatisation et de la discrimination sociale dont les femmes souffraient dans les centres d’accueil à Ouagadougou. Dans les villages d’origine, elles vivent parfois dans une profonde solitude et un isolement social. C’est ainsi que certaines ont préféré revenir dans les centres d’accueil. Une responsable d’une association raconte :
Trois cas de retour me semblent importants à relater : le premier cas concerne une femme de Yako. Quelque temps après son retour, ses enfants se sont levés pour dire qu’ils sont l’objet de moqueries, d’évitements et de risées dans le village. Ces enfants ont ajouté qu’ils avaient des problèmes d’entente, de concorde avec leurs épouses, car celles-ci éprouvent de la peur à l’égard de leur belle-mère. En conséquence, les enfants ont demandé à leur mère de retourner dans le centre d’accueil. Le deuxième cas concerne une femme dans la zone de Boussé, après son retour, elle a été tellement isolée par les membres de la famille, les voisins, qu’elle n’a pas supporté la solitude et l’isolement. Elle se sentait menacée par les regards. N’en pouvant plus, elle a préféré retourner à Ouagadougou dans un centre. Le dernier cas concerne une femme de la zone de Saponé. Ne pouvant pas l’amener au village, les enfants ont construit une maison dans un quartier non loti de la commune rurale, non loin de la localité de provenance. Les habitants ont saccagé sa maison à deux reprises. Elle est revenue habiter non loin du centre d’accueil. Dans la journée, elle va causer au centre et revient en soirée chez elle. Elle a vécu de cette façon jusqu’à sa mort. (Responsable d’une association intervenant dans la prise en charge des victimes de sorcellerie, décembre 2024)
Ce récit montre que la reconstruction du lien social pour les victimes est un chemin long et semé d’embûches. Ce stigmate corrompt les relations sociales et familiales de la personne accusée de manière durable.
Discussions
La prise en charge des victimes accusées de sorcellerie, considérée comme une violence sur le genre et nécessitant une action de prévention contre la maltraitance des personnes âgées au Burkina Faso, a mis en lumière à quelles conditions ce genre d’initiatives pouvait espérer quelque succès.
Les conditions de succès du modèle
Sans reprendre l’origine économique de l’innovation, celle-ci peut se définir comme l’émergence de nouvelles pratiques sociales (Gaglio, 2011) pour prendre en charge « un besoin social n’ayant pas encore trouvé de réponses acceptables ou efficaces » (Batifoulier & Noble, 2022, p. 26). À ce titre, l’exclusion sociale et les souffrances qu’elle engendre ont donné naissance aux centres d’accueil comme des innovations sociales. La prévention tertiaire consiste à traiter les traumatismes liés à la violence au niveau des individus et à mettre en place des initiatives de pacification dans les communautés de base. Ce faisant, le succès du modèle va dépendre de trois aspects.
- L’autonomie économique et financière
L’action en matière d’innovation pose la question de la gestion de l’incertitude et du rapport au risque (Alter, 2002). Concernant le financement de l’innovation, dans notre cas, l’organisation du projet reposait sur un contrat de financement à hauteur de 115 millions de francs CFA entre le bailleur et une ONG locale. Compte tenu des contraintes budgétaires, certaines lignes de financement ont été négligées. Les travailleurs sociaux (sœurs religieuses) et le personnel de santé n’avaient pas de salaire. En effet, l’innovation n’a pu s’appuyer sur aucun modèle transposable, rendant encore plus complexe le travail social. Celui-ci s’inscrit dans une perspective plus générale qui va au-delà d’une prise en charge médicale pour prendre en compte les autres besoins de la vie des pensionnaires (Bonnet, 2008).
Le modèle économique développé visait à réduire les incertitudes liées au financement externe, car l’arrêt du financement accroît le risque d’une fin incontrôlée de l’innovation. Le faible financement soulève une préoccupation éthique, puisque l’allocation de ressources dépend de la légitimité sociale et politique des victimes à bénéficier d’une prise en charge holistique. À ce titre, les tensions qui naissent des obligations morales et éthiques de prendre en charge les victimes accusées de sorcellerie et l’impossibilité de faire face aux contraintes financières sont un grand enjeu du modèle d’intervention. La précarité du centre se répercute sur le travail quotidien des acteurs. Leur investissement personnel dans le dispositif devient alors une condition de réussite.
- L’investissement personnel des acteurs dans le dispositif
La prise en compte de l’être humain dans sa singularité, dans sa faiblesse (Fassin & Rechtman, 2007) met au jour la responsabilité individuelle des travailleurs sociaux. Le risque de voir émerger des comportements non éthiques est grand, d’autant plus qu’il n’existe ni règlement intérieur écrit et affiché, ni code de conduite mis à la disposition du personnel. Chacun y va de son expérience. En l’absence de protocole de suivi et d’évaluation, la question de savoir si une personne a développé des aptitudes pour mieux gérer sa vie ou prendre en main sa nouvelle situation demeure entière. Aussi, l’engagement du personnel parajuridique représente un risque pour leur sécurité personnelle. Par ailleurs, la réinsertion étant chronophage, la lassitude et la « souffrance » deviennent des expériences aux processus de négociation.
Cette situation pose la question de l’engagement citoyen dans le travail social dans le secteur gérontologique et gériatrique au Burkina Faso. Une des limites de ce modèle d’intervention est la fatigue ressentie par les acteurs, surtout ceux du terrain. Plusieurs acteurs ressentent un sentiment d’impuissance dans l’atteinte des résultats du projet. En outre, le projet semble avoir accordé une priorité à la vulnérabilité ontologique plutôt qu’à la vulnérabilité sociale. L’accueil dans le centre vise à apporter une réponse institutionnelle à la première, qui désigne la fragilité biologique de l’homme et sa finitude (Doat & Rizzerio, 2020). La réponse à la vulnérabilité sociale est plus complexe, car il s’agit de renforcer les capacités d’agir des individus face aux agressions de certains facteurs économiques et sociaux (Doat & Rizzerio, 2020).
- La dimension collective et contingente de l’innovation
L’intervention, partant une idéologie chrétienne à l’origine, s’est légèrement transformée avec les nouveaux acteurs au fil du temps. Le processus d’innovation « suppose une inversion des normes sociales : ce qui était conçu initialement comme marginal, voire déviant, devient alors une nouvelle norme sociale » (Alter, 2003, p. 36). Dans notre cas, portant sur la sorcellerie et sa charge émotionnelle, les porteurs de cette innovation sont perçus comme des transgresseurs des règles au cours des opérations de négociation. C’est ainsi qu’ils sont vus comme étant eux-mêmes des sorciers. Le défi est la transformation des normes et des valeurs culturelles dans les communautés. Le processus de réinsertion inclut des acteurs, dont ceux qui ont joué un rôle dans le processus d’accusation de sorcellerie. Toute la difficulté était de faire prendre conscience aux acteurs de la violence de la nécessité de porter un nouveau regard sur les victimes de violence. Les sœurs religieuses d’abord, ensuite les défenseurs des droits de l’homme, et enfin les bailleurs de fonds, semblent avoir réussi pendant la durée de ce projet à développer des relations de coopération sous forme de réseaux. Le rôle des enfants, de la chefferie coutumière et religieuse permet de penser les relations sociales comme un échange ; l’échange permettant l’engagement dans les relations (Alter, 2002). Contrairement à l’innovation technique qui accorde une place croissante à la diffusion, l’innovation sociale s’appuie sur l’appropriation ou le rejet du dispositif par les acteurs stratégiques (Gaglio, 2011). L’appropriation est le gage de la pérennité de l’innovation. La mobilisation des acteurs rappelle que l’innovation est un processus collectif et contingent, car il est très largement imprévisible (Gaglio, 2011). À ce niveau, que ce soit au niveau national ou dans les villages, le succès dépend de la collaboration et de la bonne entente entre les acteurs en présence. C’est la condition sine qua non pour que l’innovation permette à chacun de développer son pouvoir d’agir (Batifoulier & Noble, 2022).
En termes de limites
Au niveau communautaire, la question de la protection des femmes réinsérées contre les discriminations et les formes d’exclusion latentes demande que les parajuristes soient formés pour l’accompagnement en milieu communautaire. Sur le plan éthique, l’attention publique apparaît comme une ressource rare, dont l’allocation est influencée par la compétition entre les acteurs en présence. Les ressources accordées par l’État sont une traduction des conflits de valeur et de la légitimité des femmes accusées de sorcellerie à être prises en charge. La question éthique est transversale et globale dans toute intervention portant sur des populations fragiles. À ce stade de mise en œuvre du projet, la portée transformatrice et systémique de l’innovation sociale est mitigée, peu perceptible. En effet, une comparaison de la situation des femmes accusées de sorcellerie à celle des migrants, développée dans les travaux de Michel Agier (2018) est intéressante. La femme exclue de sa communauté arrive dans les centres d’accueil sous le statut d’outsider (arrivant de dehors) et devient une intruse, un corps étranger qui se « greffe » au tissu social au retour dans son village. La réintégration reste fragile.
Les recommandations issues des travaux proposent la mise en place de dispositifs juridiques et règlementaires pour la protection des personnes âgées (Ferreira & Lindgren, 2008). Concernant les accusations de sorcellerie, les suggestions vont dans le sens de la criminalisation avec l’adoption de plusieurs lois afin de sortir de ce cercle infernal des accusations. Au Burkina Faso, tout comme au Ghana, la requalification de la sorcellerie comme une violation des droits humains a facilité l’adoption de plusieurs lois pour la protection et la promotion des personnes âgées au Burkina Faso (Rouamba et al., 2023, au Cameroun (Kiye, 2018), et au Ghana (Jenkins & Agbenyadzi, 2022 ; Lamnatu et al., 2023).
La conjugaison de ces actions peut transformer ce modèle fragile en une intervention durable et pérenne. D’autres proposent des campagnes de sensibilisation au Sénégal (Niyonsaba, 2023), tout en poursuivant la recherche pour que le savoir soutienne l’action (Marais et al., 2006). Cette piste se veut comme une réponse holistique à la vulnérabilité anthropologique, définie comme « un ensemble de capacités qui sont constitutives de l’existence de la personne ou qui définissent une conception minimale du bien humain » (Doat & Rizzerio, 2020, p. 65).
Conclusion : Leçons pour les savoirs protecteurs de la compassion
Les centres d’accueil, en tant qu’espaces sûrs, produisent un « savoir protecteur » contre les violences basées sur le genre et, singulièrement, contre les accusations de sorcellerie, à savoir le dispositif d’hébergement, d’autonomisation, de médiation et de resocialisation. Ils sont des espaces de survie et de reconstruction de nouvelles vies pour les victimes. Ce projet apparaît comme une métamorphose de l’assistance chrétienne dont l’origine remonte à la période coloniale (Rouamba, 2015). Ce modèle d’innovation est également une philosophie de l’action : celle de la compassion. Elle « réalise la forme la plus accomplie de cette combinaison paradoxale entre le cœur et la raison : c’est la sympathie ressentie devant l’infortune du prochain qui produit l’indignation morale susceptible de générer une action » (Fassin, 2010, p. 35). Le projet a pris la forme d’une politique de la compassion et d’une politique de la solidarité.
Cette intervention a mobilisé plusieurs acteurs, à différents niveaux et échelles du territoire. La prise en charge comprend l’alimentation, les soins, l’accès à l’eau et le renforcement des capacités économiques, un kit d’installation, et une maison pour s’abriter. Le processus de réinsertion familiale met en lumière la place centrale des filles et des fils dans la première étape du cycle d’« exclusion et inclusion » dans le tissu social. Les chefs religieux et coutumiers jouent un rôle fondamental dans la réussite de l’insertion.
Les résultats mitigés de l’intervention invitent à repenser les politiques publiques de lutte contre les inégalités sociales. Les accusations de sorcellerie se nourrissent de la précarisation des vies humaines dans un contexte de faiblesse du système de protection sociale. La relégation spatiale du nouvel habitat rappelle le défi de l’inclusion sociale des personnes marginalisées et stigmatisées. Comme l’accusation de sorcellerie est reconnue comme une forme de maltraitance ou une violence basée sur le genre, il est nécessaire d’intégrer la protection et la lutte contre les normes patriarcales. L’évaluation de cette innovation montre la nécessité de mettre en synergie plusieurs actions pour que l’intervention puisse être durable, pérenne et transférable dans d’autres régions. La mobilisation des savoirs locaux, notamment en matière de médiation, et les financements domestiques sont cruciaux.
Cette réflexion ouvre la perspective de recherches nouvelles sur les vulnérabilités humaines, sur les femmes précaires, confrontées à toutes les formes de violences. Cette perspective appelle à prendre en compte les parcours de vie au croisement des politiques sociales. Retracer les trajectoires individuelles dans la durée appelle à une ethnographie multisituée pour comparer les formes de reconstruction après une longue période d’exclusion.
Notes
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APA
Rouamba, G. (2025). Les centres pour « sorcières », espaces sûrs et producteurs de savoirs protecteurs : la réinsertion sociale des personnes accusées de sorcellerie au Burkina Faso. Global Africa, (10), pp. 162-177. https://doi.org/10.57832/azw2-aq50
MLA
Rouamba, George. « Les centres pour "sorcières", espaces sûrs et producteurs de savoirs protecteurs : la réinsertion sociale des personnes accusées de sorcellerie au Burkina Faso ». Global Africa, no. 10, 2025, p. 162-177. doi.org/10.57832/azw2-aq50
DOI
https://doi.org/10.57832/azw2-aq50
© 2025 by author(s). This work is openly licensed via CC BY-NC 4.0